" Pour répondre aux Accords de Paris – et limiter les émissions de gaz à effet de serre de manière significative -, l’industrie s’active pour décarboner ses processus de production. Mais sans faire de compromis sur le design ", estime Timothée Boitouzet. Cet architecte d’origine, qui a notamment travaillé sur le bois pour sa neutralité carbone, a mis au point un procédé permettant de métamorphoser ce matériau au niveau moléculaire afin de changer ses propriétés. " Nous faisons de la science fondamentale fondée sur de la nanotechnologie et de la chimie pour faire du bois un matériau très haute performance ", souligne le créateur de la deeptech Woodoo, qui peut utiliser n’importe quelle essence, avec une préférence pour le bois mort ou malade.
Un substitut au verre, à l’acier ou au cuir
Grâce à cela, la société est capable de produire un matériau transparent, qui devient un substitut au verre, pour adresser le marché automobile et équiper l’intérieur des véhicules. Woodoo peut également faire du bois un matériau très souple qui vient remplacer le cuir ou les peaux exotiques comme celle du crocodile ou du serpent. " Avec ce procédé, nous nous adressons au marché du luxe ", souligne le dirigeant. Enfin, la startup, née en 2017, se positionne sur le marché du bâtiment et souhaite généraliser les constructions bas carbone grâce à un substitut à l’aluminium, à l’acier ou au béton. Elle vient notamment de nouer un partenariat avec Garnica, spécialisé dans la construction bois industrialisée. " Dans le bâtiment, notre matériau permet d’émettre 229 fois moins de CO2 que l'aluminium par exemple. Notre substitut au cuir génère, quant à lui, trente fois moins d’émissions de dioxyde de carbone et notre matériau bois transparent a une empreinte sept fois inférieure au verre ", assure Timothée Boitouzet.
Multiplier les capacités de production par 5
Après six ans d’existence, consacrées à la R&D et aux premières phases d’industrialisation, la société de 40 salariés souhaite accélérer. Elle vient de réaliser une première levée de fonds de 31 millions de dollars auprès de Lowercarbon Capital, un fonds " climate tech " de plusieurs milliards de dollars. One Creation, une société d'investissement basée en Suisse, Purple, des partenaires institutionnels et d’autres startups complètent ce tour de table. Les fonds réunis vont tout d’abord permettre à la société de multiplier ses capacités de production par cinq. " Nous venons de nous équiper d’un second site industriel à Troyes, qui porte notre capacité de production à 14 000 m² par an ", souligne le dirigeant, qui travaille déjà avec une cinquantaine de clients et dispose d’une " pipeline commerciale de plusieurs centaines de millions d’euros. " L’enjeu pour la société est donc de répondre rapidement à la demande. Pour cela, elle envisage déjà de doubler ses effectifs en passant de 40 à 80 salariés pour étoffer ses services de ventes et ses équipes de production. L’objectif est également de continuer à travailler sur sa technologie et de déposer des brevets supplémentaires.
Et pour aller vite, Woodoo envisage de se rapprocher de partenaires industriels pour sous-traiter la production. " Nous avons déjà signé un partenariat avec l’équipementier d’Airbus, Duqueine, qui cherchait de nouvelles opportunités business et adresse déjà le marché automobile. Nous allons ainsi pouvoir produire notre bois transparent sur ses lignes de production ", souligne Timothée Boitouzet. La société veut ainsi amorcer son déploiement en Europe et cible en particulier l’Allemagne, l’Italie et l’Angleterre, pour travailler avec des clients comme les marques du groupe Volkswagen ou Bentley. A terme, Woodoo, soutenu par un investisseur américain, envisage également d’adresser les Etats-Unis, notamment pour le secteur de la construction.