" J'ai toujours su au fond de moi que le seul travail qui pourrait vraiment me combler serait un travail que je me créerais. J'ai toujours eu un état d'esprit d'entrepreneur " confiait Alban Denoyel au moment de quitter son poste de bras droit administratif au magazine Polka. Diplômé de l'Essec et passionné par la sculpture, il travaillait l'argile et le moulage... Et a naturellement découvert la 3D qui allait forger son destin.
De fil en aiguille, de cafés en cafés dans son cercle d'amis proches, il rencontre Cédric Pinson, " un gars 3D " et Pierre-Antoine Passet (développeur web). Ensemble, ils démarrent l'aventure. En 2012, dans un écosystème naissant de la 3D, les débuts sont difficiles et les financements en deçà de leurs espérances, obligeant le trio à abandonner l'idée d'une plateforme grand public " pour se recentrer sur une vision plus professionnelle où l'on fait payer les outils et les contenus ".
Courtisé par Facebook, Microsoft et Adobe
La startup a beau ouvrir un bureau à New-York, elle " frôle l'idée terrible de manquer d'argent en 2017 ". Mais grâce au player 3D qu'ils ont conçu, la chance leur sourit. " On a aligné les partenariats avec Facebook, Microsoft et Adobe, avons été intégrés nativement dans Photoshop. Cela a entraîné beaucoup d'élan. J'ai pensé que je devrais essayer de capitaliser sur cela et de lever notre série A " retrace le co-fondateur de Sketchfab, né en 1984.
Puis la Réalité Virtuelle (VR) débarque, synonyme d'un essor potentiel pour Sketchfab. Là encore, avec des déconvenues car " une partie de la vision que j'ai présentée était qu'avec l'arrivée de la capture 3D sur nos smartphones, la création 3D était sur le point d'exploser - et avec l'arrivée de la VR sur le marché, la consommation 3D serait sur le point de se généraliser. Mais peu de temps après notre série A, il est devenu clair que la VR mettrait quelques années à se généraliser, tout comme la capture 3D, et que notre "grande vision Youtube" d'une plateforme grand public était plus probablement dans 10 ans que dans 12 mois ".
Monétisation...
Collecter beaucoup d'argent pour passer les 10 prochaines années sans revenus, ou monétiser les outils et le contenu ? La startup choisit la seconde option. " Nous passerions à une exécution "Vimeo" en attendant que le marché mûrisse et soit prêt pour un Youtube " se souvient Alban Denoyel. Qui hésite alors à lancer une série B avant de monétiser, " car si les premiers résultats de la monétisation étaient mauvais, nous serions bloqués sans pouvoir augmenter et sans aucune piste ". Rien ne se passe comme prévu pour la startup qui cherchait 15 à 20 millions. " Nous avons eu plus de 100 NON… C'était brutal ". Monétisation directe donc, sans passer par la série B. " Rétrospectivement, je pense que c'était en fait une bonne chose. Si nous avions pris de l'argent sur notre vision consommateur grand public, nous aurions encore retardé la monétisation " avoue Alban Denoyel.
… et B2B
Si Sketchfab a été lancé initialement pour aider les créateurs de contenus 3D à partager leur travail, la startup constate que les entreprises utilisent leur plateforme pour le e-commerce, le partage privé, les configurateurs… " Il était clair qu'il y avait un gros potentiel B2B ". Et un gros potentiel aussi à associer le contenu 3D de Sketchfab aux univers du gaming, du cinéma et de l'expérience VR. " Nous avions le potentiel d'être une plateforme encore plus centrale dans l'écosystème 3D : non seulement là où tout le monde publie du contenu 3D, mais aussi là où tout le monde le trouve "
Et Sketchfab s'envole avec le métaverse !
Après avoir lancé sa marketplace (la première et seule place de marché 3D où l'on peut voir le contenu en VR et en RA avant de l'acheter) et son API de téléchargement, Sketchfab voit l'arrivée du métaverse et de la généralisation 3D sur les smartphones comme une véritable aubaine. " Avec la promesse du métaverse, la demande de contenu 3D est en plein essor car le métaverse ne peut pas exister sans contenu 3D. Tous les géants de la tech investissent des milliards pour construire le métaverse et Sketchfab est leader mondial de contenus avec plus de 4 millions de références ". Nul hasard à ce qu'il soit partenaire de produits comme Omniverse proposé par Nvidia Mozilla ou encore Substance d'Adobe.
D'autre part, la création de contenus se généralise chez les particuliers : une opportunité pour le leader du partage 3D qui compte déjà 8 millions d'utilisateurs et héberge autant d'industriels, que des musées, des artistes, des marques et maintenant, des particuliers dont il mise sur l'essor. " Cette croissance rapide de la création et de la consommation 3D rend plus important que jamais d'avoir un emplacement central pour héberger, gérer, publier et partager du contenu 3D " martèle Alban Denoyel qui veut conforter sa place de leader mondial.
Epic Games
Et il a des raisons d'espérer ! L'été dernier, la startup a été rachetée par Epic Games : un rachat stratégique " win-win " qui ouvre bien des perspectives pour Sketchfab. " Dans ce marché en pleine accélération, on veut s'assurer de rester leader et le rachat par Epic Games nous donne plus de moyens pour garder notre leadership. On veut s'assurer que ceux qui créent du contenu 3D vont l'héberger chez nous, et que ceux qui en ont besoin vont se fournir chez nous. On va faire encore mieux à plus grande échelle " veut croire Alban Denoyel qui grâce à Epic Games peut offrir plus de contenus gratuits et attirer ainsi plus de consommateurs. Et profiter des ressources du géant du gaming qui vient de lever 2 milliards de dollars.