Entre les casques de réalité virtuelle et les présentations de métavers, on a aussi parlé paiements et assurances sur les stands du salon VivaTech du 15 au 18 juin 2022, où les grandes banques étaient présentes pour vanter les mérites de leurs jeunes pousses et surveiller la concurrence.
Une vingtaine de petits stands agglutinés représentent notamment le "Village Crédit agricole" , son réseau d'incubateurs en France, avec quatre de ses FinTech, des startups spécialisées dans les services financiers ou l'assurance. "Les membres du Crédit agricole font les vigies : quand ils voient passer un partenaire potentiel, ils nous mettent en relation" , se réjouit Charles-Henri Alloncle, co-fondateur du compte professionnel en ligne Blank.
À quelques mètres, BNP Paribas et La Banque postale présentent aussi leurs protégées, attirant le chaland à grand renfort de couleurs chatoyantes et de slogans en anglais. Les FinTech ont pris une place grandissante dans le secteur ces dernières années. En France, elles ont levé en 2021 près de 2,3 milliards d'euros, selon l'association France Fintech et représentent un tiers des licornes, ces startups en croissance valorisées à plus d'un milliard de dollars.
La plupart des banques ont donc développé des programmes pour se mettre à la page : incubateurs, solutions spécifiques de financement, programmes en interne de création de startups... Il s'agit notamment pour elles de repérer des technologies stratégiques, des sociétés qui pourraient connaître un succès lucratif ou empiéter sur leur terrain. Face à ces "pépites" , les banques ont plusieurs options. La première : les racheter. C'est notamment ce qu'ont fait la Société générale en 2020 avec la néobanque Shine ou le groupe BPCE l'année suivante avec Jackpot, spécialisée dans les bons d'achats et cartes cadeaux numériques.
La plupart des banques ont d'ailleurs lancé des fonds spécialisés dotés de plusieurs centaines de millions d'euros, juste pour acquérir des FinTech. Mais elles ne sont pas les seules à être intéressées, assure Maximilien Nayaradou, directeur général du pôle de compétitivité Finance Innovation : "Aujourd'hui, on voit que des FinTech sont devenues suffisamment grosses pour en racheter d'autres" , indique-t-il, en citant notamment le cas du spécialiste de l'assurance habitation Luko qui a racheté son concurrent allemand Coya, puis le Français Unkle.
"Perdre en flexibilité"
Avec la concurrence entre investisseurs, le prix des startups prometteuses monte plus facilement. Certaines banques doivent donc débourser des sommes colossales pour ces acquisitions, comme l'américaine Goldman Sachs, qui a payé 2,2 milliards de dollars pour le spécialiste des crédits à la consommation Greensky. Au-delà du coût, intégrer une FinTech à un grand groupe lui fait souvent "perdre en flexibilité" et donc en rapidité d'innovation, estime Eric Caen, responsable du numérique au Crédit agricole. D'où l'intérêt de développer d'autres stratégies.
"On a eu une première phase où on s'ignorait un peu entre les grandes banques et les FinTech, puis une deuxième où on s'est un peu trop aimées : il y a eu beaucoup d'acquisitions (...) et il y a eu des ratés, explique Renaud Dumora, directeur général adjoint de BNP Paribas. Maintenant, on est entrés dans une troisième phase : on a acquis une vraie maturité et on essaie de mieux travailler avec elles." Le Crédit Mutuel Arkéa a ainsi cédé en avril 2022 le site de cagnottes en ligne Leetchi et sa filiale MangoPay au fonds américain Advent pour ne garder qu'une participation minoritaire.
"Être minoritaire permet d'avoir des discussions intéressantes : on ne met pas de l'argent pour contrôler, mais pour bien comprendre" la technologie et le besoin du client, explique Eric Caen. Autre possibilité : nouer des partenariats commerciaux avec les startups. Une solution donnant-donnant, qui permet généralement à la FinTech de bénéficier de nouveaux clients au sein de la banque et à la banque de proposer de nouveaux services.
86 % des startups de la finance et de l'assurance françaises ont ainsi mis en place des partenariats avec d'autres entreprises, dont plus de la moitié (54 %) avec des banques, selon une étude de Finance Innovation et Truffle Capital menée sur une centaine de FinTech. Cela évite aussi une concurrence entre des petites structures et des gros groupes bancaires, qui ont parfois du mal à innover aussi vite.