PDG de Mistertemp, une agence d’intérim digital, Alexandre Pham, n’a pas hésité longtemps, de son propre aveu, avant d’embarquer ses 800 collaborateurs et collaboratrices dans une transition managériale se basant sur la fameuse méthode OKR. Il revient pour Maddyness sur le processus et les ambitions de cette nouvelle démarche.
Qu’est-ce que la méthode OKR, en quoi consiste-t-elle ?
Alexandre Pham : La méthode OKR, pour Objectives and Key Results, est une méthode de management par objectifs, amorcée chez Intel dans les années 70 et largement démocratisée notamment par Google, puis bien d’autres par la suite. Son implémentation commence par la définition d’un ou plusieurs objectifs communs à l’ensemble de l’entreprise, qui sont ensuite déclinés en deux dimensions. Une dimension chronologique, tous les objectifs ne relevant pas de la même variable temporelle, et une dimension hiérarchique, pour que chaque collaborateur y trouve une résonance dans ses propres missions. Elle permet ainsi d’aligner l’ensemble des équipes autour d’objectifs communs et de fonctionner en toute transparence sur leur atteinte par l’adossement, à chaque objectif, d’éléments mesurables. C’est une méthode particulièrement en vogue dans les entreprises à forte croissance.
Quels sont les principaux critères à prendre en compte dans la définition de ces fameux objectifs ?
AP : Le premier critère est le volume. Il faut résister à la tentation de démultiplier les objectifs pour se concentrer sur les principaux, ceux qui ont du sens, et s’y limiter. Le trop est l’ennemi du bien. De la même façon, une méthodologie OKR s’intègre toujours à une structure en place, à un contexte. Elle doit en être un complément. Définir des objectifs qui sont déjà des KPI, par exemple, est contre-productif. Les outils de pilotage existants, comme les KPI, peuvent parfaitement s’intégrer à des objectifs définis dans le cadre de la méthode OKR sans pour autant que ceux-ci en soient des duplicatas. Il est essentiel d’être très rigoureux dans la définition des objectifs, car ce sont eux qui induiront le succès de l’implémentation de la méthode.
Ensuite, il ne faut pas confondre objectifs et performance. Je suis par exemple convaincu qu’il faut décorréler les objectifs de la méthode OKR des variables déterminant les rémunérations. Cela permet à la méthode d’être mieux acceptée sans devenir une énième course au chiffre, d’une part, et de compléter plutôt que de remplacer les outils existants au préalable, de l’autre. Un objectif doit reposer sur un savant, mais complexe, équilibre entre ambition et réalisme. Ce n’est pas très courant en France, mais le remplissage d’un objectif à 100% n’est pas un bon résultat. Cela indique au contraire que l’objectif a certainement été mal défini. Enfin, comme dans tout processus de transition, il est nécessaire de se laisser le temps, le droit à l’erreur et apprendre en marchant.
Le management est avant tout une question d’humain. Quel impact l’implémentation de la méthode OKR peut-il avoir sur les équipes ?
AP : On le voit depuis quelques années, les collaborateurs sont en recherche de sens. La méthode OKR permet de mieux l’identifier. La transparence en est une donnée clé, puisque l’ensemble des équipes a accès aux objectifs et aux ramifications qui les concernent. L’alignement de l’ensemble des ressources est plus facile quand chacun connaît l’objectif final poursuivi. L’impact de cette méthode, si elle est mise en place avec rigueur, précision et patience, est donc très positif pour les équipes, qui gagnent avant tout un système plus clair de repères sur leur mission individuelle et son articulation avec celle plus globale de leur entreprise.
Dans les entreprises à forte croissance, le passage à l’échelle peut parfois perdre des collaborateurs en chemin. Certains peuvent occasionnellement avoir du mal à se repérer dans la nouvelle dimension de l’entreprise, dans des contextes d’adaptation permanente. Recentrer l’ensemble du projet autour d’objectifs clairs permet de dissiper ces malaises et de donner un chemin à chacun. L’adhésion des équipes est d’ailleurs indispensable à la réussite de la manœuvre. C’est avant tout une méthode au service des collaborateurs, pas l’inverse. Chez Mistertemp, nous avons toujours utilisé la méthode pour ses vertus, jamais pour sanctionner ou pour analyser la performance des équipes. Nous en sommes encore au début de cette implémentation, donc il est capital de rester humbles face à nos propres balbutiements, pour les corriger peu à peu, dans le respect et la confiance de tous.
Justement, comment s’est décidé le fait d’avoir recours à la méthode OKR chez Mistertemp ?
AP : Beaucoup des raisons que j’ai évoquées jusque-là correspondent à la réalité de Mistertemp. Nous sommes une entreprise à forte croissance, avec des équipes nombreuses, en perpétuelle augmentation, et aux profils très variés, de même que le sont les responsabilités et domaines de compétences des équipes. Nous faisions alors le constat d’un risque, ou tout du moins d’un inconfort. Un de nos collaborateurs a présenté en comité exécutif cette théorie, à laquelle nous avons tous adhéré, et nous l’avons mise en place petit à petit à la rentrée scolaire 2021. Nous avons beaucoup puisé chez les entrepreneurs qui avaient déjà mis en place cette méthode, notamment au travers du collectif d’entreprises tech Galion Project. Nous nous sommes inspirés de leurs expériences, avons écouté ce qu’ils avaient à nous dire et avons peu à peu façonné notre propre chemin.
Et concrètement, à quoi a abouti chez vous la mise en place de ces OKR ?
AP : Chez nous, cette méthode a abouti à la définition de quatre objectifs clés, répartis sur les thématiques de la croissance, la rentabilité, l’innovation et la culture interne. En termes de croissance, nous nous donnons pour objectif de donner quotidiennement un travail à 12 000 personnes. Au niveau de la rentabilité, il s’agit de garantir la pérennité du groupe en renforçant la rentabilité de chacun de nos business modèles. Sur l’innovation, nous souhaitons offrir le service de travail temporaire le plus fiable du marché pour nos clients et candidats. Et enfin sur l’aspect culture interne, l’objectif est d’aller toujours plus loin pour développer des équipes engagées et performantes. L’approche est fondamentalement transversale et repose sur des leviers qui eux-mêmes correspondent à plusieurs objectifs. D’ailleurs, si en lisant ces lignes, un entrepreneur ou une entrepreneuse souhaite aborder le sujet ou partager son expérience avec nous, nous en serons ravis. Sans faire de prosélytisme, mais en étant convaincu des bienfaits que cette méthode peut avoir.
Maddyness, partenaire média de Mistertemp.