Plus de quatre ans après un premier portrait, la rédaction de Maddyness s’est à nouveau entretenue avec Philippe Pouletty et Bernard-Louis Roques, les fondateurs de Truffle Capital. Si le fonds créé en 2001 garde la même philosophie entrepreneuriale, les thèses d’investissement sur la Biotech/Medtech et sur les Fintechs ont été affinées.
Trente sociétés créées en BioMedTechs
Côté BioMedTech, Truffle Capital affiche trente créations de sociétés à son actif, dont onze, cotées sur Euronext : "Nous ne faisons jamais d’investissement minoritaire passif, nous sommes cofondateurs de toutes nos sociétés en BioMedTech", indique Philippe Pouletty. Le fonds investit des tickets de 15 à 35 millions d’euros. "En plus des capitaux apportés par Truffle, nous les aidons à se positionner pour obtenir des subventions", ajoute-t-il.
Lui-même docteur en médecine et inventeur de trente-deux brevets, Philippe Pouletty fait figure de pionnier dans la BioMedTech. "Nous cherchons des acteurs qui vont révolutionner leur domaine. Les innovations marginales ne nous intéressent pas, nous ne cherchons que des innovations radicales", explique-t-il.
Pour cela, l’équipe applique toujours la même méthode. Ils commencent par passer au crible près de 500 demandes de brevets par an dans les meilleures universités américaines et européennes, car "ce n’est pas dans les grands groupes que se fait l’innovation radicale". Ils en choisissent une dizaine pour lesquels ils vont négocier une licence d’exploitation exclusive et mondiale, avant de les développer et de les commercialiser. "Soit nous créons une nouvelle entreprise à partir de la demande de brevet, soit nous renforçons une entreprise existante, presque toujours en France", précise Philippe Poulettty. "Les universités américaines prennent 5 % du capital, mais le sol français, en plus d’offrir la proximité de notre bureau, est fertile pour ce secteur, grâce aux aides publiques et au statut d’entreprise innovante", poursuit-il.
Le fonds investit dans la MedTech, la BioTech et la BioEcoTech (des BioTechs qui visent à sauver la planète). Parmi les investissements phares, on peut citer Carmart, à l’origine du premier cœur artificiel approuvé par les autorités européennes.
Concernant les sorties, Truffle Capital revendique le plus grand nombre d’introductions en bourse, dont la plus grosse, sur son secteur. "L’objectif est de construire des sociétés pérennes, de les amener jusqu’à l’essai clinique tardif ou sur le marché, pas nécessairement de les vendre au groupe américain le plus offrant", modère Philippe Pouletty. Récemment, un nouveau véhicule a été lancé, MEDEOR. Son objectif est d’amener les sociétés à un stade commercial encore plus avancé.
Pionnier sur les Fintechs
Dès 2014, Truffle Capital s’est spécialisé dans les Fintechs. "Cette verticale ne date pas de l’origine, tout simplement parce que c’est quelque chose qui n’existait pas, il y a vingt ans", commente Bernard-Louis Roques. Ici aussi, Truffle Capital investit toujours comme actionnaire de référence, souvent en position majoritaire pendant la phase initiale, et accompagne ses entreprises jusqu’à un stade avancé de leur développement.
Truffle Capital a commencé par l’incubation. "À l’époque, le marché lui-même était en incubation", précise Bernard-Louis Roques. Six startups ont été incubées et quatre ont été vendues depuis. "On est sur un cycle de vingt ans et nous ne sommes qu’aux cinq premières années de ce cycle. Les Fintechs et Assurtechs qui ne représentaient que 2 % du marché de la finance mondiale en 2014, représentent aujourd’hui entre 6 et 7 %. En 2030, on ne devrait pas être loin des 25 %", explique Bernard-Louis Roques.
Entre 2018 et 2020, les sociétés du portefeuille avaient un ARR moyen de 2 millions d’euros. "Ce chiffre a doublé entre 2021 et 2022, et on s’attend à une croissance de cet ordre pour 2023", commente Bernard-Louis Roques. La thèse d’investissement suit la tendance du marché. "Récemment, on constate un effondrement du nombre de nouvelles sociétés, mais une augmentation du nombre de sociétés un peu plus mûres qui se développent et ont besoin de fonds", explique-t-il.
Le fonds s’intéresse en particulier aux paiements, à l’intelligence artificielle au service du crédit, à la digitalisation des services pour les petites entreprises et au traitement automatisé du langage. Au total, Truffle Capital a pris vingt participations dans des sociétés européennes et en a cédé cinq. "Nous avons été pionniers dans l’histoire de l’investissement dans la Fintech, mais aussi dans celle des sorties", commente Bernard-Louis Roques. Dernière en date, celle de Particeep, une assurance embarquée. Le fonds prévoit une ou deux sorties supplémentaires pour 2023.