Chaque personne dans l'Union européenne achète, en moyenne, 26 kg de vêtements et linge de maison par an, dont 73 % sont importés, et en jette quelque 11 kg, soit 5,8 millions de tonnes à l'échelle des 27 États-membres. Dans le monde, la production textile a doublé entre 2000 et 2015. Moins de 1 % de cette dernière est recyclée, et jusqu'à 35 % des microplastiques relâchés dans l'environnement viennent de vêtements en polyester ou acrylique.
"Les vêtements doivent survivre à trois lavages ! (...) D'ici à 2030, tous les textiles devront être durables, recyclables" , avoir une teneur minimale de fibres recyclées, "être sans substances dangereuses" , a expliqué le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans, fustigeant la "mode éphémère" à prix cassés de médiocre qualité. Pour lutter contre ce fléau, Bruxelles envisage déjà plusieurs mesures.
Une carte d'identité pour chaque vêtement
La feuille de route de l'exécutif européen, qui devra être négociée par les eurodéputés et États-membres, propose d'interdire la destruction des articles invendus et de limiter le rejet des microplastiques contenus dans les textiles en durcissant les normes de fabrication et de prélavage industriel. Une décision qui fait écho à la législation française qui interdit, depuis le 1er janvier 2022, la destruction des invendus non alimentaires dont la mode et les vêtements font partie.
La Commission souhaite également introduire pour les vêtements, comme pour une vaste gamme de produits de consommation, un "passeport numérique" sous forme de QR code, qui apportera des informations sur la traçabilité et les matériaux aux consommateurs, réparateurs et recycleurs. Comme le label d'énergie qui signale dans l'UE la consommation d'énergie des appareils électroménagers, un nouveau label utilisant les lettres de A à G permettrait de savoir à quel point un produit peut être réutilisé, réparé, ou s'il est composé de matières recyclées. Un modèle qui n'est pas sans rappeler l'indice de réparabilité, mis en place par le gouvernement français depuis le 1er janvier 2021 et qui doit encore faire ses preuves.
Si l'Union européenne s'intéresse au sujet, c'est également le cas du secteur du textile. De nombreuses marques réalisent déjà des collections à partir de matières recyclés, choisissent le lin pour éviter le transfert de ces microplastiques dans les océans ou misent sur la pré-commande pour limiter les invendus.
Les smartphones également ciblés
Le reconditionnement et la réparation des biens de consommation pourraient également se développer : Bruxelles veut rendre "la quasi-totalité des biens physiques sur le marché européen plus écologiques et sobres en énergie" , dans leur fabrication, utilisation, recyclage et déchets. La Commission entend en outre durcir ses exigences en matière de conception de produits, qui détermine jusqu'à 80 % de leur impact environnemental, en imposant l'usage de matériaux plus durables, résistants, voire recyclés, et en rendant leur entretien et leur réparation plus faciles, notamment avec un remplacement aisé des batteries de smartphone, a indiqué Frans Timmermans.
"Frustrés par la rapidité à laquelle leurs appareils (électroniques) se cassent, deviennent obsolètes, ne peuvent être mis à jour ou réparés" , les consommateurs pourront "d'ici à 2025" réparer facilement leurs smartphones, dont les composants seront recyclés, souligne l'eurodéputé Pascal Canfin (Renew, libéraux) - que Maddyness a récemment interrogé. Une avancée plutôt vertueuse, qui renvoie au modèle développé par Fairphone : un smartphone évolutif dont les composants peuvent être facilement changés.
Reste à savoir si les consommateurs résisteront au marketing et à la tentation d'acheter les nouveaux modèles d'iPhone ou Samsung, qui sortent chaque année. Rendre obligatoire le recyclage des composants pourrait également être un atout pour les reconditionneurs qui doivent redoubler d'effort pour assurer leur bon approvisionnement, face à une concurrence grandissante.
Quid de la surconsommation ?
Pour les matériaux de construction, Bruxelles veut renforcer les règles en vigueur depuis 2011, en harmonisant les standards de performance environnementale et climatique, notamment pour les rendre "faciles à remanufacturer" pour qu'ils circulent plus facilement. Les matériaux de construction représentent 30 % des déchets dans l'UE, et la production de ciment, d'acier, d'aluminium et de plastiques 15 % de ses émissions carbone.
Si la fédération européenne d'associations de consommateurs BEUC et plusieurs ONG environnementales saluent les propositions, "beaucoup de détails cruciaux seront décidés seulement" lorsque les textes législatifs seront révisés en 2022-2023, tempère Joan Marc Simon, de Zero Waste, regrettant que Bruxelles ignore "l'autre face du problème, la consommation" excessive.