En France, 4 réfugiées sur 5 demeurent sans emploi 5 ans après avoir obtenu leur statut de réfugié soit deux fois plus que leur homologues masculin : "Paradoxalement, et contrairement à ce que nous imaginons, elles sont souvent plus qualifiées que les hommes, mais pour de multiples raisons - la garde des enfants notamment -, elles peinent énormément à trouver des emplois stables et qualifiés", explique Joséphine Goube, fondatrice et directrice générale de l’association Sistech (anciennement CEO de Techfugees), qui depuis 2018 permet à des centaines de femmes réfugiées, à travers différents programmes d’inclusion, de développer des compétences dans les secteurs de la tech et du numérique et parfois même d’y trouver un emploi durable.
Une solution gagnant-gagnant
Pour apporter plus de diversité de talents à leurs équipes, les entreprises françaises de la French Tech tentent de plus en plus d'attirer des femmes, et la marge de progression est grande. Selon l’enquête publiée par le cabinet Global Contact début 2022, la proportion de femmes diplômées et exerçant dans le secteur du numérique était de 17 % en France, comme dans l'Union européenne.
Clara Chappaz, directrice de la French Tech - un partenaire historique de l’association - était présente lors de la présentation du 4ème rapport d’impact de Sistech France et elle partage le constat : "Les records de la French Tech apparaissent de manière ambivalente. Si on peut se réjouir du nombre de licornes, des milliards d’euros en levées de fonds ou encore de l’utilisation mensuelle des services de la French Tech par deux tiers de Français, force est de constater l’absence quasi totale de diversité dans son écosystème".
Six mois de fellowship
Depuis 5 ans, pour pallier ce phénomène, mais surtout pour permettre aux femmes réfugiées de retrouver confiance en elles, Sistech agit comme une boussole. À chaque rentrée, l’association accueille un cohorte de femmes, dont le nombre varie d’une année à l’autre, et les accompagne dans des programmes gratuits et holistiques de fellowship constitués de trois briques. Six mois durant, les fellows - comme l’équipe aime à les appeler-, apprennent les codes de la vie en entreprise et, selon leurs appétences, des compétences techniques qui répondent à des besoins concrets dans les secteurs de la tech et du numérique à l’instar du web marketing ou de l’UX design.
"La première brique, le Pathway, est un programme d'orientation professionnelle; la seconde, le springboard, c’est l’apprentissage des compétences techniques. Une troisième brique communément appelée Boost est axée sur l'employabilité avec des temps dédiés au networking et d'autres aux mentorat. Différents temps forts sont organisés avec des boîtes de la tech et du digital pour qu’elles puissent rencontrer de potentiels recruteurs. Les fellows peuvent choisir de participer à l’intégralité du programme, ne s’attarder que sur les compétences techniques ou uniquement sur les soft skills c’est selon", décrit Inès Arthur, mentor historique de l’association.
Pour leur permettre de se consacrer pleinement à leur fellowship et faciliter leur insertion, Sistech lève tous les freins. Le baby-sitting, les frais de transports et le logement en cas d’entretien sont pris en charge et des ressources informatiques sont mises à leur disposition. L’accent est également mis sur le français. Étonnamment, alors que dans ce marché porté vers un développement au-delà des frontières, où l’anglais est la norme et que les talents capables de développer des produits et services correspondant aux besoins de marchés internationaux très divers sont très recherchés, un tiers des fellow affirme que leurs faiblesses en français sont régulièrement pointées du doigt par les recruteurs.
Améliorer la qualité et la durabilité de l’impact
Pour obtenir ses statistiques, chaque année Sistech fait appel à des experts indépendants qui analysent les résultats de ses programmes et produisent des recommandations. Ces travaux permettent de certifier et d'améliorer la qualité et la durabilité de l’impact de Sistech. Aussi le rapport d’impact Sistech France 2022 dévoilé ce Mardi 29 Novembre à la Maison RaiseLab laisse émerger qu’à l’issue du fellowship, 93 % des apprenantes n’ont plus de doute quant au métier dans lequel elles souhaitent évoluer.
Mieux encore, 60 % d’entre elles ont décroché un emploi. Et leur satisfaction ne s'arrête pas au contrat. Estime, confiance en soi, aspiration, autonomie, à la fin du semestre les fellows sont souvent reboostées, plus à l’aise à l’idée de démarcher les entreprises ou de prendre la parole en public. Pour Sahar qui a décroché un poste d’assistante RSSI et cybersécurité au sein du groupe BNP Paribas l’expérience Sistech a mis fin à une longue période d'errance : "En Afghanistan, j’occupais des postes à responsabilité mais lorsque je suis arrivée ici, j’ai dû tout recommencer à 0. Les emplois, quand j’en trouvais, étaient mal rémunérés et sans rapport avec mes compétences. Avec l’aide de Sistech, j’ai pu me former à la cybersécurité et à l’analyse de données et obtenir un poste chez BNP Paribas. Je promeus l’initiative auprès de toutes celles qui sont déplacées".
Jusqu'à présent, l’association a accompagné 190 femmes parmi lesquelles 70 % sont désormais pleinement intégrées. Pour consolider son impact et à l’avenir considérer sa croissance et son potentiel changement d'échelle, Sistech peut compter sur le soutien financier du Fonds pour les Femmes de L'Oréal, d’Orange, de la French Tech, de Cisco, d’Artefact et bien d’autres.