Startups et entreprises : quelques divergences endogènes…
Un décryptage des relations entre startups et grands groupes ou ETI a été mené à plusieurs reprises par le Village by CA Paris et Capgemini. Leur dernier baromètre (2020) a mis en exergue une zone d’insatisfaction : les délais de prise de décision. En effet, 96 % des startups l’estiment trop long (versus 71 % en 2019), les grands groupes, eux, y voient une amélioration depuis les 3 dernières années (56 % considèrent que les délais sont longs contre 67 % il y a 3 ans) : " Le plus compliqué n’est pas la prise de décision en elle-même, mais le temps et l’énergie dépensés pour trouver le bon interlocuteur afin de lancer le projet car chaque entreprise a sa propre organisation ", explique Yves Benchimol, Fondateur et CEO de WeWard, startup en faveur de la mobilité et qui s’est associée, entre autres, avec la RATP.
Côté groupe, les responsables de projet ont conscience des freins internes : Groupama Loire et Bretagne a collaboré avec la startup Wijin pour concevoir leur BSI (bilan social individuel), Stéphanie Le Lay, responsable pilotage et SIRH (Groupama) en témoigne : " Nous avons mis un peu de temps à leur donner accès aux utilisateurs pour mener les ateliers de conception. Nous n’y étions pas habitués, d’une part. Puis, il faut que la confiance s’installe ".
Autre point d’ajustement : le gap entre les cultures métiers. Nutrisens, groupe agroalimentaire spécialisé dans la nutrition et la santé a récemment lancé un partenariat avec Trayvisor, startup experte en reconnaissance alimentaire via l’IA, pour améliorer l’expérience des repas des malades ou personnes âgées : " Il existe un double choc culturel : nous sommes 500 collaborateurs qui baignons dans le secteur de l’industrie alimentaire. Trayvisor compte 4 personnes à l’aise dans la culture tech ", souligne Georges Devesa, CEO du groupe.
… qui s’estompent avec des bénéfices réciproques au long cours
Malgré des adaptations nécessaires, ces collaborations sont très fructueuses de part et d’autre. " L’approche Wijin, orientée UX (user experience) nous a beaucoup aidés dans l’apprentissage de nouvelles manières de travailler, indispensables dans le contexte COVID que nous traversions. On a pu expérimenter la méthode Agile ce qui a été un levier transformatif : aujourd’hui, nous abordons chaque projet avec ce prisme ", corrobore Stéphanie Le Lay.
Côté startups, les partenariats ouvrent de vraies opportunités selon Georges Devesa : " Nous avons aidé Trayvisor d’un point de vue marché : ils disposent d’une formidable technologie fondée sur l’IA, mais n’avaient pas perçu son impact sur la vie des malades et des personnes âgées. Grâce à notre projet commun, ils ont pris conscience que leur technologie était révolutionnaire pour lutter contre la dénutrition.". Quant aux équipes Nutrisens, cette offre commune les a confortées dans leur rôle sociétal : " Notre mission a toujours été d'améliorer la vie de ceux qui vivent avec des maladies chroniques, dépendantes ou en fin de vie. Or, pour aller plus loin, il fallait proposer un service permettant d’individualiser la prise alimentaire. Leur technologie est un catalyseur de notre raison d’être.".
Autre exemple intéressant : le site e-commerce spécialisé dans la vente de produits agricoles, Agriconomie, s’est associé avec BVA pour donner plus de puissance aux analyses. Leur partenariat a été source de gains réciproques : " Nous avons apporté de la flexibilité, de l'agilité et de la force commerciale à l'offre BVA. BVA nous apportent de la crédibilité immédiate ", explique Vincent Fonverne, directeur des partenariats.
4 pistes pour instaurer une collaboration gagnante
Bien cadrer les attentes bilatérales au départ : " Il faut comprendre les besoins sous-jacents et définir les objectifs de chacune des parties. Ne pas hésiter à être explicites ", souligne Yves Benchimol. Wijin partage ce point : " Il y a certes un objectif opérationnel commun. Mais il existe des attentes particulières qu’il faut écouter. Chez Groupama, il s’agissait d’aller au-delà de l’outil en les accompagnant dans leur volonté de devenir l’employeur préféré du territoire ", explique Rémi Bourgin, CEO de la startup.
Donner du sens à la collaboration : la nature du partenariat joue sur la qualité des relations entre les parties prenantes. " Malgré nos différences de fonctionnement et de culture, le sens donné à notre alliance a permis de transcender les challenges opérationnels ", affirme Georges Devesa. Idem pour WeWard et la RATP : " Nous avons travaillé avec une équipe très dynamique, tous engagés autour d’enjeux communs sur la mobilité écologique ", explique Yves Benchimol.
Passer par une phase " d’acculturation " : prendre le temps de comprendre les fonctionnements des uns et des autres est un prérequis. " Wijin a anticipé les contraintes organisationnelles de Groupama Loire et Bretagne. Notamment, les cercles de décision ou le rythme global qui sont plus lents ", explique Stéphanie Le Lay. Au sein de Nutrisens, Georges Devesa a travaillé conjointement avec les interlocuteurs de Trayvisor afin que les deux entreprises partagent le même vocable.
Faire preuve de proximité et de transparence : " Les deux entreprises doivent travailler sur un pied d'égalité et se dire les choses. Par exemple, avec BVA, nous avons un point hebdomadaire fixé dans les agendas et des rencontres physiques très fréquentes. Aussi, un debrief est organisé à chaque fin d'étude pour travailler nos points d'amélioration et conforter nos axes de satisfaction ", explique Vincent Fonverne. Yves Benchimol termine sur un facteur clé de réussite : " Pour que la communication soit fluide, il est indispensable d’avoir un sponsor projet en interne : une personne qui recueille les feedbacks et fait passer les messages.".