Mercredi 8 mars, la Silicon Valley Bank annonce vouloir lever rapidement du capital pour un “rééquilibrage de bilan”, selon son PDG, alors que des rumeurs courraient déjà avant cela sur des problèmes de liquidités. Le secteur financier s’alerte, le marché s’emballe et la banque, qui se présente comme “le partenaire financier de l'économie de l’innovation” perd 60 % à la Bourse de New York jeudi. Le cours de ses actions est interrompu vendredi et à la mi-journée, la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) ferme la Silicon Valley Bank.
La banque passe d'une capitalisation boursière de 16 milliards de dollars à une fermeture totale en deux jours. Fin 2022, SVB, 16ème banque américaine par la taille de ses actifs, compte 209 milliards de dollars d'actifs et environ 175,4 milliards de dépôts, précisent les autorités. "Près de la moitié" des startups financées par des fonds américains avaient un compte au sein de l’entité financière, selon le rapport annuel de cette dernière.
Des startups, disposant parfois de l’intégralité de leurs actifs déposés à la SVB, se retrouvent désormais dans l’impossibilité totale d’accéder à leurs liquidités.
Une surchauffe évidente
Comment en est-on arrivé là ? 2020 et 2021 ont été des années d’investissement record aux États-Unis : 344 milliards de dollars de capital-risque ont été investis dans les startups en 2021. Des financements importants qui multiplient par 3 les dépôts de la SVB entre 2019 et 2022. Ce qui n’empêche pas la banque de manquer de liquidités, en raison notamment de la revente récente de titres à perte, selon des médias américains.
En raison également de la conjoncture actuelle, puisque les startups clientes, faisant face à leurs propres difficultés entre la hausse des taux d'intérêt et les remous dans l’écosystème, ont, ces derniers mois, retiré beaucoup d'argent de leurs comptes, entraînant la chute que l’on connait.
Un avenir très incertain
La FDIC prévoit de rouvrir les succursales de la banque le lundi 13 mars, et d'autoriser à court terme les clients à retirer jusqu'à 250.000 dollars, le montant garanti par l’organisme américain. Le meilleur des scénarios possibles serait un rachat de la banque par une autre, ce qui pourrait permettre à la situation de se réguler en quelques semaines tout au plus. Une probabilité moindre selon Anne-Charlotte Rivière, avocate du cabinet Goodwin, cabinet d’avocats qui accompagne de nombreux clients dans le monde ayant des actifs chez SVB, et dont la filiale américaine, très mobilisée, a très rapidement organisé un webinaire en réponse aux préoccupations des startups.
Une liquidation par la FDIC, qui passerait par la vente de nombreux actifs, pourrait prendre des années. Un temps que la plupart des startups clientes n’ont pas, faute de liquidités elles-mêmes.
Le monde des cryptos et quelques banques ont été chahutés en bourse dès jeudi, mais l’urgence est désormais au versement des salaires, qui interviennent chaque quinzaine aux États-Unis. Selon les analystes, de nombreuses entreprises risquent de ne pas pouvoir verser les salaires dans les " deux à dix semaines à venir ", et : " aux Etats-Unis, on licencie les gens du jour au lendemain, donc l’une des craintes est une vague de licenciements massifs ", selon Anne-Charlotte Rivière.
Quelles répercussions ?
Anne-Charlotte Rivière est formelle : cette situation va " faire tomber des startups aux Etats-Unis, même de très grosses ". " Beaucoup de startups américaines ont réalisé des bridges, ces financements tampons en attendant de la trésorerie et de nouvelles levées, et vont faire face à un arbitrage urgentissime entre refinancer encore et encore ou ‘débrancher la prise’.".
Et en France ? " Il n’y a pas de banque en France dédiée à l’univers startup (…) Est-ce que cela pourrait déclencher en revanche, une réaction en chaine ? On ne sait pas ". Avant de continuer : " Mes clients m’ont interrogée sur l’impact sur leur levée de fonds puisqu’une grosse partie de l’écosystème en France fonctionne sur la croyance du “on a un retard par rapport aux US, donc si ça s’écroule aux US qu’est-ce qu’il se passe”? ".
Une chose est sûre, le sujet mérite d’être très suivi en France. Dimanche soir, les autorités américaines annoncent après un week-end mouvementé, vouloir mettre aux enchères SVB, en voulant éviter la contagion : "nous voulons nous assurer que les problèmes qui touchent une banque ne créent pas de contagion à d’autres qui sont solides", selon Janet Yellen pour la chaîne de TV CBS.