" On est la cible de notre produit. On a créé cette application par nécessité, parce qu'on avait besoin d'un réseau pour exister, pour rencontrer d'autres artistes et d'autres acteurs du milieu. Et comme personne ne l'avait fait, on s'est lancées ", raconte le trio qui présente ATFU comme " l'application pensée par des artistes pour des artistes ". En moins de six mois d'existence, l’application fédère déjà 1000 artistes du monde entier, qu'ils soient encore en école d'art ou exposés dans des galeries.
Installées dans leur bureau de “Pépinière 27”, un incubateur parisien, les trois entrepreneuses planchent du matin au soir. " Jamais on n'aurait imaginé un jour lancer une startup ! En tant qu’artistes, c'est pas du tout dans notre ADN ! Mais on est très bien entourées, par des amis entrepreneurs et investisseurs qui ont cru en nous et nous ont aidées à nous lancer ", raconte Clara Citron, 33 ans, venue des Arts Déco et graphiste. C'est elle qui est à l'origine du trio. Elle a rencontré la plasticienne tout juste trentenaire Sirine Ammar lors d'une exposition. Et l'a présentée à son amie de longue date Clémentine Tissot, 33 ans et diplômée de l'école de design de Saint-Etienne avant de rejoindre la réputée Galerie Perrotin.
" 64% du marché mondial repose sur 50 artistes "
Autour d'un café il y a deux ans, elles partent d'un constat simple : " Tout ce qui existe en ligne pour les artistes est conçu pour le marché et les consommateurs, et non pour les générateurs de ce marché à savoir les artistes. Il s'agit la plupart du temps de places de marché en ligne. Selon la plateforme Artprice, 64 % du marché mondial repose sur 50 artistes. Tous les autres sont mal représentés ou invisibles. Et 5 % seulement des étudiants en art deviennent artistes. C'est un monde très inégal que l'on a eu envie de changer ", témoignent-elles. Ainsi est née la jeune pousse ATFU. Grâce à une enveloppe de Bpifrance et à une première levée de fonds de 207.000 euros il y a un an, " sur un projet résumé en un document ", les filles ont donné vie à leur projet. Et ne sont plus seules à créer dans leur atelier, à rester incognito et à ne pas savoir comment s'en sortir.
Du troc pour faciliter la mise en réseau
L'application permet avant tout de créer une communauté d'artistes. Gratuite d'utilisation, tout artiste peut y mettre ses œuvres, récentes comme anciennes, finalisées ou à l'état d'ébauche s'il s'agit par exemple de croquis. " ATFU permet aux artistes de sortir de leur atelier des œuvres qui y dorment ou s'entassent, quand elles ne sont pas jetées ", précise Sirine Ammar. " Cette application redonne de la valeur aux œuvres par le seul fait qu'elles circulent, sont vues et peuvent être échangées. Une œuvre d'art, c'est un actif circulant qui n'acquiert de la valeur que parce qu'il est en mouvement ". C'est le principe même de l'application, où il n'y a à ce jour aucune vente mais seulement du troc. Et les artistes restent anonymes " pour éviter la spéculation ", jusqu'à ce qu'un échange soit conclu. Le troc finalisé, leur identité est dévoilée, ils entrent en discussion et se rencontrent.
Le studio mobile au cœur de leur business model
" Notre business model repose sur notre portail de services : le studio mobile où chaque artiste peut créer un espace personnel où il va inventorier ses œuvres, renseigner les dimensions, un prix, des indications d'accrochage... ", développe Clémentine Tissot, responsable du Business Développement de la startup. " Nous allons proposer des abonnements à ce service aux écoles d'art, aux institutions culturelles, aux résidences et aux artistes dont la production est vaste. "
La prochaine étape ? " Nous avons pleins d'idées et lançons dès à présent notre seconde levée de fonds afin de recruter au printemps une ou deux personnes pour le développement technique de l'application que nous allons ouvrir aux différents acteurs du marché de l'art ", poursuit Clémentine Tissot. Collectionneurs, commissaires d'expositions, galeristes... : les artistes pourront à l'avenir sélectionner les œuvres qu'ils souhaitent vendre sur ATFU, consulter le profil des collectionneurs ou contacter des centres d'art ou des galeries pour proposer leurs créations.
En bref : " L'artiste ne va pas être que regardé mais regardeur ", concluent les trois jeunes entrepreneuses qui veulent faire de ATFU une application à " 360 degrés ".