Une activité prometteuse dans le viseur de l’administration française
Au sein du monde encore assez confidentiel des NFTs, la nouvelle fait grand bruit : la licorne Sorare, startup française fondée en 2019 par Nicolas Julia et Adrien Montfort, aujourd’hui valorisée à 4,3 milliards de dollars, est aujourd’hui sous le feu des projecteurs.
Ce regain d’attention n’a rien à voir avec le nouveau contrat signé avec l'icône Zinédine Zidane, mais porte sur la qualification juridique de son activité.
Pour bien comprendre les accusations portées contre Sorare, il faut revenir sur son mode de fonctionnement. Dans l'univers de Sorare, les clients peuvent acheter des cartes virtuelles (notamment avec des cryptomonnaies). Chaque carte est la propriété du joueur sous la forme d’un NFT. Comme ces cartes virtuelles sont plus ou moins rares, il est possible de les échanger et, peut-être, de les vendre avec de juteux bénéfices au grès des performances des joueurs dans " la vraie vie ".
Au regard de l’activité novatrice de l’entreprise qui permet à ses 2 millions d’utilisateurs d’acheter des cartes de joueurs de football et de baseball, l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ) a décidé de se pencher sur son activité.
“Sont réputés jeux d’argent et de hasard et interdits comme tels toutes opérations offertes au public, sous quelque dénomination que ce soit, pour faire naître l’espérance d’un gain qui serait dû, même partiellement, au hasard et pour lesquelles un sacrifice financier est exigé de la part des participants” , précise l’article L320-1 du Code de la sécurité intérieure.
Une définition qui pourrait correspondre au modèle de Sorare, selon Frédéric Guerchoun, directeur juridique de l’ANJ, cité par nos confrères de BFM Business.
Existerait-il, par l’achat des cartes à l’effigie des joueurs de sportifs, un véritable " sacrifice financier " de la part des collectionneurs, amateurs ou aguerris ? Ce sera à l’ANJ, voire à la justice, de trancher cette épineuse question.
Les questionnements de l'ANJ pourraient sembler pertinents, tant la valeur que certaines cartes ont pu acquérir étonne. Pour rappel, en novembre dernier, une carte virtuelle de Cristiano Ronaldo s’était vendue pour la coquette somme de 350 000 euros.
Selon Nicolas Julia, CEO et co-fondateur de Sorare, ces interrogations étatiques sont tout à fait justifiées, et nécessitent une juste réflexion : "Lorsqu'une entreprise invente un nouveau modèle en se fondant sur une technologie naissante (ici le web3), et connaît le succès, il n'est pas surprenant que cela soulève des questions. C’est un des signes qui démontre que nous faisons bouger les lignes […] Nous échangeons d’ailleurs avec les régulateurs dans une démarche proactive qui vise à expliquer ce que nous sommes (et ne sommes pas) depuis les premiers jours." , indique-t-il dans un post Linkedin du 29 juillet 2022.
Une qualification juridique litigieuse
La France n’est pas le seul pays à se préoccuper de la qualification légale de cette activité. De l’autre côté de la Manche, le Royaume-Uni se pose des questions similaires depuis le mois d’octobre 2019. Le régulateur britannique, la Gambling Commission, a ouvert une enquête afin de déterminer si Sorare.com doit posséder une licence d’exploitation et si les services fournis sont des jeux d’argent.
La Suisse a, quant à elle, promptement décidé de suspendre l’activité de la startup, en attendant de pouvoir se prononcer au regard des éléments pouvant être apportés par Sorare.
L’enjeu est important, tant pour Sorare que pour ses joueurs : une qualification de pari sportif nécessiterait que chaque joueur puisse prouver son identité, et que Sorare demande (et obtienne) un agrément spécial de la part de l’ANJ. La fiscalité inhérente aux gains serait, elle aussi, plus importante.
Contactée par Maddyness, la direction de Sorare n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet pour le moment. L'entreprise invoque l’absence pour l’instant d’"annonces" , de "mise en garde" ou de "décision" de l'ANJ.