D'entrepreneur à investisseur, il n'y a qu'un pas ? Nombreux sont les fondateurs qui, après avoir lancé une ou plusieurs jeunes pousses, décident de bifurquer pour devenir investisseur. C'est le cas de Boris Golden, fondateur de Pealk, racheté par Viadeo en 2013 : " J'ai eu deux aventures entrepreneuriales consécutives. L'une a été une catastrophe, l'autre s'est soldée par un exit, raconte celui qui est désormais General partner chez Partech depuis 2015. Comme tous les entrepreneurs, j'ai fait énormément d'erreurs – certaines auraient pu être évitées avec du bon sens et des conseils pertinents ". De quoi faire germer l'envie de passer de l'autre côté du ring. " C'est pourquoi je me définis davantage comme accompagnateur d'entrepreneurs plutôt qu'investisseur, qui est un terme réducteur ", estime Boris Golden.
Pour Baptiste Fradin, l'exit a été un déclic. Entre 2011 et 2016, il développe sa startup Infinit jusqu'à son rachat par Docker Inc. " J'ai eu la chance d'avoir des business angel qui ont cru en moi très tôt. Après la vente, j'ai voulu rendre à l'écosystème ce dont j'avais pu bénéficier ". Il met alors un pied à l'étrier en devenant à son tour business angel. " Je voulais conseiller des startups qui démarraient, rencontrer les acteurs de l'écosystème, qui est en perpétuelle évolution ", poursuit Baptiste Fradin, qui a eu " envie d'aller plus loin ". Au point de cofonder en 2019 le fonds FAMAE Impact. " Donner des conseils, tout le monde peut le faire. Le meilleur moyen de soutenir des jeunes pousses est de s'impliquer en investissant dans leur projet ", justifie-t-il.
Capitaliser sur son expérience d'entrepreneur
Afin de sauter le pas, Baptiste Fradin s'est appuyé sur son passé d'entrepreneur. " Je pense que cela aide pour pouvoir remporter des deals compétitifs : avoir été soi-même à la tête d'une startup permet de partager son empathie et de faire preuve d'humilité ", estime-t-il. Autre atout : la gestion de l'opérationnel. " Je suis en mesure de challenger les hypothèses présentées par les entrepreneurs, d'aider à mettre en place une stratégie commerciale ou marketing... Cela est d'autant plus vrai lorsque la startup du portefeuille traverse une période délicate ". Et de poursuivre : " Avoir été entrepreneur me permet d'avoir de l'expérience et un réseau sur lequel m'appuyer pour passer un cap difficile ".
Une vision partagée, mais pondérée, par Boris Golden. " Avoir été entrepreneur atteste de ta légitimité et de ton empathie, mais cela comporte aussi son lot de défauts, avance-t-il. Il ne faut pas sur-estimer son expérience : si vous avez rencontré le succès avec une entreprise qui a été créée il y a dix ans, il faut pouvoir admettre que le marché a très vite évolué, que les contraintes ne sont plus les mêmes... ", liste-t-il. " Selon moi, ce qui fait un bon VC, c'est surtout d'avoir vu du paysage en terme de secteurs et de marchés, et d'avoir le bon relationnel. "
Savoir rester à sa (nouvelle) place
Mais est-ce si facile de changer de casquette ? " Quand on est entrepreneur, on est obsessionnel sur sa startup, tout en abordant une variété de sujets : établir une stratégie marketing, faire la comptabilité, lever des fonds... Il faut être multi-tâches. C'est un aspect que l'on retrouve dans l'investissement ", estime Baptiste Fradin. " Mais il peut y avoir de la frustration. Par exemple, sur l'opérationnel, il y a l'envie de vouloir passer énormément de temps avec une seule startup pour l'aider à passer un cap difficile, illustre-t-il. En tant qu'investisseur, ma place n'est plus là : mon rôle est d'impulser la dynamique sur des sujets ultra-financiers, pas de les réaliser à la place des entrepreneurs. De toute façon, nous sommes vite rattrapés par le fait qu'il faut s'occuper de toutes les entreprises du portefeuille ! "
Pour Boris Golden, " le plus difficile est de développer la bonne analyse et d'aiguiser son flair. Étant spécialisé dans l’amorçage, il faut être en mesure d'imaginer la croissance potentielle d'une boîte avec très peu d'éléments – contrairement au growth, où le poids des différentes mesures financières occupe déjà une place centrale dans l'analyse. Il faut se poser les bonnes questions : est-ce un marché important ? L'innovation sera-t-elle différenciante ? Cela n'est pas une science exacte, c'est une combinaison d'analyse et d'intuition. "