Ceci est le premier article de notre série avec Metacircle, le premier think tank européen du metaverse.
Ce qu’on appelle communément le “Web3” se manifeste de multiples manières. On entend très souvent les mots “jetons”, “cryptomonnaies”, “NFT”, “décentralisation”, “blockchains”, “registres décentralisés”, et celui, bien que distinct, de “métavers”. Mais il reste un terme que l’on emploie plus rarement, et pourtant l’un des fondements de la révolution Web3, c’est celui de la “propriété numérique”.
De la propriété physique à la propriété numérique
Prenons un peu de recul. L'avènement du système économique moderne, connu sous le nom de capitalisme, a permis à chacun de posséder légalement des biens physiques et d’en avoir la propriété privée. Ce droit est aujourd’hui une liberté aussi naturelle que fondamentale.
Si, dans le monde physique, la propriété privée est une évidence, les choses sont bien différentes dans la sphère numérique.
Trente ans après la première révolution Internet, appelée “Internet de l’Information”, la seule chose qu’il nous est possible de posséder dans l’espace numérique (et encore, nous en sommes de simples locataires) est… une URL.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que dans l’Internet d’aujourd’hui, nous ne sommes propriétaires de rien. Le Web2, c’est-à-dire l’Internet de l’Information, a été bâti sur ce principe : tout ce qui est envoyé et reçu en ligne - messages, fichiers, SMS, audios, musique – est un contenu duplicable qui, malgré les apparences, ne nous appartient absolument pas. Dans le Web2, les données que nous partageons ne sont jamais les nôtres : nous les offrons généreusement à des entités centralisées qui en sont les propriétaires exclusifs, tout comme notre identité digitale, qui n’existe tout simplement pas.
Partant de ces observations, le groupe activiste Cypherpunk s’est créé dans les années 80. Son projet était d’utiliser la cryptographie pour que les individus puissent protéger leurs informations et – de manière plus importante encore – se protéger eux-mêmes lorsqu’ils utilisent Internet. Il s’agissait de regagner le pouvoir digital en ayant le choix de ce qu’on veut partager (ou non) avec un tiers.
C’est précisément le sens de la blockchain, des cryptomonnaies et des contrats intelligents. Cet ensemble de technologies permet à chacun d’être propriétaire de choses numériquement rares, et d’entrer dans le cyberespace par une nouvelle porte, celle des portefeuilles digitaux qui, dans un avenir proche, stockeront vos crypto-monnaies, mais aussi votre identité, vos biens, vos finances, vos créations digitales, vos contrats et tout autres éléments de valeur.
En inversant l’approche verticale du Web2, la propriété numérique promet de devenir le point de départ de nos vies digitales, de la finance au gaming, en passant par la citoyenneté, la créativité, les réseaux sociaux ou le divertissement. La récente faillite explosive de FTX, alors l’une des principales bourses centralisées mondiale, a démontré que confier ses actifs digitaux à de telles entités revient à les exposer à des piratages, des fraudes, à l’opacité et aux conflits d’intérêts.
Cela donne à la blockchain sa véritable raison d’être : elle est une révolution de la confiance. Ne faites pas confiance aux intermédiaires. Faites confiance au code immuable. Faites confiance à vous-même.
La révolution de la propriété a déjà commencé
Après la chute de FTX, en novembre dernier, nous avons vu de larges sommes d’argent quitter les bourses centralisées pour se diriger vers des portefeuilles individuels, ou dans le jargon crypto-monétaire, “self-custodial”, tandis que l’activité de la DeFi (finance décentralisée) a atteint des records. Chez Ledger, nos ventes de portefeuilles physiques, permettant aux usagers de sécuriser et d’être propriétaires de leurs crypto-monnaies, ont été près de 4 fois supérieures en novembre que le mois précédent.
De tels chiffres indiquent que lorsque les acteurs centralisés font faillite, le public prend conscience de la nécessité de détenir leurs valeurs digitales. À la suite de la faillite de FTX, Changpeng Zhao, le PDG de Binance (la plus grande bourse centralisée au monde) a même qualifié ce que l’on appelle le “self-custody” de " droit humain fondamental ".
L’actuelle tendance à la décentralisation n’est pas une mode passagère. C’est une preuve concrète que la prochaine révolution d’Internet ne se fera pas sans que les utilisateurs ne soient en pleine possession de leurs actifs numériques. L’adage des cryptos, " pas vos clés, pas vos coins ", n’a jamais été aussi justifié.
Cette révolution de la propriété digitale ira bien au-delà des crypto-monnaies. À mes yeux, la culture sera un des principaux moteurs du Web3, et les créateurs seront à l’avant-garde de cette transformation. Avec les NFT, des objets de collection numériques qu’il est possible de posséder, les artistes découvrent de nouvelles manières de monétiser leur créativité, d’impliquer leur communauté, et d’offrir des expériences nouvelles réservées aux détenteurs de jetons.
Les marques regardent aussi le Web3 de près, et certaines s’engagent dans cette voie, ayant compris que la démocratisation progressive des portefeuilles numériques pourrait réinventer leurs liens avec les consommateurs à travers de nouvelles formes de relations clients et d’engagement. Ou, comme Nike est en train de le faire avec SWOOSH, en impliquant leur communauté dans un processus horizontal de co-création.
Avec le lancement de notre plateforme NFT sécurisée, [Ledger] Market, nous avons mis en place une stratégie de e-commerce fondée sur le Web3, elle aussi fondée sur la personnalisation et l’engagement. Grâce à cette nouvelle méthode, les utilisateurs ont pu connecter leurs portefeuilles numériques pour être immédiatement éligible à des services spécifiques de Ledger. Dans notre cas, il s’agissait du Black-on-Black Nano. Celui-ci n’a demandé aucune vérification bancaire, ni autre processus chronophage. L’expérience a été transparente, horizontale, fondée sur une communauté d’utilisateurs en pleine possession de leurs jetons. Nous voyons dans cette méthode le futur du e-commerce.
Si le métavers est la prochaine plateforme informatique, la propriété digitale sera son principe fondateur, et les technologies blockchain son système de fonctionnement central. À mesure que nos vies se digitalisent, personne ne veut voir son identité, ses valeurs, ses données ou ses avatars devenir ceux de quelqu’un d’autre. Nous en voulons la propriété exclusive. Nous accédions au Web1 avec un identifiant et un mot de passe, au Web2 grâce à Google ou Facebook, et nous nous connecterons au Web3/au métavers avec votre portefeuille numérique qui vous donnera bien plus de souveraineté.
Nous n’en sommes encore qu’aux prémices de la révolution Web3 que je considère comme une transition anthropologique. Les outils et applications nécessaires à cette révolution des valeurs sont en train d’être créés en ce moment même, et se développent autour de principes de créativité, de sécurité et de facilité d’usage.