Tous ses choix l’ont conduit vers un seul but : construire. Lorsqu’il commence ses études supérieures en 1991, Renaud Visage se dirige logiquement vers le génie civil pour construire " de vrais projets, dans la vraie vie ". Après ses trois années à l’École centrale de Lyon, il décide de réaliser son rêve d’adolescent bercé aux séries américaines et émerveillé par l’idée de découvrir l’eldorado américain. Il s’envole pour New York où il poursuit un master en génie civil à Cornell University : " Mon père était photographe d’animaux et a beaucoup voyagé. Donc quand j’ai eu l’opportunité de partir aussi, j’en ai profité ". L’opportunité de voyager à travers le monde pour construire mais également de profiter d’un tremplin vers le marché américain.
Le numérique, cet outil fascinant
C’est à San Francisco, chez Geomatrix, que le jeune diplômé Renaud Visage concrétise son envie de façonner quelque chose d’important. " J’avais besoin d’avoir une mission ". Et quoi de mieux que faire du bien à la planète en nettoyant les sites que d’autres ont pollués par le passé. Durant cette première expérience professionnelle, internet décolle. " J’ai tout de suite pensé qu’il y avait quelque chose d’important et fascinant qui se préparait ". Renaud Visage s’informe lui-même. Et alors qu’aujourd’hui internet fait foi pour se renseigner sur le numérique, à l’époque c’est dans les livres qu’il apprend. " Il manquait pas mal de briques mais on sentait que ça allait devenir une des technologies du futur. Tandis que dans le génie civil, on se reposait sur des équations des années 1960. Il y avait moins de prise de risque ", admet-il. Geomatrix fait confiance à ses nouvelles connaissances et Renaud Visage troque peu à peu son travail sur le terrain contre un travail de bureau. Par " amusement ", il réalise des dessins industriels et programme un logiciel de comptabilité permettant d'évaluer les heures de travail des ingénieurs consultants. " C’était fascinant de pouvoir gérer toutes ces données ".
Très vite il trouve plus vivant et vibrant l’industrie de la Tech que le génie civil. En l’an 2000, il passe le cap et change de carrière. Il intègre Zing, une startup de partage de photos qui lui permet de combiner sa passion pour la photographie avec celle de la technologie. " Nous étions à l’ère des tous premiers appareils photos numériques ", explique-t-il. Malheureusement le management fait défaut et le nombre d’employés passe de 30 à 120 avant de retomber à 10 en seulement un an à cause de l’explosion d’internet. " J’ai beaucoup appris de ce qu’il ne fallait pas faire pour lancer une startup ", ironise celui que ses collaborateurs pourraient décrire comme " critique, pessi-réaliste, en contrepoint de la mentalité américaine très excitée, toujours en empathie ". Sony ImageStation achète alors la technologie et Renaud Visage part riche d’une rencontre : celle de Kevin Hartz.
Sauver Eventbrite du Covid-19
Ensemble, accompagnés de Julia Hartz, ils créent en 2006 Eventbrite, célèbre site de gestion d’événements et de billetterie. " Kevin avait déjà un prototype et cherchait un profil très technique. L’idée était forte dès le début. Le service permettait aux utilisateurs de rechercher, créer et promouvoir des événements locaux. Et nous utilisions déjà Paypal qui permettait d'envoyer l’argent directement à l’organisateur ".
Eventbrite est la première dans ce domaine aux Etats-Unis. Très vite les locaux s’étendent à l’international : Nashville, Londres, Cork, Amsterdam, Dublin, Berlin, Melbourne, Mendoza, Madrid et Sao Paulo. En septembre 2018, la société entre en bourse à la Bourse de New York. Mais la pandémie de Covid-19 fait chavirer cette envolée vers le succès. " En un mois, nous avons perdu plus de 80% de notre revenu. Nous avions fait un pari sur la musique et du jour au lendemain, tous les lieux dédiés à cela ont fermé. Heureusement, nous avions déjà quelques événements en ligne ce qui nous a permis de conserver ce revenu-là ". L’équipe parvient à protéger l’entreprise mais, dans la bataille, est contrainte de se séparer de 45 % de son effectif. " Nous avions déjà vécu la crise financière de 2008 mais on a beau s’y attendre, nous ne sommes jamais totalement préparés ", déplore-t-il.
Après 16 années au sein d’Eventbrite, Renaud Visage quitte l’entreprise : " Parfois la motivation ne suffit plus à apporter ce qu’on attend d’un cofondateur ". Désormais, il se consacre pleinement à son projet d’investisseur qu’il entreprend depuis 2014. " J’aime la pluridisciplinarité, travailler avec beaucoup de projets en même temps, appuyer des entrepreneurs qui ont une flamme dans les yeux, qui partagent la cause de leur vie ". Départ d’Eventbrite, investissements… Les projets de Renaud Visage ne s’arrêteront pas là et il l’assure : 2022 est une année de transition, de construction.