Lancer une école de formation aux métiers du numérique au cœur d’une bourgade de 3 700 âmes, dans le Perche. L’idée paraît aussi saugrenue que risquée. Pas de quoi décourager Anna Stépanoff et Romain Coeur, les deux fondateurs de Wild Code School. "C’était un pari fou de lancer une école à La Loupe, où il n’y avait pas de marché" , se remémore Anna Stépanoff qui reconnaît que cela n’a pas été facile. "Nous avons reçu un grand soutien au niveau local, même si l’écosystème était petit" , ce qui lui a donné les cartes et les clés pour comprendre comment se développer en région.
Dix ans plus tard, l'école, qui propose plusieurs formations regroupées autour de quatre grands axes - développement web, data, infrastructure et cybersécurité, web design et product management - peut se targuer d’avoir ouvert une dizaine de campus en France et en Europe. Des lieux qui ont accueilli jusqu’à 1500 étudiants - majoritairement un public en reconversion, qui a déjà eu une vie professionnelle en amont - par an. Si la pandémie a quelque peu changé ses plans, Wild Code School a su prendre le train de la formation à distance pour continuer à former aux métiers d’aujourd’hui et de demain.
Conserver l’esprit communautaire à distance
Pendant sept ans, la startup a basé son développement sur son expansion géographique et l’ouverture de nouveaux campus en France et à l’étranger. La pandémie a été un coup dur, l’obligeant à fermer ses écoles, mais pas fatal. "Nous avons toujours été adepte d’une vie en communauté, pour favoriser les échanges et partager des histoires" , précise la co-fondatrice. Lorsque l’entreprise imagine lancer une formation à distance, le direct semble la meilleure option.
L’adoption d’une offre "live" , dans le cadre de laquelle les étudiants se connectent au même moment pour écouter un expert, séduit les utilisateurs. "Cela résout divers problèmes en matière de transport, de gestion des enfants… Et permet également de toucher des territoires inaccessibles auparavant" , signale l’entrepreneuse. Résultat : Wild Code School peut "offrir un catalogue de formations beaucoup plus diversifiées et pointues dans chaque village" , offrant ainsi la possibilité à ses élèves "d’apprendre à travailler à distance" et mieux s’insérer dans le monde du travail.
Car c’est bien là l’ambition de la société : aider ses étudiants à trouver le plus rapidement un emploi. L’école a d’ailleurs développé sa propre méthode d’analyse du taux d’insertion professionnelle de ses élèves. "On atteint les 82 %, mais on veut faire mieux, embraye directement Anna Stépanoff, qui souligne qu’un accompagnement est apporté aux étudiants qui le souhaitent. Nous les mettons, par exemple, en relation avec des entreprises et des partenaires."
La reconversion pour lutter contre la pénurie de talents
Dans un contexte de pénurie de talents, les sociétés acceptent de recruter des personnes en reconversion professionnelle, ce qui n’était pas le cas il y a encore quelques années. Les entreprises "reconnaissent et apprécient la maturité de ces profils. Ils ont acquis des compétences parfois complémentaires dans leur précédent métier, et possèdent des soft skills indispensables."
Ce constat est particulièrement vrai pour les postes de développeurs qui constituent encore "75 % des offres de recrutement" des partenaires de Wild Code School. Pour étoffer le panel de talents à disposition des entreprises, Anna Stépanoff prêche aussi pour plus d’inclusion dans la tech. "En tant que femme fondatrice, c’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur et nous réalisons beaucoup de communication sur celui-ci et faisons beaucoup de pédagogie." L’école compte un tiers d’étudiantes, mais peine à dépasser cette barre. La cause est profonde.
"On remarque qu’en sortant du lycée, les jeunes femmes se dirigent vers des carrières plutôt stéréotypées pour exercer des métiers qualifiés de féminins [comme la communication]. Puis une fois qu’elles ont terminé leur formation, elles voient les opportunités de la tech" , constate l’entrepreneuse. Ce qui explique que de nombreuses femmes optent finalement pour des métiers de développeur ou dans la data, dans le cadre d’une reconversion professionnelle. Mais cela ne suffit clairement pas. "Pour les plus jeunes filles, nous devons mettre des actions concrètes en place, à l’échelle nationale" dès l’école.
Penser les métiers de demain
Si le développement web reste la quête majeure des entreprises, les métiers autour de la data se développent depuis 3 à 4 ans, constate Anna Stépanoff. L’entreprise a récemment lancé une formation de data engineer et entend bien continuer à étoffer son catalogue dans le cadre des quatre verticales couvertes au cours des mois à venir.
Pour détecter les métiers qui auront le vent en poupe demain et donc les formations nécessaires pour les exercer, la fondatrice multiplie les sources d’information. "Nous réalisons une veille sur les évolutions technologiques, nous échangeons énormément avec nos entreprises partenaires sur leurs besoins, mais aussi avec les élèves pour voir ce qui est désirable à leurs yeux."
Ensuite, l’école croise ses données et analyse le potentiel du marché. "Il ne faut pas se jeter sur les nouvelles tendances technologiques. Une mode ne veut pas dire qu’il y aura suffisamment de métiers derrière dans l’immédiat, explique t-elle. Nous avons réalisé quelques formations dans la blockchain, mais nous restons prudents. Il ne faut pas s’emballer."
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MAJ 25 Novembre 2022 :
En réponse à la pénurie des talents du numérique, la Wild Code School prend part à la création du consortium Future Group. Aux côtés de SALT, Spiced Academy et Neue Fische, la Wild Code School ouvre la voie à une formation de pointe dans le domaine du numérique. Future Group veut contribuer à l’émergence de champions tech européens en ouvrant l’accès à la formation numérique sur le continent, avec 25 campus en Europe (France, Allemagne, Norvège, Portugal, Suède et Pays-Bas).