La santé digitale attire les investisseurs. En dépit d'un contexte économique incertain, les jeunes pousses européennes du secteur ont levé près de 4,86 milliards d'euros en 2022 (+14% sur un an) pour un total de 301 transactions (+22%). Rien qu’en France, 1,7 milliard d’euros ont été levés - soit près de trois fois les montants investis en 2021, selon une étude annuelle du fonds d’investissement Karista publiée ce lundi 13 mars.
Ces résultats s’expliquent par une hausse du montant moyen levé en Europe - passé de 17 à 20 millions d’euros en 2022 - et des fonds d’investissements présents sur le secteur. "Ce nombre augmente d’année en année, y compris en 2022, qui était pourtant une année en demie-teinte en Europe", commente Catherine Boule, directrice générale de Karista. Il y a ainsi 168 fonds, dont 47 français, ayant réalisés au moins trois investissements dans l’e-santé européenne (+17,5% sur un an).
L'ère post-Covid, ou "l'engouement" pour la e-santé
"Il y a un engouement fou pour la santé, et en particulier la e-santé, depuis la pandémie du Covid-19. Auparavant, les investisseurs pouvaient encore être frileux, estime Catherine Boule. Aujourd’hui, tous les acteurs du secteur - investisseurs, mais aussi patients et médecins - s’accordent à dire que la digitalisation de la santé n’est plus une option pour l’amélioration du parcours de soin."
L’étude souligne un maillage du financement de plus en plus complet. Ainsi, 52% des fonds sont dédiés à l'early stage. "Si ces fonds sont toujours majoritaires, leur part diminue progressivement : aujourd'hui, 37% des investisseurs sont des fonds multi-stage (+47,6% sur un an). C’est logique : les investisseurs suivent la maturité des sociétés, dont certaines cherchent désormais à se refinancer en séries B et C", affirme-t-elle.
Seulement 18% (soit 31 fonds) sont des "super-investisseurs" en e-santé, c’est-à-dire ayant investi déjà dans plus de 10 startups. "Nous voulions identifier les investisseurs qui persistent dans le financement de la e-santé. Ils restent peu nombreux – mais comme le secteur reste émergent, avec des entreprises jeunes, il faut du temps", souligne la directrice générale.
Une hausse des fusions-acquisitions en 2022
Pour 2023, "un fléchissement des investissements va sûrement se ressentir. Les Etats-Unis ont déjà vu leur niveau d’investissement général baisser en 2022, et l’Europe a souvent un décalage de 6 à 8 mois", détaille Catherine Boule. Et de poursuivre : "Compte tenu du contexte, il y a une crispation du marché : les investisseurs sont plus attentistes et précautionneux. Nous sommes plus exigeants car il sera probablement plus difficile de se refinancer, donc notre seuil de sensibilité augmente. Nous regardons plus en détail le niveau de maturité, la qualité des équipes…"
Les fonds doivent aussi "arbitrer sur le refinancement des sociétés de leur portefeuille, avec un soutien parfois plus important que ce qui était prévu initialement", précise la directrice générale.
Le ralentissement du financement dope l’activité des fusions-acquisitions, en hausse de 1,7% en 2022. "Beaucoup d'entreprises se sont positionnées sur les mêmes créneaux : la prise de rendez-vous en ligne, la téléconsultation, la messagerie sécurisée entre professionnels de santé… Mais il n’y a pas de place pour tout le monde sur le marché européen. C'est pourquoi nous assistons à une consolidation du secteur, qui devient plus mature. Cela peut être de bonnes opportunités pour le portefeuille", estime Catherine Boule.