Pourquoi Axeleo Capital a-t-il lancé un fonds PropTech ?
"Il y avait des opportunités à saisir. Je viens du monde de l’investissement mais j’ai toujours été passionné d’immobilier et j’étais surpris du manque d’innovation dans ce domaine. L’immobilier est pourtant la première classe d’actifs au monde. En réalité, des solutions innovantes existent depuis un moment mais les grands acteurs n’étaient pas prêts à acheter ces technologies, leur business modèle fonctionnait bien sans. En s’y intéressant de près, on a vu que la PropTech avait décollé avec quelques années d’avance aux États-Unis.
C’était prometteur pour l’Europe. Puis, plusieurs facteurs externes ont poussé l’immobilier européen à innover : plafonnement de la productivité, difficultés de recrutements, réglementation environnementale etc… Dans le même temps, on a assisté à un changement de paradigme social : les millennials ont commencé à vouloir accéder à la propriété. Étant habitués à une expérience utilisateur de qualité, ils ont forcé le secteur à évoluer sur le sujet. En 2019, on s’est dit que le moment était venu pour se lancer : le marché était prêt à innover et les solutions technologiques étaient là.
Peux-tu nous en dire plus sur Axeleo PropTech 1 ?
Mi-2020, nous avons levé 40 millions d’euros auprès de gros corporates du secteur : RTE, Banque des Territoires, Allianz, VYV, Région IDF, Vinci Énergies… C’était important pour nous d’avoir des experts car c’est un monde complexe à comprendre. Il y a une multitude de parties prenantes et il faut comprendre chaque niveau de la chaîne de valeur. Aujourd’hui, nous avons investi dans onze sociétés en Europe, toujours en entrant en amorçage (pré-seed ou seed) pour être aussi structurants que possible. Notre mission est d’aider les innovations à rentrer chez les acteurs de la ConTech (construction) et de la PropTech (propriété), que nous divisons en cinq catégories : financement et investissement, design et construction, marketing et transactions, opération et gestion, et enfin, vie dans le bâtiment. Nous investissons en moyenne 800.000 euros en ticket initial et nous pouvons monter jusqu’à 3 millions d’euros sur les tours suivants.
Quelles sont les actualités du portefeuille ?
On est en train de faire notre onzième deal avec une société au UK. L’avant dernier investissement était BRXS aux Pays-bas, une société permettant l’achat d’immobilier locatif fragmenté, et avant cela, Monga en France, un logiciel d’assistance à la gestion technique du bâtiment. Par ailleurs, la moitié des sociétés du portefeuille aura déjà relevé déjà d’ici la fin de l’année : Beanstock vient de faire une série A avant l’été avec des fonds français et étrangers et Prello a refait un tour à 13 millions d’euros quatre mois après avoir déjà levé 2 millions d’euros. Cela montre l’appétence croissante des investisseurs généralistes.
Investir sur le marché de l’immobilier partout en Europe, c’est possible pour un acteur français ?
La France est l’un des marchés les plus dynamiques et pourtant, nous sommes encore le seul fonds dédié à la PropTech et ConTech en France quand il y en a une quinzaine en Allemagne et une dizaine au UK. Ce décollage lent en France, avec un besoin de marché énorme, a tout de suite placé le niveau de jeu à une échelle européenne. Cela nous permet de faire des tours internationaux dès l’amorçage. Par ailleurs, jouer sur un terrain européen nous permet de faire des arbitrages de marché. Par exemple, les pays nordiques sont en pointe sur les sujets de développement durable et le marché de la construction est encore très dynamique en Europe de l’Est. Mais pour investir partout en Europe, nous devons nous faire accompagner d’experts locaux. En effet, chaque marché immobilier a ses particularités. Dès qu’on change de pays, les règles changent : réglementairement, économiquement, culturellement, on achète et on construit différemment.
Peux-tu nous donner quelques chiffres sur la dynamique du marché ?
Quand on s’est lancé il y a deux ans, on avait estimé 3.000 sociétés en Europe. Aujourd’hui, il y en a entre 5.000 et 6.000. C’est donc un marché ultra dynamique. 2021 avait déjà été une bonne année mais la tendance s’accélère, au deuxième trimestre 2022, 740 millions d’euros ont été levés en Europe contre 400 millions d’euros sur la même période en 2021. Les chiffres du premier trimestre sont encore plus impressionnants : 880 millions d’euros levés contre 300 millions au premier trimestre 2021. La tendance reste bonne, malgré le contexte macro économique car ces startups répondent à un réel besoin de l’industrie immobilière. C’est intéressant aussi de regarder la taille des tours de table : 60 % des tours font moins de 5 millions. C’est un marché qui est encore majoritairement early stage.
Quels sont les enjeux de la PropTech actuellement ?
L’ambition est de permettre à l’immobilier d’innover pour répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux. Il y a, par exemple, les enjeux d’accès à la propriété. La tech permet de démocratiser l’investissement locatif, c’est ce que fait une société comme Beanstock. Une autre solution peut être de fragmenter ces investissements. BRSX permet ainsi d’investir à partir de 100 euros. Aujourd’hui la notion de propriété a évolué, la société Prello par exemple, permet d’investir à plusieurs dans une résidence secondaire. Côté social, au-delà du nomadisme de notre génération, il y a aussi le sujet du maintien des personnes âgées à domicile, avec des solutions qui peuvent détecter la présence ou les chutes, et côté construction des immeubles adaptés. Les enjeux environnementaux sont forts aussi, d’abord car il y a eu une prise de conscience, mais aussi parce qu’il faut répondre à de nouvelles normes : matériaux innovants, limitation des déchets, recyclage des matériaux…
Et la ConTech ?
La ConTech est assez liée à la PropTech, mais son décollage est plus frais. Il date d’il y a tout au plus deux ans. C’est un secteur dans lequel les cycles de décision sont très longs ce qui nécessite de bien le connaître pour entrer au bon moment et au bon niveau de la chaîne de valeur. Comme sur la PropTech, on voit des progrès sur la qualité des équipes et le volume. Historiquement, les innovations n’étaient portées que par des gens issus de la construction mais aujourd’hui on voit également arriver des startupers qui ont privilégié ce marché, pour son potentiel, là où ils seraient partis en fintech ou en adtech il y a quelques années, c’est prometteur !"