" Préparez-vous à réussir ", " success story d'une entreprise innovante " : au salon Go Entrepreneurs de La Défense, les intitulés de conférence peignent une image idéale du métier d'entrepreneur, loin parfois du parcours difficile des créateurs de sociétés.
A l'ouverture du salon, une bande-annonce sur écran géant donne le ton : volume de la musique à fond, des images d'entrepreneurs et de sportifs défilent, entrecoupées de mots censés décrire le métier. " Passion ", " Détermination ", " Risque ", " Force "… Lorsque s'affiche le mot " Liberté ", l'avocate Sophie Boncour-Allain réagit : " Oui bon, une société c'est un contrat, donc on est quand même enchaîné ! ". Spécialisée dans le droit des sociétés, elle est sur le stand du Conseil national des barreaux pour donner des conseils gratuits. Car si le nombre de créations d'entreprises augmente, atteignant même un record en 2021 malgré la crise sanitaire, le parcours des entrepreneurs reste semé d’embûches.
" Convaincre le banquier "
Une fois l'idée d'entreprise trouvée, il faut d'abord vérifier qu’elle répond à un besoin, trouver une forme juridique à sa société et réussir à se financer. " Convaincre le banquier, c'est là où vous êtes mauvais ", sourit lors d’une conférence Stéphanie Pizzutti, experte-comptable chez Fiducial, devant son public d'entrepreneurs attentifs.
Cela demande d'être capable de mettre en avant son parcours et de montrer des rapports détaillés sur les attentes de la future entreprise en terme de chiffre d'affaires et de trésorerie... Et s'il est possible de se faire aider par un expert-comptable sur ces derniers points, l'entrepreneur doit toujours maîtriser les chiffres pour ne pas donner l'impression de " faire 100% confiance à un tiers ", souligne-t-elle.
Des inégalités de financement
Tous les entrepreneurs ne partent pas sur un pied d'égalité en matière de financement : ceux qui ont déjà des économies importantes, de la " love money " - les financements venus de la famille ou des proches - ou un réseau de connaissances pouvant les aider, partent avec un avantage.
Des discriminations peuvent aussi apparaître à ce moment-là pour les personnes en situation de handicap, les plus de 50 ans ou les femmes par exemple. Dans les startups, 88% du montant total des levées de fonds en 2021 ont ainsi été captés par des équipes 100% masculines, selon un baromètre du collectif Sista et du Boston Consulting Group.
Son entreprise financée et le carnet de commande rempli, il faut aussi réussir à se dégager un salaire, une fois les aides comme celles de Pôle Emploi arrivées à leur terme. En 2019, les micro-entrepreneurs retiraient en moyenne 590 euros de leur activité, selon l'Insee. Edwige Pelletier, qui gère sa propre affaire de conseil depuis 11 ans, raconte ainsi à l'AFP avoir dû il y a quelques années reprendre temporairement un emploi salarié. " Les moments de coups durs, ça arrive. Un job salarié, ça m'a permis de refaire ma trésorerie ", dit-elle.
Droit à l’échec
Et puis il y a aussi des obligations pour l'entrepreneur, comme le fait de payer ses charges, au risque de se voir imposer des pénalités s'ils ne le fait pas. De là, il peut se retrouver en difficulté financière: " C'est ce qui arrive notamment quand l'entrepreneur privilégie le paiement de ses fournisseurs pour continuer à créer, mais délaisse le paiement de l’Urssaf ", indique l'avocate Sophie Boncour-Allain.
Les entrepreneurs s'étant portés caution personnelle peuvent devoir rendre des comptes aux huissiers. Face à ces difficultés, des associations revendiquent le droit à l'échec et aident les entrepreneurs à reconstruire ensuite une activité. " La quasi-totalité de ceux qui ont réussi se sont déjà plantés et ils ont rebondi ", soutient Julien Mouchet, directeur général des Rebondisseurs Français. " C'est un métier, l’entrepreneuriat ", ajoute Dimitri Pivot, fondateur de l'association Second Souffle. " Si on veut maximiser ses chances, il faut se faire accompagner ".