Au début de l'année 2022, le principal investisseur de Neoline, l’armateur Sogestran, annonçait qu’il se retirait du projet. Un énième rebondissement pour la compagnie maritime qui envisage de construire un cargo long de 136 mètres. Propulsé par le vent, il permettra de réaliser " 90 % d’économie de carburant par rapport à un porte-conteneur classique ", estime Jean Zanuttini, le dirigeant. Ce projet, dont la construction devait démarrer en 2019, n’a cessé d’être repoussé, faute de financements. Car son budget est conséquent : 60 millions d’euros. Et sans investisseur, impossible de lancer le chantier.
Mais la société nantaise pourrait enfin voir le bout du tunnel. Car l’acteur mondial du transport maritime, le groupe CMA-CGM, vient d’annoncer une prise de participation au sein de son capital. Une annonce intervenant quelques jours après la publication des résultats financiers du géant mondial, qui enregistre des profits records : 14,8 milliards de dollars pour le premier semestre. Cette entrée au capital de Neoline s’inscrit d’ailleurs dans le cadre de la création d’un fonds " spécial énergies " d’1,5 milliards d’euros sur cinq ans pour " accélérer la transition énergétique du transport et de la logistique ", précise le groupe dans un communiqué.
Le voilier-cargo le plus imposant du marché
Grâce à cet investisseur majeur, la compagnie maritime nantaise devrait pouvoir lancer la construction de son navire cet automne pour une mise en service prévue en 2024. Il s’agira alors du voilier-cargo le plus imposant du marché. Le Neoliner prévoit en effet de transporter jusqu’à 5 300 tonnes de marchandises. 50 % de conteneurs - soit environ 280 - mais également des objets " hors normes " comme les navires du groupe Beneteau ou les engins de manutention de l’entreprise Manitou.
Aujourd’hui, seul un voilier-cargo est en service. Mais sa taille est beaucoup plus modeste. Le navire Grain de Sail, long de 24 mètres, traverse l’Atlantique depuis 2020 et charge à son bord environ 50 tonnes de vin, grains de café et cacao. Un second navire devrait bientôt le rejoindre. L’entreprise Zéphyr et Borée, qui a conçu un cargo à voile de 121 mètres pour transporter la fusée Ariane 6, devrait mettre à l’eau son bateau d’ici la fin de l’année 2022. Enfin, la société Towt fait construire ses deux premiers cargos de 81 mètres de long, capables de transporter 1 100 tonnes de marchandises, et envisage la mise en service du premier en 2023.
Anticiper la taxation carbone
La société Neoline espère, elle aussi, construire un navire jumeau. Ses deux cargos à voiles relieront ensuite Saint-Nazaire à Baltimore, et desserviront Saint-Pierre-et-Miquelon et Halifax. La construction de la coque du premier " Neoliner " sera sous-traitée en Turquie et " au moins 30 % des éléments du bateau seront fabriqués en France ", précise Jean Zanuttini.
Pour les armateurs, l’intérêt de prendre des parts dans ce type de projet est d’être " au première loge du transport décarboné ", estime le dirigeant. Via cette prise de participation, CMA-CGM anticipe également la mise en place de la taxation carbone. Progressivement, entre 2023 et 2026, les armateurs seront obligés d’acheter des crédits carbone pour compenser leurs émissions de gaz à effet de serre. Car la filière est responsable de 3 à 4 % des émissions mondiales. Et l’Organisation maritime internationale a fixé un objectif ambitieux : diviser ces rejets par deux d’ici 2050.