Rodolphe Hasselvander a toujours rêvé de créer ses propres robots. Déjà à l’âge de 8 ans, il annonçait vouloir devenir archéologue ou ingénieur en robotique : " J’avais une maman qui travaillait dans une entreprise qui faisait de la mécanique de précision, et un papa passionné d’informatique qui codait de petits programmes. C’est peut-être le mélange des deux qui m’a donné cette excitation que j’ai toujours : donner vie à quelque chose. Je trouve ça encore magique quand tu programmes un objet et qu’il se met à réagir tout seul. ".
Fidèle à l’enfant qu’il a été, Rodolphe Hasselvander devient ingénieur en robotique. Il ne cherche pourtant pas à créer sa propre entreprise tout de suite. " Je voyais autour de moi que l’on incitait toutes les personnes qui faisaient des études supérieures à créer leur startup. Mais, dans mon parcours d’ingénieur, on ne m’a pas dit une seule fois que l’on pouvait créer sa boîte. ". Il rejoint brièvement le groupe PSA en l’an 2000 avant de rejoindre le CRIIF (le Centre de Robotique Intégrée d’Île-de-France) en 2004. Il passe les treize années suivantes dans ce laboratoire de recherche privé qui développe des projets robotiques pour de grands industriels. " C’était génial, se rappelle-t-il. On a fait rouler des voitures autonomes vingt ans avant Google et on a créé des robots humanoïdes, des robots pour la Défense ou pour la construction. C’était vraiment cool, mais on s’arrêtait toujours au prototypage. ". L’expérience est donc à la fois excitante et frustrante, avec le sentiment de ne jamais aller jusqu’au bout.
La naissance de Buddy
Rodolphe Hasselvander acquiert pourtant une petite notoriété dans le monde de la robotique qui va amener Michèle Delaunay à le contacter en 2013. Alors ministre déléguée chargée des Personnes âgées et de l’Autonomie, Michèle Delaunay lui propose de rédiger une note sur les robots d'assistance aux personnes âgées dans le monde. " J’ai fait cette petite note, explique l’expert en robotique. Et j’ai glissé à la fin une visualisation en 3D d’un petit robot que je rêvais de faire depuis plusieurs années en le présentant comme le futur de la robotique d’assistance : un robot pas cher, qui n’est pas stigmatisant et qui va aider les personnes. ".
Les événements s’enchaînent ensuite. Celui qui deviendra Buddy a été très remarqué par la ministre déléguée qui l’invite à venir le présenter pendant un grand événement trois semaines plus tard. Rodolphe Hasselvander lui explique d’abord que le robot n’existe pas encore, avant de saisir cette opportunité. Il retourne voir ses collègues du CRIIF pour bricoler un prototype à base d’impression 3D et de cartes électroniques Arduino. " On sort un robot qui boite un peu, mais qui a le mérite d’exister, explique l’ingénieur. On a eu d’excellents retours et Michèle Delaunay s’est proposée en tant que marraine de Buddy. ".
L’année suivante, il fait une autre rencontre déterminante en la personne d’Anne Lauvergeon, ancienne présidente du directoire d’Areva et présidente de la commission Innovation 2030, une initiative portée par la Présidence de la République, qui a pour mission de susciter les futurs leaders industriels français. Elle invite Rodolphe Hasselvander à présenter Buddy dans la catégorie “Silver Economy” du concours Innovation 2030. Il en sera lauréat et recevra un financement de 200.000 euros pour lancer son projet. Il hésite un instant à quitter le CRIIF mais trouve un investisseur prêt à le financer sur la seule base de ce premier prototype.
Vers le Apple des robots ?
Si Blue Frog Robotics s’est lancé avec la promesse d’un robot orienté vers les personnes âgées, Rodolphe Hasselvander a très vite l’ambition de toucher une plus large tranche de la population :
" Je voulais un robot pour tout le monde… et qui ne soit donc pas stigmatisant. C’est-à-dire que des enfants peuvent ainsi avoir le même robot que leur grand-mère. Ce sont les usages qui sont différents grâce aux applications qui sont utilisées. J’ai toujours eu l’ambition de faire le Apple des robots, et que Buddy soit notre iPhone, avec un App Store que les développeurs du monde entier peuvent enrichir de leurs applications.".
L’entrepreneur assume le fait que l’aventure Blue Frog Robotics a été un parcours du combattant, avec de nombreux freins et compromis. Enthousiaste à l’idée de viser le grand public, il lance en 2015 une campagne de crowdfunding sur Indiegogo qui rassemble plus de 600.000 euros. Il découvre pourtant la frilosité des fonds d’investissement à financer un produit hardware en BtoC et l’entreprise change son fusil d’épaule pour se concentrer sur le BtoB.
S’il le présente tout d’abord comme un pivot, Rodolphe Hasselvander se reprend aussitôt pour le présenter comme une étape intermédiaire. Son objectif final a toujours été de le vendre en direct aux utilisateurs.
Buddy est ainsi aujourd’hui principalement vendu aux écoles, aux centres spécialisés et aux EHPAD, avec une utilité très forte pour les enfants hospitalisés de longues durées qui peuvent ainsi suivre les cours à distance, mais aussi pour les enfants autistes ou les personnes âgées. Le fondateur de Blue Frog Robotics regrette pourtant que ses robots n’accompagnent pas les utilisateurs finaux chez eux. C’est la raison pour laquelle, neuf ans après la création de l’entreprise, il revient sur son rêve de vente au grand public qu’il espère possible d’ici la fin de l’année.
Pour le permettre, Rodolphe Hasselvander lève actuellement une série A de 10 millions d’euros pour accélérer son déploiement international et sa R&D. Il souhaite que Buddy soit prêt à se déployer plus largement que les 2.000 robots déjà en liberté. Tout comme un iPhone haut de gamme, l’entrepreneur espère pouvoir le vendre à un prix avoisinant les 1.500 euros.
" Je veux avoir un impact significatif sur la société, explique-t-il. Je veux toucher tous les foyers du monde. Et je pense que c’est possible parce que nous avons un robot qui est vraiment utile et qui répond à de vrais besoins. Ce n’est pas un délire d’ingénieurs qui ne serait pas utilisable dans la vraie vie. On ne vient pas créer une machine, mais un compagnon, un nouveau membre de la famille. ".
Pour Rodolphe Hasselvander, la question ce n’est pas de savoir si les humains cohabiteront un jour avec des robots au quotidien. La seule question est : " quand ? "