Lors de son lancement au milieu des années 2010 aux Etats-Unis, Lemonade avait marqué les esprits et donné des sueurs froides aux assureurs traditionnels : avec son expérience “full-digital”, intuitive et fluide, la néo-assurance dépoussiérait le secteur. Mieux, grâce à sa maîtrise des données et de l’intelligence artificielle, elle était capable d’indemniser un sinistre en quelques minutes, contre plusieurs semaines, voire mois, pour les assureurs traditionnels. Cette petite révolution dans le monde de l’assurance avait conduit les équipes de l’Atelier BNP Paribas, basé à San Francisco, à nouer de premiers contacts avec la startup.
L’américain, qui a réalisé une entrée en bourse fracassante en juillet 2020 avant de voir sa valeur fortement retomber, a pourtant fait moins de vagues lors de son arrivée en France. Présente dans l’Hexagone depuis fin 2020 avec une offre d’assurance habitation, Lemonade a jusqu’ici fait preuve d'ambitions limitées. Mais les choses pourraient changer avec l’aide de BNP Paribas Cardif, la filiale assurance du groupe bancaire, qui compte pas moins de 10 millions de clients en France.
Un partenariat “gagnant-gagnant”
Le partenariat débute par une offre d’assurance habitation pour les locataires, commercialisée sur les sites de Lemonade et Cardif.fr, mais aussi via des partenaires de l’assureur, comme SeLoger.com : "C’est un partenariat gagnant-gagnant : nous bénéficions de leur agilité, de leur expertise de la data et de leur maîtrise des parcours, et eux viennent chercher la connaissance du marché français, notre solidité, notre réputation. Nous allons apprendre d’eux, et réciproquement", explique Fabrice Bagne, directeur général adjoint, responsable France et Luxembourg de BNP Paribas Cardif.
Cette offre vient également compléter la palette de produits de l’assureur : certes, celui-ci propose déjà en France une assurance habitation, en partenariat avec la Matmut, mais elle est commercialisée uniquement auprès du portefeuille client de la banque de détail de BNP Paribas. "Là, avec Lemonade, nous nous attaquons à un segment très spécifique, avec une approche 100 % digitalisée", ajoute-t-il. En lançant ensemble cette offre BtoC dans laquelle chacun est “co-assureur”, BNP Paribas Cardif et Lemonade ont ainsi l’objectif de convaincre "plusieurs dizaines de milliers de clients" en un an. En cas de succès, de nouveaux produits pourraient être co-créés, en France et à l’étranger, puisque BNP Paribas Cardif est présent dans 33 pays.
Une annonce qui fait grincer des dents
Pour autant, l’annonce n’a pas tardé à faire grincer des dents : sur Linkedin, Ralph Ruimy, cofondateur et PDG d'Acheel, un concurrent français de Lemonade, n’y va pas de main morte : "Je suis profondément choqué d’apprendre qu’une grande banque française, BNP Paribas, choisisse une Insurtech Américaine, dont le siège se situe aux Pays-Bas pour partenaire. [...] Que le choix d’un géant français bancaire se porte sur un acteur américain qui n’emploie personne en France et n’y paye aucun impôt me révolte.".
Des critiques que Fabrice Bagne balaye facilement : "en tant que groupe mondial, nous avons des partenaires dans le monde entier. Nouer des partenariats, c’est notre métier et nous le faisons aussi avec des partenaires globaux, comme Lemonade.". BNP Paribas Cardif compte en effet plus de 500 partenaires, tels que des banques, des acteurs de l’automobile, de la grande distribution, des télécommunications ou fournisseurs d'énergie, mais aussi des startups.
Au sein de la French Tech, BNP Paribas Cardif travaille notamment avec Backmarket, autour d’une offre d’assurance vol et casse pour le matériel reconditionné. "Là, c’est l’inverse de ce que nous faisons avec Lemonade : nous accompagnons un acteur français dans tous les pays où il est présent. Et nous serons ravis de continuer à contribuer à développer des activités avec des acteurs français qui vont à l’international !".