Le gouvernement, au terme d'une concertation avec les élus locaux, va prendre un arrêté dans les prochains jours pour mettre fin au "flou" sur les "dark stores". Dans cet arrêté à venir, "les dark stores sont considérés en termes de sous-destination comme des entrepôts, qu'il y ait ou pas un point de retrait", a indiqué la ministre déléguée au Commerce Olivia Grégoire à l'issue d'une réunion avec les élus concernés à Paris.
En devenant des entrepôts, et non plus des commerces, ces lieux pourront être contraints de fermer si le Plan local d'urbanisme (PLU) interdit ce type d'activité à leur adresse. Concernant une autre activité, les "dark kitchens" qui préparent des repas qui seront ensuite livrés à domicile, "il a été acté avec les élus de créer une nouvelle catégorie spécifique", a précisé le gouvernement dans un communiqué.
Un choix aux mains des collectivités locales
Le texte devra être un "outil pour que les collectivités locales et maires puissent réguler, les interdire ou pas en fonction de leurs souhaits", a résumé Olivia Grégoire qui assure que "ce n'est pas la fin des dark stores" pour autant.
Le "quick commerce", dont les grands acteurs sont Cajoo, Gorillas, Getir, Flink ou encore Gopuff, a émergé à la faveur des confinements et de l'épidémie de Covid-19 depuis 2020 et propose la livraison de produits du quotidien, semblables à ceux à la vente dans une supérette de centre-ville, en quelques minutes. Mais cette activité est critiquée par de nombreux élus à travers le monde, qui dénoncent pêle- mêle, l'arrivée de "villes-entrepôts", les nuisances pour les riverains, voire "l'économie de la flemme".
En mars dernier, la mairie de Paris avait demandé la fermeture de 45 "dark stores" qui ont été "créés illégalement" dans la capitale, les services de l'urbanisme les considérant comme des entrepôts alors qu'ils s'étaient installés dans des locaux commerciaux.
Mi-août, elle avait dénoncé un projet d'arrêté ministériel qui leur aurait permis d'être considérés comme des lieux de commerce ou de restauration, pour peu qu'ils disposent d'un point de collecte pour le public.
Finalement, ils sont bien des entrepôts et les entreprises qui n'auront pas effectué les changements de destination des locaux seront en infraction et devront "très probablement" fermer au terme de la procédure judiciaire, selon Olivier Klein, ministre délégué à la Ville et au Logement. Des procédures qui peuvent toutefois prendre un certain temps.
Les mauvais élèves "n'ont plus aucune échappatoire aujourd'hui", s'est réjoui l'adjoint à l'urbanisme à la mairie de Paris, Emmanuel Grégoire, très critique aussi vis-à-vis de leur modèle social.
L'optimisme malgré les doutes
En France, l'activité du "quick commerce" est en progression, explique à l'AFP Emily Mayer, experte en produits de grande consommation chez IRI, avec un chiffre d'affaires global de 224 millions d'euros sur la période août 2021-juillet 2022, contre 146 millions d'euros de chiffre d'affaires sur l'année civile 2021.
A noter toutefois que sur ces 224 millions d'euros de ventes, 125 sont, selon la spécialiste, réalisés par Frichti, qui fait également de la livraison de repas, mais qui a été racheté par Gorillas en mars dernier. Le Turc Getir, lui, a publié sur l'année 2021 un chiffre d'affaires de 2,4 millions d'euros, pour des pertes de 22,5 millions d'euros, comme l'avait révélé début août le média spécialisé LSA.
Malgré ces chiffres peu spectaculaires - l'ensemble du secteur vendant en France l'équivalent d'un seul gros hypermarché, estimait un autre média spécialisé, Linéaires -, et malgré une difficulté nouvelle à lever des fonds auprès d'investisseurs privilégiant désormais des activités rentables à plus court terme, les spécialistes se montrent plutôt optimistes quant au fait qu'une demande existe.
Dans un communiqué mardi soir à l'AFP, Gorillas préfère attendre de connaître "la teneur des arrêtés" et entend "poursuivre les échanges avec le ministère", "avant de prendre toutes décisions sur une éventuelle évolution de son modèle".