Des fondateurs aux profils divers
Cette capacité découle du profil des entrepreneurs qui ont choisi de lancer une legaltech. Nombreux sont ceux experts des métiers de leurs clients puisque 74 % des fondateurs présentent un profil juridique. Cette similarité se ressent dans les solutions proposées.
D’après la sixième édition du baromètre établi par Maddyness, la Banque des Territoires et Lamy Liaisons, 78 % de celles existantes sur le marché en 2022 sont destinées à des professionnels du droit, dont 56 % le sont à titre principal. Le marché français ne fait pas figure d’exception. Les quelques legaltechs françaises qui se sont étendues outre-Manche ont pu le constater.
" La technologie juridique destinée directement aux consommateurs ne représente qu'une très petite partie de l'écosystème britannique. Certains chatbots peuvent peut-être aider les citoyens à améliorer leur accès à la justice, mais la grande majorité du marché est B2B ". ― Max Lunn, journaliste Maddyness UK
Le marché britannique n’est, toutefois, pas l’étape internationale la plus privilégiée. Parmi les 42 % des startups du droit voulant exporter leur solution à l’étranger, 6 % visent les Etats-Unis comme, 4 % le continent africain et 3 % le Canada.
Des offres complémentaires aux services B to B
L'Hexagone reste le terrain de jeu privilégié. À y regarder de plus près, 34 % des fondateurs ont combiné leurs études de droit avec un bagage technique comme une école d’ingénieurs ou de code, une faculté d’économie ou une école de commerce. Plus intéressant encore, les entrepreneurs provenant d’un autre univers sont de plus en plus nombreux. L’année dernière, ils étaient 48 %, ils sont aujourd’hui 60 %. Cette diversité est le signe de l’attractivité du secteur, qui recrute aussi toujours autant (voir partie " Le levier de la crise ").
La complémentarité des profils des fondateurs a aussi permis en 2022, une plus grande segmentation des offres. Les legaltechs sont plus lucides sur les services qu’elles proposent. Plusieurs legaltechs spécialistes dans la gestion des données et des cookies, répondant aux exigences de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), ont émergé en 2022, comme Didomi et Axeptio. Sur ce secteur en pleine expansion, Leto a levé 1,2 million d’euros, le 6 décembre 2022, auprès de Kima Ventures, 50 Partners, Polymatter Ventures et plusieurs autres business angels. La startup, hébergée chez Station F, compte développer sa solution d’automatisation aidant les TPE, PME et ETI à se mettre en conformité avec le règlement européen de protection des données personnelles.
Du côté des plus gros acteurs, finie la simple proposition d’aide à la création d’entreprise, place à l’assistance tout au long de la vie de la société. Avec ce tour de table de 20 millions, l’ambition de LegalPlace s’agrandit. Le groupe propose une offre complètement intégrée (comptabilité, juridique, administratif) au sein d’une seule et même solution numérique. Cette extension est le reflet de l’une des tendances 2021 qui s’est confirmée en 2022. " Sur le marché des legaltechs qui s’adressent à des professionnels, nous nous attendons à un phénomène de concentration des acteurs et des services ", reconnaît Philippe Wagner, cofondateur et CEO de Captain Contrat.
En rachetant Hyperlex, DiliTrust propose maintenant aux directions juridiques et aux opérationnels une suite intégrée de solutions sécurisées et innovantes destinée à répondre à l’ensemble de leurs besoins en transformation digitale, collaboration et conformité. " Les entreprises ont aujourd’hui conscience que les démarches juridiques, au premier rang desquelles la gestion de contrat, deviennent des processus critiques et un enjeu majeur de performance ", déclarait Alexandre Grux, CEO d’Hyperlex au moment de l’annonce. De son côté, Doctrine innove dans les types de contenus proposés depuis 2021. Après avoir enrichi sa base de données avec tous les travaux parlementaires, Doctrine a ensuite ajoutée en 2022, les conventions collectives. Une façon de séduire d’autres professionnels du droit qui jusqu’à présent ne se sentaient pas forcément concernés par les services de la startup d’intelligence juridique.
Autre segment de marché, même tendance, celui du contract management. Usuellement marché d’équipement pur, l’engouement pour des solutions technologiques entraîné par la pandémie s’est affirmé. " De plus en plus de solutions de contract management proposent des API pour s'intégrer aux autres outils de l’entreprise. Les CLM ne peuvent plus vivre indépendamment du reste des systèmes d'information des entreprises ", constate Thibaut Caoudal, fondateur et CEO de Leeway. Cette capacité à insérer ces solutions dans l’environnement métier des clients, en est encore à ses balbutiements.
Croissance rentable et partenariats
Cependant, le standard ne correspond pas forcément aux attentes des juristes français. " Il y a peu de porosité entre les deux acteurs. D’un côté l’un demande du sur-mesure alors que le but des startups qui s’adressent aux TPE/PME est de rendre accessible au plus grand nombre un service. Ce sont deux approches et deux positionnements différents ", analyse Philippe Wagner. Pour trouver un équilibre, 67 % des legaltechs qui ont répondu au baromètre ont conclu des partenariats avec des éditeurs de logiciels, des institutions ou des acteurs plus traditionnels du secteur.
Ce type d’alliance est aussi un bon moyen pour alimenter sa croissance et faire face au manque de capitaux disponibles. Les acteurs de la Legaltech affichent, d’ailleurs, des chiffres d’affaires en constante hausse depuis l’année dernière selon les données du baromètre. 28 de ces startups ont réalisé plus de 500.000 euros de chiffre d’affaires en 2022.
Une legaltech sur cinq a effectué entre 1 et 5 millions de chiffre d’affaires cette année. Et au moins 35 % d’entre elles se déclarent rentables. LegalPlace, Quai des Notaires, YouSign et Dilitrust font partie des 6 % des legaltechs qui ont réalisé des opérations de croissance externe.