Présent à VivaTech lors de la présentation du FT Green 20, Bruno Le Maire a souligné le manque de talents féminins dans la tech, appelant à faire bouger les lignes. L’état des lieux réalisé par 50InTech - à l’origine du gender score - et Figures - une HRTech aidant les entreprises à mettre en place des rémunérations plus justes - le confirment. "Nous avons effectué ce travail dans le but d’apporter de la transparence sur le sujet. Il y a une véritable prise de conscience des startups" , mais leurs actions sont rendues complexes par un manque de données que souhaite ainsi apporter Virgile Raingeard, le fondateur de Figures.
Menée auprès de 500 entreprises clientes européennes de la startup, l’étude montre un écart salarial non ajusté -correspondant à l’écart général des salaires médians entre hommes en femmes - de 19 %. À titre de comparaison, l'écart salarial entre hommes et femmes non ajusté moyen de l'OCDE 2020 est de 12,8 %. L’écart est 4 fois moins important si on observe l’écart salarial ajusté - c’est-à-dire la différence de rémunération pour des postes équivalents dans une même société -, puisqu’il tombe à 5 %.
L’écart salarial général entre hommes et femmes s'explique notamment par la plus grande difficulté des femmes à obtenir des postes à responsabilité. Figures et 50intech pointent deux raisons majeures : des stéréotypes et préjugés sexistes qui perdurent et un investissement des femmes concernant la garde des enfants, qui les contraint à organiser leur emploi du temps en fonction d'eux. Ce dernier point les désavantage également en matière de promotions, car "elles sont considérées comme moins dignes d'être investies".
Faire changer les mentalités
En moyenne dans les entreprises interrogées, les seuls postes senior où les femmes sont représentées à part égale (53 %) sont ceux de superviseurs. Elles constituent seulement 37 % des effectifs de chefs de service, 29 % de ceux de vice-présidents et leur représentation chute à 17 % concernant les C-Level. Autre chiffre frappant : les femmes représentent 7,5 % des effectifs des équipes fondatrices. Parmi les pistes proposées, l’une concerne le recrutement. "Un changement des pratiques d'embauche est nécessaire. Basées sur "l'adéquation culturelle" , les méthodes actuelles tendent à favoriser le statu quo dans une entreprise, qu'il s'agisse de la race, du sexe, de l'âge, du niveau socio-économique, etc." , analysent 50intech et Figures.
Mais il serait injuste de dire que les entreprises se montrent passives. On observe une "évolution avec la mise en place de petites initiatives depuis 3 ou 4 ans" , souligne Virgile Raingeard. Le Pacte Parité, instauré par la French Tech début juin 2022, en est une. "Des entrepreneurs et des responsables RH ont travaillé dessus pendant des mois." De leur côté, Figures et 50intech cherchent également à faire changer les mentalités grâce à leur étude. "Cet état des lieux sera réalisé en continu avec nos données, puis pays par pays. Ce qui permettra aux entreprises de se comparer aux autres et vérifier où elles en sont" , espère Virgile Raingeard. De quoi réfléchir aux actions à mettre en place.
Des investisseurs encore trop biaisés
Si les entreprises doivent prendre leur responsabilité, les investisseurs n’en sont pas exempts. Alors que les entreprises ayant au moins une femme fondatrice ont plus de chances de sortie et de meilleures performances générales, plus de 80 % du capital-risque en 2021 est allé à une équipe fondatrice exclusivement masculine, rappelle l’étude. Les entrepreneuses ne cachent pas les difficultés qu’elles rencontrent parfois, lorsqu’elles présentent leur projet devant des investisseurs masculins. Ce que souligne également l’étude, qui pointe des biais sexistes ou une méconnaissance des secteurs parfois adressés par les femmes - petite enfance, sexualité, menstruation, etc.
Aujourd’hui, "nous ne pouvons pas créer un écosystème de startup juste et équitable avec si peu de diversité dans les équipes fondatrices recevant du capital" , met en avant l’étude. Rares sont encore les fonds créés exclusivement ou conjointement par des femmes. En France, on peut citer, sans exhaustivité, Revaïa, 2050 ou encore One Ragtime. Ce qui ne veut pas dire que les autres sont passifs. Plusieurs d’entre eux ont signé la charte du collectif Sista - lancée en 2019 -, qui les engage à atteindre l’objectif de 50 % de startups co-fondées ou fondées par des femmes d’ici à 2050. Ce qui passe souvent par la quête de femmes investisseurs, qui ne sont pas encore assez nombreuses dans le paysage, notamment en France.
Repenser l’éducation
En prenant encore un peu plus de recul, on observe que le phénomène est bien plus général que les seuls biais des recruteurs. Dans les entreprises, les femmes se tournent davantage vers des secteurs comme l'administration (82 %), les ressources humaines (78 %), le juridique (62 %) ou le marketing (59 %). Mais leur nombre baisse drastiquement dans les corps de métiers plus techniques : data (23 %), tech non logiciel (23 %) ou logiciel (11 %).
Ce qui montre que le problème de la parité est bien plus profond. "Si les entreprises ont leur rôle à jouer, reconnaît Virgile Raingeard, il faut aussi travailler l’enjeu en amont dès le lycée mais aussi avant, dès l’école." Aujourd’hui encore, les stéréotypes soulignant une prédisposition des hommes aux sciences et des femmes aux relations sociales dominent encore, et privent collégiennes et lycéennes de nombreuses opportunités de carrière.