Grâce au film Carbone, l’histoire de la taxe éponyme appliquée aux industriels, a été mise en avant. Mais, jusqu’à présent, les crédits carbone volontaires étaient, quant à eux, plus confidentiels. Ce dispositif se développe, pour l’heure, en dehors de la réglementation et vise les entreprises et les particuliers soucieux de compenser les émissions qu’ils ne peuvent évitées en finançant des projets de réduction ou de séquestration de CO2 à l’instar d’un programme de reforestation.
Depuis peu, la qualité de ces crédits et le bénéfice climatique du dispositif sont remis en question. “Le manque d’uniformité au sein du jeune écosystème laisse place à du greenwashing, mais sa régulation va créer de vraies opportunités pour les startups européennes au bénéfice de la lutte contre le réchauffement climatique.” explique Paul Bazin, partner chez Daphni.
Sortir de la logique juge et partie
Pour s’assurer de l’impact de sa compensation, il faut choisir des projets vérifiés par des tierces parties. C’est là où le bât blesse. Et pour cause, ces crédits sont émis selon différentes normes et labels, chacun avec ses propres critères de qualité et son propre processus de vérification. Par ailleurs, le nombre de crédits disponibles dépend du nombre de projets de réduction d’émissions réalisés et de la quantité de CO2 séquestrée ou évitée. Dès lors, plus motivés par la vente de crédits carbone que par la promotion de pratiques de qualité, certains labels trouvent un intérêt à labelliser.
“Il faut sortir de la logique juge et partie. Les deux gros acteurs du marché sont à la fois certificateurs, banques de données et vendeurs. Quand le stock diminue, ils le renouvellent en labellisant davantage, pour vendre davantage. Pour tirer le maximum de bénéfice environnemental de ce dispositif, le régulateur doit intervenir. Les Allemands pénalisent déjà le greenwashing et une norme ISO 14068 dédiée au crédit carbone verra bientôt le jour. Les labels n’auront d’autres choix que de s’y conformer.” positive Paul Bazin.
Un marché vecteur d’opportunité
Entre 2019 et 2020, suite à une prise de conscience collective quant à la nécessité d’agir pour le climat, le stock de crédits carbone disponibles a été divisé par deux. “C’est bon signe. Les flux financiers se détournent de l’économie traditionnelle au profit de projets responsables. Et si trois années sont, en moyenne, nécessaires avant qu’un porteur de projet puisse se prévaloir de réduire ou capter sa première tonne de CO2, pour que les stocks se renouvellent, il faut que des projets verts voient régulièrement le jour.” rappelle Paul Bazin, auteur de l'étude”Voluntary carbon offsets: long-term potential and short-term troubles”. La traçabilité de ces flux et le calcul de rentabilité extra financière seraient, à eux seuls, sources d’opportunités pour les entrepreneurs désireux de faire émerger de nouvelles technologies. “La deeptech, elle aussi, doit y prendre part pour créer de nouvelles méthodes de stockage carbone ou de réduction d’émissions. C’est encore flou, mais le flou - dans une industrie qui, selon nous [les VC], va devenir gigantesque - signifie qu’il y a des places à prendre.” explique le partner de Daphni même si, pour lui, pour atteindre la neutralité carbone, l'objectif premier reste la réduction.
L’avantage européen
Les VC n'investissent pas directement dans des crédits carbone volontaires mais ils s’intéressent aux startups qui entendent apporter des solutions pertinentes à cet écosystème en construction à l’instar de Sylvera.
“Difficile de prédire si cette startup prendra le lead, mais elle est scalable car capable, grâce à de la techno, de “ranker,” des labels et des crédits carbone pour en faire un catalogue. Elle a levé avec les plus beaux fonds de la planète ce qui lui donne un temps d’avance. Les VC, quelque soit leur spécialité, doivent être là pour identifier ceux qui ont une vision pour ce marché et aider les bons acteurs à émerger. Chez Daphni, nous sommes persuadés que les Européens ont une carte à jouer. C’est ici que les réglementations voient le jour et on retrouve sur le continent une culture commune dans la lutte contre le réchauffement climatique. Difficile d’en dire autant outre-Atlantique” se réjouit Paul Bazin.