"J'avais déjà la voiture. Il ne me manquait plus que la prise, mais il a fallu attendre" : comme Gérard, qui bénéficie depuis peu de sa propre borne de recharge à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), ils sont de plus en plus nombreux à vouloir équiper leur parking, mais le déploiement des solutions de recharge en immeubles résidentiels patine encore. La copropriété de Gérard fait partie des 2 % équipées en France, pour 10 000 places environ.
Des chiffres encore faibles, en dépit du droit à la prise mis en place en 2011, qui permet à chaque copropriétaire d'installer, à ses frais, une prise pour son véhicule. Ce manque de bornes privées dans les habitats collectifs reste un obstacle de taille à l'électrification des voitures, brique indispensable dans la lutte contre le changement climatique. "Des premières discussions dans la copropriété à la première installation, nous avons attendu 18 mois. Mais d'autres voisins ont suivi le mouvement et bientôt, nous aurons 17 bornes" , nuance le retraité, qui ne souhaite pas donner son nom, pendant que deux ouvriers d'un installateur privé s'attellent à équiper des places voisines.
L'installation ne coûte rien à la copropriété : les propriétaires paient pour leur propre borne, et des subventions couvrent le reste. Car, outre la borne individuelle, il faut financer des infrastructures collectives, comme les câbles et parfois des compteurs communs. Le financement de ces équipements a longtemps été un point de discorde pour les copropriétés qui, jusqu'à peu, devaient les prendre à leur charge.
"Il y a toujours une crainte de certains copropriétaires de devoir payer pour les autres, ralentissant les demandes d'installation, explique Mathias Laffont, directeur des études à l'Union Française de l'Electricité (UFE). À présent, des techniques existent pour faire uniquement payer les utilisateurs, moyennant quelques centaines d'euros pour l'achat de la prise, en plus de l'abonnement mensuel souscrit auprès de l'opérateur."
Accélérer ce développement
Des aides existent pour les propriétaires, copropriétés et opérateurs : Logivolt Territoires, lancé par la Banque des Territoires, le guichet de la Caisse des dépôts, finance toutes les dépenses collectives ; le dispositif Advenir, financé par une enveloppe annuelle de fonds publics et piloté par l'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere-France), en couvre la moitié.
Les nombreuses startups du secteur, Bornes Solutions, Zeplug ou Park'n Plug en tête, l'assurent : la demande d'équipements dans les habitats collectifs est en plein essor. Elles estiment qu'un million de places pourraient être équipées rapidement. Le reste à charge pour le particulier, après les aides, est entre 700 et 900 euros, selon elles. Mais les choses ne vont toujours pas assez vite. 44 % des Français vivent dans des habitats collectifs, mais "70 % des bornes privées sont en habitat individuel" , d'après Clément Molizon, délégué général de l'Avere-France.
Pour accélérer ce développement, un décret très attendu doit permettre à Enedis, le gestionnaire du réseau électrique, d'équiper les copropriétés en équipements de recharge, sans leur faire payer le moindre euro, en intégrant les coûts dans le tarif d'acheminement de l'électricité (Turpe). Une "concurrence déloyale" , dénoncent au passage les installateurs privés, rassemblés derrière l'Association française des opérateurs de recharge pour véhicules électriques (Afor).
Pénurie de personnel
Enedis anticipe "des milliers, puis des dizaines de milliers de nouvelles demandes, une fois le décret validé" , comme l'assure Olivier Huet, directeur de projet infrastructure de recharge des véhicules électriques en résidentiel collectif d'Enedis. "Toutes les solutions sont nécessaires, le marché est trop important."
Autre défi pour les opérateurs, le déploiement de prises de recharge dans les parkings privés en extérieur, qui nécessitent des travaux plus lourds. "C'est aujourd'hui trop onéreux pour que les opérateurs et les copropriétés puissent en assumer le coût" , explique Lara Dupont, de Zeplug.
À cela s'ajoute enfin le manque de personnel formé, estimé à "plusieurs milliers de personnes" par les opérateurs. "Le secteur est en forte croissance, mais on manque cruellement de bras" , déplore Jérôme Princet, directeur général de Bornes Solutions et vice-président de l'Afor.