La possibilité de passer à l’échelle (“scaler”)
En fonction de votre définition du succès, la réussite d’un projet entrepreneurial peut se concrétiser par un indicateur financier (chiffre d’affaires, profit, capitalisation, etc), mais également par l’engouement des utilisateurs pour un produit, par l’impact social ou environnemental du projet, ou encore par la complexité du problème résolu. Quelle que soit la motivation qui pousse à entreprendre, la capacité à passer à l’échelle et à faire grandir l’entreprise - c'est-à-dire à “scaler” - va être déterminante dans la réalisation de vos ambitions.
En effet, dans l’entrepreneuriat, l'effort n'est pas forcément corrélé au résultat. A l’échelle de l’individu, il peut être tout aussi difficile de créer et de gérer une petite entreprise qu’un géant mondial. Bon nombre des défis auxquels sont confrontés les entrepreneurs - embaucher et licencier des employés, gérer la trésorerie, attirer et fidéliser des clients - seront les mêmes, que vous lanciez une boutique de maillots de bains, un cabinet de conseil ou une startup SaaS. L’une des différences majeures est que le potentiel de gain est bien plus important si l’idée est “scalable”, c'est-à-dire s’il est possible de réaliser des économies d’échelle significatives à mesure que la société croît. Ainsi, les produits développés par les plus grandes entreprises technologiques touchent chaque jour des milliards d’utilisateurs.
Pour évaluer la “scalabilité” d’un projet entrepreneurial, il est important de sortir de la configuration où l’on vend du temps de travail. Bien qu'il soit possible d'augmenter la valeur associée à une unité de temps de travail, ou de recruter davantage, on atteint toujours une limite. La mise à l'échelle d’un produit élimine cette notion de temps, et donc de limite. Vous pouvez vendre de manière exponentielle plus d'unités - sans que le temps de travail augmente en proportion. La vente de logiciel SaaS en est un très bon exemple.
L’ambition comme valeur fondatrice
Si votre objectif est de créer une startup qui a le potentiel d’avoir un impact global, pensez grand et international dès le début. On entend souvent des entrepreneurs français expliquer que tel ou tel business model lancé aux Etats-Unis n’existe pas encore en Europe. Ces entrepreneurs font l’hypothèse qu’en copiant et adaptant un modèle existant sur un plus petit marché, ils auront plus de chance de réussir. En réalité, c’est le contraire qui risque de se produire.
Si votre ambition est limitée, vous êtes davantage susceptible d'échouer. Cela peut sembler contre-intuitif, mais c'est la conséquence d'un constat simple. Il y a deux ressources rares dont toute startup a besoin pour se développer : le talent et le capital. Or, ces deux ressources essentielles ont en commun d’être fortement attirées par l'ambition. Pour recruter des talents exceptionnels, qui ont beaucoup d’options potentielles (y compris la possibilité de créer leur propre startup), il faut leur présenter un projet ambitieux. De la même façon, un investisseur reçoit chaque semaine des douzaines de présentations de startups qui souhaitent lever des fonds. Dans le monde du venture capital, les rendements suivent une courbe de loi de puissance (ou “power law”). Pour décider dans quelle startup investir le capital à disposition, le modèle implique de choisir un projet qui a un potentiel de rendement très important. Il est peu probable qu'une idée peu ambitieuse entre dans cette catégorie.
La capacité d’être à la fois missionnaire et mercenaire
On entend souvent les investisseurs distinguer les entrepreneurs en deux groupes : les missionnaires et les mercenaires. Les profils mercenaires auraient pour objectif principal de gagner beaucoup d'argent - ils repèrent une opportunité sur un marché et s'en saisissent - tandis que les profils missionnaires seraient plus résilients et déterminés, motivés pour résoudre un problème spécifique sur le long terme.
D’après moi, c'est une fausse dichotomie. On retrouve des traits de ces deux “personas” chez les meilleurs entrepreneurs : ils sont missionnaires dans le sens où ils savent construire une croyance et une vision autour du problème qu'ils essaient de résoudre. Leur enthousiasme ou optimisme est communicatif pour leur entourage et leurs employés. Mais ils sont aussi mercenaires dans leur capacité à adapter leur idée, à changer de cap et à prendre des décisions difficiles lorsque c’est nécessaire. Le risque pour les entrepreneurs trop missionnaires est de continuer d’aller dans une direction qui s’avère être mauvaise, car ils ne sont pas prêts à abandonner leur vision. Par exemple, l'un des dangers pour les entrepreneurs qui démarrent est de ressentir un profond alignement avec une idée, pour laquelle il n'y a en réalité pas de demande et donc de marché. L’idéal est donc d’être suffisamment missionnaire pour incarner une vision, mais également suffisamment mercenaire pour prendre en compte les signaux du marché et les retours des utilisateurs. Les meilleurs entrepreneurs démontrent à la fois le zèle d’un missionnaire et l'agilité d’un mercenaire.
Pour conclure, sachez que pour réaliser votre ambition, il est important d’être honnête sur vos propres motivations dès le début. Il est impossible de diriger une entreprise pendant une période prolongée si vous ne pouvez pas le faire de manière authentique. Que recherchez-vous en vous lançant dans l’entrepreneuriat ? Qu'est-ce qui vous donne de l’énergie ? Qu'est-ce qui vous fera continuer dans les moments difficiles ? Qu’est ce qui va définir votre succès d’ici à 10 ans ? Mon dernier conseil est de ne vous lancer que si vous éprouvez un intérêt profond pour vos clients ou utilisateurs. Il sera bien plus aisé de naviguer les périodes de doute si vous pouvez revenir aux fondamentaux, et mettre votre énergie au service de leurs besoins.