Entre cohérence et expérimentations, rencontre avec le fondateur qui a apporté du changement dans le recrutement en France. La constance n’est pas toujours la qualité première des startups. Le milieu est réputé pour ses pivots, félicitant l’agilité des fondateurs à changer de plan en plein vol.
De l’extérieur, on pourrait se dire que Welcome to the Jungle ne fait pas exception : cette plateforme de recrutement, qui s’est longtemps présentée comme un média, a multiplié les expérimentations tout au long de son existence.
Après avoir été reconnue pour la qualité de ses contenus ou pour Welcome Kit, un ATS (Applicant Tracking System) pour faciliter la vie des recruteurs, la plateforme a fait parler d’elle il y a quelques temps en lançant Welcome Originals, une plateforme de streaming dédiée au développement des collaborateurs, mais aussi Welcome Home, un intranet qui sera déployé auprès de ses clients, dans un second temps.
Pourtant, quand Maddyness rencontre le fondateur de Welcome to the Jungle, Jérémy Clédat sait relier les points pour montrer la cohérence de chacune des actions dans le patchwork de son entreprise.
" C’est vrai que la boîte a pas mal grandi, reconnaît-il en mentionnant les 300 collaborateurs de la startup. Mais quand on y pense, on est toujours assez fidèle à l’ADN de départ qui était d’offrir une nouvelle expérience de recherche d’emploi ".
Leur approche a ainsi toujours été centrée sur l'amélioration de l’expérience des candidats, en les aidant notamment à mieux comprendre la culture d’une entreprise pour identifier si elle correspond à leurs aspirations professionnelles. Un cercle qui s’est avéré vertueux puisque, pour réviser l’approche Candidat, il a fallu accompagner les entreprises à donner vie à leur marque employeur ,au travers de contenus audiovisuels qui ont été au cœur du business historique de WTTJ. Au fil des ans, la recette gagnante aura donc été de miser sur une bonne dose de transparence (la startup invite les entreprises à partager sur leur fiche, des chiffres sur le turn-over, l’âge moyen des salariés, la parité, etc.) et une expérience fluidifiée pour tout le monde.
" Parce qu’une expérience réussie pour un candidat, c’est quand on lui répond, quand il y a du rythme ".
Le Welcome Kit, c’est donc cet outil qui permet aux recruteurs de répondre plus facilement aux candidats et à ceux-ci de ne pas se retrouver dans une attente où une candidature ne connaîtra jamais de réponse.
Make Work Sustainable
" Notre mission d’entreprise, c’est de rendre le travail plus soutenable ", explique Jérémy Clédat suite à un récent travail sur la définition de cette mission.
Une réflexion que Welcome to the Jungle a mené pour tracer sa vision pour ses collaborateurs et toutes ses parties prenantes. " Le fait est que l’on travaille très longtemps… ce qui était peut-être moins le cas avant. Comment faire en sorte que ce soit soutenable sur le long terme et pas uniquement sur cinq ou six ans où tu ressors cramé d’une expérience avant de chercher autre chose ".
Soucieux de ne pas se conformer à l’image des cordonniers qui seraient toujours les plus mal chaussés, le CEO de Welcome to the Jungle possède un fabuleux terrain de jeu pour expérimenter les nouveaux modèles d’entreprises qu’il prêche par ailleurs : sa propre entreprise. Welcome to the Jungle a donc mis en place dès 2019, la semaine de quatre jours pour l’ensemble des équipes. " Je ne dis pas que toutes les entreprises devraient le mettre en place. Je dis juste que c'est possible et que l’on peut aussi avoir une entreprise très performante sur ce modèle ".
De ce côté-là, la startup peut effectivement se targuer d’une belle trajectoire avec 60% de croissance de CA revendiqué en 2021 et de nouveau 60% en 2022. De la même manière, le télétravail était un sujet chez Welcome bien avant que cela devienne une norme post-Covid. Cela a commencé dès 2015 et aujourd’hui, un tiers des effectifs a fait le choix du remote. " C’est aussi révélateur du nouveau paradigme de travail dans lequel on est ".
Mais révolutionner la manière de travailler en interne ne lui fait pas oublier d’être ambitieux vers son marché, Jérémy Clédat vise toujours une expansion à l’Europe et aux États-Unis. Prévue de longue date, elle avait fait l’objet d’une levée de fonds de 20 millions d’euros en 2019, avant d’être mise en pause par la situation sanitaire.
Ce sera vraisemblablement le grand enjeu de l’année prochaine pour l’entreprise, une aventure que Jérémy sait difficile et qui va requérir de nouveaux financements. Suivant l’exemple de Back Market, Jérémy Clédat confie avoir longuement discuté avec des entrepreneurs français qui ont fait ce saut quantique.
" Il s’agit clairement d’un projet hyper coûteux, mais par contre il s’agit d’un succès qui change complètement le visage d'une boîte, c'est quelque chose qui fait bien envie à l’équipe et qui motive tout le monde ".
La plus grande difficulté : la cohérence
Comme toute aventure entrepreneuriale, tout n’est pourtant pas rose dans la vie de Welcome to the Jungle. La Covid a imposé une double peine à la startup avec de nombreux plans de recrutement mis en pause et l’impossibilité de faire des tournages pendant les confinements successifs. " Il y avait de nombreuses raisons pour lesquelles on aurait pu laisser partir des gens. Franchement, je pense que ça aurait été même plus justifié que d'autres boîtes… mais on a gardé 100 % de nos équipes. Je pense que cela fait partie des choix qui étaient en phase avec ce qu'on voulait être et je suis d'ailleurs convaincu que cela sera payant sur le long terme. "
Cela met en lumière une dimension que Jérémy Clédat considère être la plus compliquée à maintenir : " réussir à rester cohérent avec ce que tu veux créer, à la fois comme projet, et comme promesse interne à tes équipes. Je trouve qu'il y a tellement de moments où tu pourrais être tenté de faire des compromis : au bénéfice de la croissance par exemple ".
Une difficulté qui serait encore plus présente dans les périodes compliquées, comme lors du Covid où il fallait se faire violence pour ne pas choisir la facilité, mais se battre pour rester aligné avec les valeurs de l’entreprise.
" Le plus dur finalement, c'est de ne pas compromettre les valeurs que tu voulais pour ta boîte. De mon côté, j’essaye de les garder même si ça coûte plus cher ou qu’il faut faire un effort supplémentaire. C'est vraiment le plus dur, sachant que tu auras rarement de rétributions derrière, parce que ce combat n'est pas forcément vu par les équipes. Mais je trouve qu'au bout de bientôt huit ans, c'est ce qui est le plus satisfaisant. "