Quelles sont les spécificités du financement d’une entreprise à croissance rapide ?
Catherine Deffains-Crapsky : Une startup est nouvelle, très jeune, avec parfois un fort degré d’innovation qui nécessite des financements importants. Mais sans preuves que le marché existe, ni d’historique de résultat ou de réputation. La startup a donc plus besoin d’investisseurs externes, d’actionnaires, que des banques, qui elles ne prennent pas de risque et se recentrent sur les prêts d’honneur et l’accompagnement via des incubateurs. D’où l’entrée en scène des business angels, éventuellement de l’equity crowdfunding [financement participatif par actions, NDLR], malgré cette incertitude qui demeure très très forte. La fameuse scale-up a elle déjà rencontré son marché et croît rapidement avec plus de visibilité. Les besoins financiers sont à nouveau très voire plus importants, d’où la présence des fonds de capital-risque étrangers sur le marché français.
Est-ce que ces financeurs changent la nature des startups ?
CDC : C’est l’histoire de la poule et l’œuf. Au fur et à mesure que l’entreprise fait ses preuves, accroit sa réputation, on voit arriver de nouveaux acteurs. Les fonds de venture capital [capital-risque, NDLR] américains vont prendre la suite de business angels. Ils ne sont pas toujours tendres, vont imposer leurs règles et peuvent même demander aux investisseurs initiaux de partir. Ce sont des actionnaires actifs qui vont financer, mais aussi accompagner et influencer les dirigeants au sein du conseil d'administration, sans diriger à leur place – ce qui est formellement interdit. Quand ça se passe bien, que les fonds sont d’accord sur la stratégie dirigeante et que l’argent rentre, tout va bien. Quand ça se passe moins bien, ils peuvent devenir très embêtants, avec des conflits entre dirigeants et actionnaires ou entre les différents actionnaires. Cela peut évoluer dans le bon comme dans le mauvais sens.
On voit parfois des acteurs qui portent les deux casquettes localement, entrepreneur et financeur ou accompagnateur ?
CDC : Les business angels ont souvent créé eux-mêmes leur entreprise auparavant, d’où leur intérêt pour les jeunes pousses. Si vous prenez par exemple les plateformes d’equity crowdfunding, leur rentabilité n’est pas encore là pour certaines, qui sont aussi des startups. Pourtant, grâce à elles, d’autres peuvent trouver des financeurs, notamment au démarrage. Voilà un écosystème, un réseau, où tout s’entremêle. Regardez par exemple Xavier Niel avec le fonds Kima Ventures, qui investit énormément dans la French Tech.
Quelle est l’évolution réelle du financement des startups en France ?
CDC : Le problème n’est plus le démarrage, mais juste après, le fameux equity gap. Quand on passe à des montants sérieux, des startups ont encore du mal à convaincre les financeurs. Par manque d’informations, de lisibilité ou d’acteurs. La French Tech a ses qualités et défauts, mais elle a permis de clarifier les choses. En 2021, les 63 réseaux de business angels répertoriés dans France Angels ont investis 50 millions d’euros. L’equity crowdfunding représente 100 millions d’euros en tout, startups et hors startups. Sur le site de France Invest, l’association du capital-investissement, les fonds de capital-risque sont très actifs à 1,7 milliard sur un an. Mais ils arrivent plus tard dans le développement d’une entreprise. On a donc vraiment besoin de tous ces acteurs.