Les PME et les TPE "sont prises en étau d’un point de vue financier, entre des gros clients qui vont les payer à 60 ou 90 jours et leurs principaux fournisseurs qu’elles doivent payer immédiatement" , pose comme constat de départ Jordane Giuly, fondateur de Defacto avec Morgan O'hana et Marc-Henri Gires. Cette réflexion est le fruit de centaines d’entretiens qu’il a réalisés auprès de CEO et de DAF avec Morgan O'hana, lorsqu’ils travaillaient tous les deux chez Spendesk. Pour éviter les découverts, ces sociétés tentent de négocier avec leurs banques ou leurs fournisseurs ou font appel à des sociétés d’affacturage. "Ces sociétés ont un accès très limité à des solutions de crédit à court terme, analyse le CEO. Avec Defacto, nous pouvons leur octroyer un crédit en moins d’une heure."
La rapidité comme argument commercial
Les banques traditionnelles récupèrent des données agrégées, parfois datées et surtout déclaratives apportées par les entreprises elles-même qui doivent ensuite être analysées par des experts financiers qui vont faire des projections sur la capacité de la société à rembourser. Un processus long et fastidieux qui ne répond pas aux besoins des entrepreneurs ayant besoin d'une réponse rapide.
Defacto n’est pas une société de crédit et n’octroie pas ses financements en direct, mais s’intègre dans des solutions de places de marché, FinTech ou SaaS. "Nous sommes une sorte d’API de crédit, résume Jordane Giuly. En étant intégré aux plateformes, notre solution a accès aux données non déclaratives et récentes des entreprises ainsi qu’à leur historique. Nous pouvons faire tourner nos modèles sur ces données et proposer des réponses instantanées." En une heure, l'entrepreneur est informé de l'octroi ou non d'un crédit.
La FinTech travaille, par exemple, avec Malt. "Quand un freelance accepte ce service, il donne accès à son historique de missions. En fonction de celui-ci, on peut décider de l'avance dont pourra bénéficier le freelance pour financer ses missions futures ." En cas d’avis favorable, l’entrepreneur peut bénéficier d’un prêt équivalent à 10 % de son chiffre d’affaires annuel, celui-ci étant compris entre plusieurs centaines de milliers d’euros et quelques millions d’euros, souligne le CEO. Qui ajoute : "Nous finançons principalement les besoins en fonds de roulement des sociétés, et nous avons un remboursement entre 30 et 60 jours plus tard." La solution internalise ainsi trois grandes complexités : le scoring et les décisions d’octroi ou non du prêt, les sujets réglementaires, ainsi que la sécurisation des liquidités.
L’Europe en ligne de mire
En moins d’un an, la société a déjà réussi à signer avec quinze clients parmi lesquels Malt, Pennylane ou encore la solution de gestion de trésorerie Agicap et a distribué plus de 30 millions d’euros de financement à court terme. Un travail de longue haleine, reconnaît le CEO.
Après avoir mis la solution en production, "on a commencé à travailler avec quelques places de marché et PME en direct pour mieux comprendre les besoins de financement et de comptabilité" , explique Jordane Giuly. Aujourd’hui, "le travail commercial est acharné, car une place de marché ou une FinTech doit faire un effort d’intégration de notre API. Nous devons convaincre un certain nombre de parties prenantes - CTO et en financer en général. Nous essayons de simplifier au maximum ce travail pour leur montrer ce que leur apporterait notre solution."
Ce challenge n'effraie pas le trio d’associés qui a déjà débuté l’internationalisation de sa solution avec, pour premières cibles, l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne et les Pays-Bas. "A moyen terme, notre ambition est de couvrir toute la zone euro, car elle souffre d’un énorme besoin de financement. Aujourd’hui, ces besoins sont principalement et mal adressés par l’affacturage" , constate le CEO de Defacto. Avant d’ajouter : "Le PIB de la zone euro est de 14 trilliards d’euros et l’affacturage correspond à 13 % du PIB. C’est le marché auquel on peut s’adresser. Nous pouvons même voir plus loin et aller toucher des sociétés qui ne peuvent pas bénéficier de l’affacturage." La zone Europe offre également un bon niveau d'homogénéisation des enjeux à relever (culture du paiement, enjeux réglementaires, devises, etc.) comparativement à l'Amérique du Nord, par exemple.
De nombreux chantiers en cours
Si la solution a trouvé ses premiers clients, elle a également tapé dans l’oeil de plusieurs investisseurs. La société signe sa deuxième levée de fonds en un an. D’un montant de 15 millions d’euros, l’opération est menée par Northzone, un fonds qui a notamment investi dans Klarna. Un choix mûrement réfléchi. "Ce fonds a déjà de l’expérience dans l’accompagnement de sociétés qui sont dans l’univers du crédit. Ils ont déjà vu comment une société qui fait du crédit peut évoluer. Ils connaissent déjà les difficultés de scoring, de gestion opérationnelle, qui en découlent, confie Jordane Giuly. Le partner qui nous suit, Kilian Pender, a déjà monté une entreprise, une place de marché B2B, poursuit l'entrepreneur. Il possède une vision éclairée de notre produit et des enjeux de distribution. Nous souhaitions avoir un partner avec qui discuter de sujet très opérationnel.” Challenge réussi ! Ce tour rassemble également Headline, Global Founders Capital, et des business angels historiques comme Thibaud Elzière, Rodolphe Ardant, Didier Valet ou encore Victoria Van Lennep.
Cette augmentation de capital servira essentiellement à accélérer sur "des sujets de construction, de renforcement de l’infrastructure et l'expansion à l’international" de la société. Si un renforcement des effectifs est prévu, Defacto entend rester raisonnable et préfère éviter des plans de recrutement de dizaines de salariés, mais mise plutôt sur une sélection rigoureuse de profils plutôt seniors. En parallèle de sa levée, Defacto a contracté une dette qui lui permettra de monter sa capacité de financement à 400 millions d’euros annualisé.