Selon la Banque Mondiale, " les villes représentent actuellement près des deux tiers de la consommation mondiale d’énergie et produisent plus de 70 % des émissions planétaires de gaz à effet de serre ". Alors comment les rendre plus sobres ?
En septembre dernier, un collectif de chercheurs expliquait dans un article publié dans la revue Science qu’un réchauffement de 1,5°C pourrait déclencher le franchissement de plusieurs points de non-retour pour le climat. Sur quoi faut-il alors agir en priorité pour atténuer l’empreinte carbone des villes ?
" Leurs émissions proviennent à 50 % du bâtiment, 35 % des transports et 10 % du traitement des déchets. La priorité est donc d’accélérer sur tout ce qui concerne le bâtiment et, en premier lieu, la rénovation énergétique ", répond Hélène Chartier, directrice de l’urbanisme et de l’architecture du C40, réseau mondial de mairies engagées contre le réchauffement climatique. La ville de Paris, par exemple, a lancé l’année dernière son plan Eco-rénovons Paris+, qui prévoit la rénovation de 22.500 logements privés au cours de la mandature actuelle.
D’autres villes misent sur l’approche circulaire, notamment pour favoriser le recyclage et la réutilisation des matériaux de construction. Hélène Chartier cite ainsi l’exemple d’Amsterdam, dont la moitié des travaux de rénovation suivront les principes de la construction circulaire d’ici 2030 et qui vise de devenir une ville à économie pleinement circulaire d’ici 2025.
Toutefois, rénover sans changer le rapport au logement ne saurait suffire, quand plus de 8 % du parc immobilier français est vacant et que près d’un logement sur dix est une résidence secondaire, selon les chiffres de l’INSEE. " Mieux utiliser les bâtiments existants et régénérer les espaces urbains existants en les densifiant est indispensable pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, certaines villes, comme Vancouver, n’ont pas hésité à prendre des mesures fortes. ". La ville canadienne a instauré une taxe sur les logements vides, portée en 2023 à 5 % de la valeur nette imposable du bien. " Les résultats sont probants, cela a permis de réduire de 25 % le nombre de logements vides ", observe la représentante du C40. " Mentionnons aussi les nouvelles règles d’urbanisme de Portland, qui visent à densifier les zones pavillonnaires de cette ville américaine et, en France, les décrets ZAN pour stopper l’hérésie de l’étalement urbain.". En effet, la loi Climat et Résilience prévoit un objectif de Zéro Artificialisation Nette fixé pour 2050 et une première échéance de 50 % de réduction du rythme d’artificialisation d’ici 2030.
La ville sobre doit faire rêver
" Mais pour que la ville compacte soit acceptable, elle doit être désirable, insiste Hélène Chartier. C’est tout l’intérêt de la ville du quart d’heure, où l’on trouve dans chaque quartier les services de proximité, les espaces verts et les commodités qui rendent la vie en ville agréable. Cette ville polycentrique, composée de quartiers mixtes et à taille humaine, permet de réduire les déplacements. ". Or, ne l’oublions pas, ceux-ci constituent la deuxième source d’émission de CO2 des villes. La sobriété de ces dernières est donc indissociable d’une politique de transport ambitieuse. " Des solutions existent : Jakarta a doublé la couverture des transports publics au cours des 5 dernières années, 92 % de la population à accès aux transports en commun à une distance de marche de son domicile. A Copenhague, le vélo est le premier mode de déplacement ", illustre Hélène Chartier.
Pour que les mobilités propres le soient réellement se pose alors la question de leur approvisionnement en énergie et de la disponibilité de cette dernière. Plusieurs villes ont engagé des réflexions sur la possibilité de produire localement de l’énergie, destinée à une consommation en circuit court. Séoul a ainsi lancé en 2015 son programme public-privé “Energy Welfare” et installe des panneaux solaires dans les appartements sociaux et les foyers à faibles revenus. Son objectif : soutenir les plus pauvres, qui seront les plus impactés par le changement climatique, tout en contribuant à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Ce tour du monde citadin démontre l’importance d’impliquer toutes les parties prenantes d’une ville pour parvenir à plus de sobriété : pouvoir publics, secteurs économiques et citoyens. " La conscience de l’urgence climatique est bien là, mais elle est encore trop périphérique. Il est urgent que chaque composante de la société place la réduction des émissions au cœur de ses choix ", conclut Hélène Chartier.