Décryptage par Bertrand Lenotre
8 mars 2023
8 mars 2023
Temps de lecture : 7 minutes
7 min
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L’école GEM innove avec un cours immersif sur les enjeux de la transition durable

Grenoble Ecole de Management (GEM) vient de lancer un cours totalement inédit, hybride et immersif conçu par une équipe de 14 enseignants de toutes disciplines de l’école, en co-innovation avec des partenaires comme WondaVR et Rev(e) Studio.
Temps de lecture : 7 minutes

Développé en WebXR, "Sustainability Transition in international business" propose à 1.100 étudiants de GEM, réunis en petites équipes, de parcourir à leur rythme 24 espaces modélisés en 3D dans la peau d’employés de Rossignol qui doivent développer un ski recyclable et un business model innovant. Si, depuis 2019, GEM s’est doté d’une filière "Innovation for Sustainability Transition" à l’attention des élèves de 3e année qui suivent le programme PGE, il s’agit cette fois de poser les jalons d’un cours immersif novateur destiné à être diffusé à tous les étudiants et collaborateurs de l’école dès 2023.

Rencontre avec Thibault Daudigeos, Doyen associé à la recherche à GEM, professeur de management et durabilité et responsable scientifique de ce nouveau module.

Maddyness : Que représente la “sustainability”, la durabilité dans le parcours global des étudiants de GEM ?

Thibault Daudigeos : Ce cours à GEM est le premier cours concret pour l'ensemble des étudiants de première année sur les aspects de durabilité et innovation. Cela représente à peu près 20 heures de cours, en première année, au tout début de leur parcours. On aborde bien sûr les aspects durabilité en transversal dans d'autres cours, mais c'est la première fois que l’on crée un cours dédié au croisement de la durabilité et de l’innovation. Les étudiants qui le souhaitent ont des options de spécialisation. Ils peuvent aussi opter pour une troisième année spécialisée sur la question innovation pour la transition. Mais de fait, là, c'est le premier cours obligatoire aussi important sur cette question.

Quels sont les principes clés de votre propre cours sur la durabilité ?

T.D : Le premier est que ce cours ne porte pas uniquement sur les enjeux de la transition mais pose la question de la traduction des enjeux de la transition dans les entreprises. C’est très important. Ce n’est pas un cours sur la perte de biodiversité ou le changement climatique, on se demande surtout si ces enjeux peuvent être intégrés dans les entreprises aujourd’hui.

Un des grands principes clés est de travailler sur la transformation des grandes fonctions de l'entreprise pour faire face à ces enjeux. Nous explorons l’intégration des indicateurs extra financiers et de la mesure dans la finance et le contrôle de gestion ainsi que la promotion de produits plus respectueux de la planète dans le marketing. Changer les habitudes des consommateurs, changer les comportements en entreprise pour intégrer les enjeux de transition par des systèmes de recrutement, de gestion de carrière, sont également au programme.

Evidemment, la très grande question est celle de la gouvernance de l'entreprise : comment les propriétaires de l'entreprise, ses actionnaires et les parties prenantes des entreprises intègrent progressivement ces enjeux de développement durable ? Voilà le principe de base.

Le deuxième principe est l'idée de rendre les étudiants critiques, au sens positif, noble du terme, c'est à dire de développer leur esprit critique. Le but du jeu n’est pas de dire : " c’est bien ou c'est mal ", mais d'essayer de vraiment décrire ce qui se joue aujourd'hui dans les entreprises et de décrypter les avantages et les limites de ces transformations. Notre idée est vraiment de faire sentir où nous en sommes vraiment aujourd'hui.

Au-delà des discours du type “je suis durable et je suis une boite géniale” ou au contraire “c’est que du greenwashing, c’est que de la com…”, je pense qu'il faut qu’on éduque nos étudiants pour avoir un point de vue équilibré et être en capacité de juger. J'ai par exemple développé une échelle de transformation, d’évaluation, qui permet vraiment aux étudiants de positionner les entreprises dans cette transformation vers la durabilité.

Existe-t-il des cas d’école d’entreprises qui sont en haut de l’échelle, qui sont des modèles du genre ?

T.D : Aujourd’hui, aucune entreprise n'est parfaitement durable sur mon échelle de 1 à 4. Quatre, ce serait une entreprise qui a non seulement zéro impact sur la planète, mais qui, en plus, régénère son environnement et a un impact purement positif. Cela, aujourd'hui, ça n'existe pas.

En revanche, il, existe une flopée d'entreprises qui sont très avancées sur le niveau 3, qui commencent à changer les produits, à se transformer en profondeur. Cela veut dire que les produits et les services que l’on lance sur le marché ont une très forte composante de transition. Il y a aujourd’hui des entreprises qui fournissent un vrai effort pour développer des produits de rupture.

Quand vous développez une offre d'autopartage, vous êtes vraiment sur un niveau 3 avancé et donc vous êtes dans une offre qui a une empreinte environnementale beaucoup moins forte. Quand vous développez un produit en économie circulaire, on peut imaginer que vous faites effondrer votre impact environnemental parce que vous allez intégrer des matériaux recyclés ou recyclables ou un produit réparable qui dure plus longtemps. Ce sont des initiatives qui permettent aujourd'hui aux entreprises de monter sur l'échelle au niveau 3.

Est-ce qu’il y a une part de bullshit encore importante ?

T.D : Bien sûr et il y en a toujours eu ! En fait, depuis trois ou quatre ans, il y a un effet d'accélération très fort. Le bullshit c'est le niveau 1, mais il y a quand même beaucoup de sociétés qui sont passées au niveau 2 et maintenant, la marge va jusqu’au niveau 3. De plus en plus d’entreprises “walk the talk” c’est à dire passent vraiment du discours à la transformation concrète. Je dirais que nous sommes entre les niveaux 2 et 3 depuis trois ans mais qu’il y a une vraie prise de conscience et une vraie accélération dans les investissements.

Une bonne preuve, un bon indicateur, c'est combien l'entreprise investit en RD pour faire sa transition.

Comment s’est imposée l’idée de créer une plateforme immersive pour ce projet ?

T.D : Ce que l’on voulait à GEM, c'était aller un cran plus loin, former des étudiants aux grands enjeux de la transition mais en comprenant comment ces enjeux sont traduits dans l’entreprise, d'où l'intérêt d'avoir une plateforme immersive. Nous sommes dans un cas concret : le cas Rossignol. Nous avons créé une plateforme interactive immersive en 3D qui permet aux étudiants de vivre une expérience réelle - quasi réelle - d’être plongés dans une entreprise et dans une école. Entre ces deux mondes, ils répondent à des problématiques qui sont les plus réalistes possibles. Ils doivent traverser 24 espaces pour réussir cette expérience avec, dans chaque espace, de nouvelles énigmes et la rencontre de nouvelles personnes. Tout cela crée un engagement plus fort des étudiants. Cette technologie WebXR a un autre avantage, elle nous permet de faire évoluer l'expérience.

La grande ambition de ce projet est de réunir le plus d'étudiants possible. Cette année, plus de 1.000 étudiants de GEM participent. Nous étions un petit peu inquiets au départ, parce que c'est très innovant. Ce format est complètement hybride, nous accueillons également les étudiants en classe, donc ce n'est pas une instance purement en ligne. Ce module de formation est vraiment centré sur l'enjeu “innovation et durabilité” et pas seulement “durabilité”.

Nous faisons les deux parce que nous pensons que c'est vraiment notre mission d'école de management de le faire. C'est très aligné avec l'ADN de l’école, nous sommes centrés sur les questions d'innovation et particulièrement aujourd’hui sur la durabilité, la soutenabilité, les limites planétaires. C'est un champ très fécond aujourd'hui pour l'innovation dans les entreprises.

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