Engagement environnemental ou sensibilité à la cause animale : de plus en plus de consommateurs modifient leur alimentation pour réduire la quantité de protéines animales dans leur alimentation. Conséquence de ce nouveau comportement : le marché mondial des alternatives végétales pourrait dépasser les 162 milliards de dollars en 2030, selon le rapport Bloomberg Intelligence publié en août 2021. De quoi susciter l’intérêt des entrepreneurs qui rivalisent d’idées pour intégrer davantage d’alternatives végétales dans nos assiettes. Umiami fait partie de ces startups qui innovent pour réduire l’empreinte carbone de nos assiettes.
Des filets de volaille et de poisson
Les deux fondateurs de la startup - Tristan Maurel (ingénieur Centrale Paris-Essec) et Martin Habfast (HEC-TUM) - ont développé un procédé technique innovant, qui permet de reproduire la texture d’un filet de volaille. Actuellement, "les solutions de simili viande proposées prennent surtout la forme de viande hachée ou déstructurée, constate Tristan Maurel pour mieux mettre en avant la différence d’Umiami. Notre technique nommée "l'umiamisation" permet, avec une liste de seulement huit ingrédients, contre une trentaine habituellement, de créer la texture des filets de blanc de volaille."
La société s’est concentrée sur la palette de texture grâce à des ingénieurs agronomes, plutôt que sur la recherche d’un goût identique à celui de la viande blanche même si celui-ci demeure important. "Nous avons pensé notre produit pour que nos clients l’utilisent en remplacement d’un filet de volaille. Ils doivent pouvoir le cuisiner de la même manière, afin de réduire la barrière à l'adoption" , détaille l’entrepreneur. La solution contribue également à réduire l’impact de notre alimentation sur la planète. A quantité égale, les produits d’Umiami consomment deux fois moins d’eau, de terres arables et émettent deux fois moins de CO2 que de la volaille.
D’un projet de thèse au produit fini
Pour développer cette technique, Umiami a bénéficié du soutien d’AgroParisTech et de ses équipements. Car c’est lors de leurs thèses respectives sur les alternatives végétales que les deux étudiants ont commencé à penser le projet. "L’université de Munich nous a également aidés à structurer notre manière d’innover et nous a donné accès à son équipement" , pointe t-il. Bpifrance a également été un soutien de taille à ses débuts, via une subvention visant à tester l'industrialisation et la rentabilité de leur technologie.
"Notre procédé était très théorique sur le plan gustatif" , reconnaît Tristan Maurel. La startup a donc dû se battre pour trouver des investisseurs pour la suivre. "Il y a déjà beaucoup de startups qui ont fait leur place sur ce marché, il faut proposer un avantage très compétitif aux investisseurs" pour se faire remarquer, souligne t-il. Pari gagné. Après avoir levé 1,5 million d’euros en equity en juillet 2021, la startup a réalisé un tour de table de 26,5 millions d'euros en avril 2022. De quoi nourrir ses ambitions et surtout financer l’industrialisation de sa première gamme, qui devrait bientôt être enrichie avec l'arrivée de nouveaux produits.
La société a récemment ouvert un centre de R&D industriel de 1 000m2 dans l’Essone, qui aura la charge de roder sa première ligne de production d’une capacité de 100 tonnes. Un premier pas avant l’ouverture d’une usine industrielle de 10 000m2 cette fois-ci, courant 2023. La production passera alors à 15 000 tonnes par an. Pour répondre aux nouveaux besoins créés par ces projets, l’équipe va recruter massivement des ingénieurs, des professionnels de la production et des gestionnaires d’équipe dans les 12 à 18 mois à venir. Elle a déjà engagé des profils hautement qualifiés comme Piotr Kulpinski, qui possède une excellente connaissance dans la construction d'usines pour avancer rapidement et efficacement.
Conquérir les marchés européens et américains
Contrairement à bon nombre de ses concurrentes, qui ont choisi un déploiement B2C et B2B de leurs produits, la startup grenobloise se concentre uniquement sur les professionnels. "Nous avons un ADN purement techno, mais nous ne sommes pas des génies du marketing" , justifie l’entrepreneur. D'où le choix de vendre leurs produits à des entreprises qui auront la charge de s'occuper des ventes aux consommateurs.
A peine lancé, le concept aiguise fortement l’appétit des industriels de l’agroalimentaire. "Nous observons une véritable traction avec des clients, qui signent des term sheet et des intentions d’achat pour des milliers de tonnes de produits" , se réjouit Tristan Maurel, alors même que la production à grande échelle n’a pas débuté. Si la startup vise le marché européen, elle regarde déjà vers les Etats-Unis. "Le marché européen est aussi important que le marché américain" , décrypte Tristan Maurel.
La différence provient des volumes de commande des contrats signés. "Nous fonctionnons avec des contrats d’exclusivité sur une géographie. Avec un client américain, nous réalisons des volumes bien plus importants qu’avec un seul client européen." Umiami envisage d’ouvrir une usine sur place, avec une force de vente pour mener à bien ce projet. "Il y aura peut-être un centre de R&D, mais rien n’est encore acté" , tempère l’entrepreneur, estimant que "la France est un paradis en termes de R&D, car nous avons des ingénieurs très bien formés".