C’est désormais incontestable : la pandémie de coronavirus a dopé l'e-commerce comme jamais auparavant. C’est vrai en France, où il a grimpé de 27% du commerce total en 2020 à 32% en 2021, mais cela l’est encore plus au Royaume-Uni (30% à 40%) ou en Espagne (44% à 52%). Aux États-Unis, où les consommateurs ont dépensé 1,7 billion de dollars en ligne pendant la crise, l'e-commerce a même bondi de 55%, d’après une étude menée par Adobe.
Cette explosion du e-commerce s’est accompagnée de " changements inédits dans nos habitudes de consommation ", analyse Michael Diguet, PDG d’Algoan, une startup française spécialisée dans le credit scoring qui accompagne les organismes de crédit et institutions financières. Parmi ces modes de consommation émergents, on retrouve le Buy Now Pay Later (BNPL), une pratique de paiement fractionné ou différé proposée par le suédois Klarna, l’australien Afterpay (avec Clearpay), l’italien Scalapay ou encore les français Alma et Pledg.
Ce type de crédit nouvelle génération de moins de 90 jours, indolore car gratuit pour les consommateurs, connaît actuellement une forte croissance dans de nombreux pays. " Il est notamment très apprécié des jeunes, qui n'ont pas une bonne image du crédit traditionnel ", note Michael Diguet. Lorsqu’ils utilisent le BNPL, ces derniers ont l’impression qu’il s’agit d’un acte de paiement. À titre d’exemple, plus d’un Français sur deux a déjà utilisé le paiement fractionné ou différé, d’après Algoan.
40% de refus de paiement après le BNPL
Bien qu’ils paient une commission, les marchands, eux aussi, s’y retrouvent : " Le BNPL augmente le panier moyen de 60% et le chiffre d’affaires d’environ 20% ", cite Michael Diguet. D’autant plus que, si cette pratique se démocratise de plus en plus, elle représente toujours moins de 3% du commerce mondial selon Fidelity National Information Services (FIS). Les perspectives de croissance sont donc énormes. De quoi attiser l’intérêt des investisseurs pour au moins quelques années encore.
Pour autant, " il ne faut pas oublier que le BNPL est une forme de crédit, rappelle Michael Diguet. Et le crédit comporte des risques. " Ces derniers sont majoritairement de deux ordres : la fraude et le défaut de paiement – ou plutôt de remboursement, puisque c’est un crédit. On retrouve ces deux grands risques dans le crédit à la consommation classique, bien sûr, mais la gratuité, la fluidité et la rapidité d’exécution du BNPL, qui rendent la pratique si attrayante, encouragent encore davantage certains consommateurs à accumuler les dettes (loan stacking).
Combinée aux frais élevés de certains spécialistes du BNPL en cas de défaut de remboursement (par exemple jusqu’à 15% du montant restant dû), cette accumulation de dette peut parfois mener au surendettement. À grande échelle, ce risque peut également mettre en péril la fintech elle-même, qui se porte garante auprès du marchand en cas de défaut.
Exit les méthodes de credit scoring " trop naïves "
" C’est pourquoi, partout dans le monde, les régulateurs travaillent sur la réglementation du BNPL ", poursuit Michael Diguet. " Cette tendance vient du Royaume-Uni, où il y a eu un accroissement du surendettement au moment des fêtes de fin d'année. La problématique est ensuite remontée jusqu’aux politiques. "
Si elle s’inspire de la réglementation pratiquée à travers le monde sur le crédit à la consommation, cette régulation du BNPL pourrait contraindre les startups à plus de transparence – " les obliger à afficher qu’il s’agit d’un crédit et non d’un paiement, par exemple ", imagine le PDG d’Algoan – et introduire des plafonds pour les frais d’impayés. Surtout, " il y aura certainement un volet sur l'analyse de la solvabilité, ajoute-t-il, c’est-à-dire qu’il serait obligatoire de vérifier que la personne est bien en capacité de rembourser son crédit ".
Pour ce faire, il faudra appliquer les meilleures méthodes de " credit scoring " possibles. Malheureusement, dans le cas des paiements fractionnés de court terme (entre deux et quatre fois), les acteurs du BNPL appliquent aujourd’hui des méthodes de credit scoring peu sophistiquées, " ou trop naïves, qui ne s’appuient que sur des éléments de base, comme le type de carte bancaire utilisée, et quelques signaux faibles (navigation et e-réputation de l’individu...) ", détaille Michael Diguet. Principalement destinées à enrayer la fraude, ces techniques " ne pourront pas éviter le surendettement ", regrette-t-il. De reste, elles seront " certainement insuffisantes pour les régulations futures ", estime également le PDG d’Algoan.
L’Open Banking, solution idéale pour prévenir le surendettement
Dans la plupart des pays dans le monde – mais pas en France –, les acteurs du BNPL peuvent aussi s’appuyer sur le credit scoring des bureaux de crédit, des institutions financières qui récoltent des données bancaires des utilisateurs à chaque fois qu'ils effectuent une transaction ou une demande de crédit, sans que ces derniers aient le choix.
Algoan, de son côté, propose une solution de credit scoring plus puissante et plus éthique que celle des bureaux de crédit, puisqu’elle s’appuie sur les données de l’Open Banking. Cette pratique d’ouverture des données bancaires, complètement transparente et respectueuse des données personnelles, est aujourd’hui préconisée par l’Union européenne.
Pour le PDG de la startup, c’est certain : l’Open Banking va devenir une obligation partout en Europe, et ailleurs dans le monde. " Pour éviter de crouler sous le surendettement des utilisateurs, nous, acteurs de la fintech, nous nous devons d’évaluer la solvabilité des gens pour leur permettre d’accéder à un crédit, insiste-t-il. Or, contrairement aux autres formes de crédit, le BNPL apporte une contrainte de temps réel. La seule manière de faire une analyse de solvabilité en temps réel, c'est via l'Open Banking. Il faut que les startups du BNPL offrent, au moins en option, cette possibilité à leurs clients. " Un credo qui devrait plaire au régulateur européen.
Maddyness, partenaire média d’Algoan