La page LinkedIn de Jeremie Berrebi liste 27 expériences sur les 26 dernières années. Loin d’être une tendance à papillonner d’un job à un autre, il s’agit plutôt d'une propension à toujours s’investir dans plusieurs aventures parallèles.
S’il a commencé sa carrière en tant que journaliste (notamment auprès de ZDNet France), Jeremie Berrebi s’est très vite lancé, en créant sa première startup dès 1997. Net2One pourrait être considéré comme un ancêtre de Google News ou de Google Reader. Il l’a revendu sept ans plus tard (en 2004) à une entreprise aujourd’hui avalée par Kantar Group.
Le temps de prendre sa respiration et Jeremie Berrebi revient avec une nouvelle startup nommée Zlio en 2005, un service permettant de se créer une boutique en ligne. Deux ans après son lancement, il reçoit un mail de Google qui souhaite en faire l’acquisition. Il refusera cette proposition et verra Zlio se faire blacklister du moteur de recherche, signant par conséquent son arrêt de mort.
2010, c’est la création de Kima Ventures avec Xavier Niel. Il se retrouve ainsi à investir dans une à deux startups par semaine et gagne le titre d’investisseur le plus actif de la Silicon Valley d’après Silicon Alley Insider. Il se plaît pourtant à préciser qu’il n’y a jamais mis les pieds. " Le plus proche que j’ai pu être de la Silicon Valley, c’était à Los Angeles et c’était avec mes parents alors que j’avais 12 ou 13 ans, confie-t-il. Je voyage très peu. J’y vois une énorme perte de temps. Je préfère être devant mon écran à résoudre des problèmes plutôt qu’à perdre du temps dans un avion loin de ma famille ".
La fortune n’est pas synonyme de succès
Il quitte Kima Ventures en 2015 pour continuer son parcours dans le monde de l’investissement en conseillant de grandes entreprises et fortunes privées. Un événement va pourtant l’amener à réévaluer ses priorités de sa vie à l’orée de ses 40 ans. " Je participais à un board où de très grandes fortunes étaient représentées. L’addition des fortunes respectives des personnes autour de la table s’élevait à 60 milliards de dollars, explique-t-il en taisant le nom des personnes. Un événement s’est produit où j’ai pu ressentir le stress de ces personnes, ainsi qu’une volonté d’en avoir toujours plus. En quittant la salle, je suis parti en me disant que j’avais l’impression d’être dans un monde de fous ".
Jeremie Berrebi décide donc de lever le pied. " J’ai compris qu’il n’y avait pas de fin aux startups, au business, aux investissements. On peut faire ça pendant vingt siècles, il n’y a pas de ligne d’arrivée ". Il se rappelle avoir eu le même ressenti auprès de Xavier Niel ou de Mikhail Fridman, l’oligarque russe aujourd’hui en prison. " Ils étaient aussi stressés que mes voisins qui ont à peine de quoi se nourrir chaque jour ".
Lui qui accompagne les plus grandes fortunes regrette ainsi que le terme “succès” soit synonyme de “fortune”. Un concours d’accumulation qui ne connaît jamais de ligne d’arrivée. " J’ai connu des entrepreneurs qui faisaient deux milliards de chiffre d’affaires. Mais ils n’étaient pas contents parce qu’ils avaient déjà fait deux milliards l’année dernière. Ils sont dans un stress permanent de chercher de la croissance, encore et toujours ".
L’argent en tant que tel ne semble pas intéresser Jeremie Berrebi. Pour lui, c’est un outil. Il considère d’ailleurs qu’il y a deux types d’entrepreneurs : ceux qui le font pour participer à une aventure et pour s’éclater et ceux qui le font également pour l’aventure entrepreneuriale, mais qui se sont découvert en cours de route une passion pour l’accumulation de “billets verts”. Il se classe évidemment dans la première catégorie.
" Un jour, j’aimerais écrire un livre qui s'appellerait “Le score de la vie”, dévoile-t-il. Actuellement, la mesure de ce score se fait par l’argent. Mais la révolution serait de le changer pour que la mesure commune soit de faire du bien autour de soi. Cela change une vie que de mesurer la réussite d’une journée, à notre capacité à faire du bien aux personnes autour de nous ".
En ce sens, Jeremie Berrebi est un homme de connexion. Sachant le pouvoir de son très long carnet d’adresses, il a pris l’habitude de partager les CV qu’il reçoit avec les bonnes personnes de son réseau. " J’adore trouver des jobs à des gens, avoue-t-il. C’est mon plus grand bonheur que de les aider à trouver leur place dans la vie ".
L’après Kima Ventures pour Jeremie Berrebi
Il ne quitte pourtant pas Kima en 2015 uniquement à cause de cette dissonance cognitive. Il avait tout d’abord été refroidi par l’aventure Sparrow, entreprise revendue trop tôt à Google, malgré les conseils qu’il avait pu prodiguer à son fondateur.
À l’époque, Jeremie Berrebi vivait souvent les problèmes de ces boîtes de manière émotionnelle, comme s’il s’agissait des siennes.
Une implication telle dans les startups de son portefeuille, qu’il est souvent crédité d’un titre de cofondateur alors même qu’il est davantage à comprendre à titre honorifique qu’au sens conventionnel : il n’est pas opérationnel à plein temps aux côtés des autres cofondateurs, mais sa contribution est suffisamment significative pour justifier une telle appellation.
Dans le cas de Sparrow, Jeremie pouvait même parfois s’occuper de la comptabilité. Suite à ce rachat précipité, il décide de prendre de la distance.
De la même manière, il s’est retrouvé avec tellement de participations qu’il ne pouvait plus prendre le temps de faire partie de leur aventure sur le terrain. À tellement prendre de la distance, il s’est retrouvé face à fichier Excel avec 300 lignes représentant chacun de ses investissements. Par certains égards, son métier semblait être simplement de rajouter des lignes à ce tableau.
C’est aussi à l’époque où Xavier Niel a commencé à réaliser certains investissements en dehors du véhicule Kima Ventures. Pour Jérémie Berrebi, la confiance était émaillée. Il ne pouvait plus rester. Il a donc décidé de lever le pied, ce qu’il semble faire depuis plusieurs années, mais même un Jeremie Berrebi qui a levé le pied, semble plus actif que nombre d’entrepreneurs.
Il a ainsi cofondé le Developers.Institute, une école d’informatique sous forme de Bootcamp pour apprendre à coder en douze semaines. L’école a déjà accompagné plus de 1.500 étudiants à Tel-Aviv. Une nouvelle fois, Jeremie Berrrebi n’est pourtant pas dans l’opérationnel puisqu’il s’est entouré de deux associés-gestionnaires.
De la même manière, il a fondé MeetB, un outil de networking en vidéo né pendant la période COVID, et pour lequel il recherche actuellement quelqu’un pour reprendre le projet. Ce passionné d’entrepreneuriat est dans une nouvelle phase de sa vie. En effet, père de dix-sept enfants et depuis peu grand-père, il souhaite notamment se concentrer sur sa famille. Il est également très impliqué dans la vie religieuse de sa communauté et étudie le Talmud plusieurs heures par jour.
Un écosystème presque parfait
Il est pourtant loin d’être amer sur le monde des startups et il encourage tous ses enfants à devenir entrepreneurs. Pour lui, il s’agit d’un moyen de les inciter à ne pas faire partie de la masse.
" Je ne veux pas qu’ils suivent un parcours normal, à suivre les autres comme des moutons. Parce qu’en général, les moutons vont à l’abattoir. Je pense que l’on est tous sur cette terre avec une mission et je veux qu’ils soient patrons de leur propre vie. Qu’ils soient conscients qu’ils peuvent faire absolument tout ce qu’ils veulent. Il n’y a pas de limite. Tout est possible ".
Il est d’ailleurs loin d’être coupé du monde entrepreneurial puisqu’il suit encore ses très nombreuses participations dans les boîtes encore actives aujourd’hui. Jeremie Berrebi n’a jamais regretté d’avoir quitté Kima Ventures, tout comme il ne semble avoir que très peu de regrets sur les choix qui constituent sa carrière.
Il est ainsi ravi du recrutement de Jean de la Rochebrochard pour reprendre le flambeau chez Kima Ventures. " Je pense que cela ne pouvait être QUE lui. C’est la seule personne que je vois sur le marché capable de faire ce boulot de dingue. Et il n’est clairement pas là non plus pour se faire de l’argent ".
La mission de Kima Ventures à son lancement, était de réaliser de très nombreux investissements pour irriguer l'écosystème français et le dynamiser. Un objectif largement atteint d’après Jeremie Berrebi qui se félicite de la progression des startups françaises depuis 2010 : " Je pense que cet écosystème est assez génial aujourd’hui ! Les Français sont très bons et créent de très belles boîtes. Il y a eu une folie ces dernières années à poursuivre des levées de fonds à l’infini… mais cela va s’arrêter. Il n’y a pas grand-chose à changer… je pense que le train est en marche et on avance. Il manque peut-être juste d’autres fonds d’amorçage. On a encore besoin d’autres fonds comme Kima Ventures ".