L’actu
Neobrain embraye. Deux ans après son amorçage de 3 millions d’euros, la startup boucle une levée de fonds de 20 millions d’euros auprès d’Alter Equity, Crédit Mutuel Innovation, XAnge et Breega. Elle revendique, au passage, "la plus importante série A jamais réalisée par une HRtech française" . Paul Courtaud, son fondateur, explique à Maddyness qu’une telle opération a été permise par la bonne trajectoire adoptée par sa société : "80 clients grands comptes ont exploité notre plateforme afin d’anticiper les évolutions des métiers et valoriser les compétences et motivations de leurs collaborateurs. 300 000 salariés en ont ainsi profité." Ces deux dernières années, Neobrain est aussi montée en puissance en passant d’une quinzaine à une centaine d’employés. Autant d’indicateurs qui ont séduit les investisseurs de la startup, dont le chiffre d’affaires gravite "entre 4 et 5 millions d’euros" .
Le contexte
Paul Courtaud n’en est pas à sa première aventure entrepreneuriale. Il a fondé en 2013 la startup Futurness, depuis rachetée par le groupe média L’Étudiant, pour aider les jeunes à trouver leur voie sur la base d’une pédagogie inspirée de Montessori. Une expérience au cours de laquelle il nourrit le projet Neobrain, qui se concrétise fin 2017 avec pour but de mettre la technologie au service des requalifications et de la mobilité interne au sein des entreprises. "Je me suis rendu compte que certaines emploient les mêmes intitulés pour désigner des postes qui mobilisent pourtant des compétences différentes" , raconte ainsi le dirigeant. Un constat à partir duquel il entend proposer une solution à même d’identifier les capacités et appétences des collaborateurs d’une société, dans le but de faciliter leur redéploiement à des postes en phase avec les besoins de cette dernière. "Alors que des entreprises éprouvent des difficultés à recruter, il s’agit de faire se rencontrer l’offre et la demande. Cela permet aussi d’offrir aux salariés un parcours de carrière sans rupture."
La techno
Neobrain connecte sa plateforme aux outils RH de ses clients, ce qui lui permet d’obtenir des informations comme les fiches de poste ou expériences professionnelles des salariés. "Les gens oublient quasi systématiquement de citer leurs compétences les plus évidentes, celles dont ils font usage au quotidien. Notre solution permet de traduire leur parcours en compétences" , indique Paul Courtaud, notant qu’en accédant à la plateforme "le salarié peut déposer son CV ou bien lier son profil LinkedIn" . Ces éléments sont recoupés avec les retours de ses responsables pour dégager des "aspects sous-jacents" . "L’intelligence artificielle permet alors d’isoler dix compétences clé, mais aussi d’évaluer la maîtrise et la motivation" , précise le dirigeant. De quoi suggérer des métiers adaptés en fonction des compétences et appétences de chacun. Des formations sont proposées aux salariés qui en auraient besoin, en amont de la prise de poste. Neobrain a signé des partenariats en ce sens avec la startup 360Learning, mais également Talentsoft ou SAP SuccessFactors.
Le constructeur automobile Renault a, par exemple, eu recours à la solution de la HRtech au moment où il souhaitait réduire de moitié la taille de ses équipes informatiques. "Nous avons créé, à l’aide de notre plateforme, des passerelles entre plusieurs directions. Des informaticiens sont ainsi devenus acheteurs IT et ingénieurs" , se réjouit Paul Courtaud, qui souligne que "60 % des besoins ont finalement été satisfaits par la mobilité interne" . Neobrain mesure ainsi les résultats chez chacun de ses clients, afin de trouver l’équilibre entre leurs diverses demandes et attentes dans le cadre du développement du produit. La jeune pousse assure que celui-ci permet de "réduire le turn-over de l’ordre de 20 à 25 %" .
Ce à quoi va servir cette série A
Neobrain ne manque pas de projets. L’entreprise entend consacrer "40 % du montant de la levée à l’enrichissement de sa technologie" via la R&D. Une stratégie qu’elle applique depuis sa fondation : "L’immense majorité de nos salariés ont des profils techniques. Nous avons une équipe marketing de taille réduite." Alors que la HRtech ambitionne de doubler ses effectifs d’ici à la fin 2022, les fonctions techniques seront encore renforcées puisque près de la moitié des 100 recrutements annoncés devraient leur revenir. Neobrain tentera notamment de "réduire le temps nécessaire à l’apprentissage" avant la prise effective d’un nouveau poste par un salarié, à l’aide du concept encore émergeant d’apprentissage actif.
Simuler divers scénarios devrait également devenir possible. "Promod serait, par exemple, intéressé de formuler des hypothèses de redéploiement de ses salariés à horizon deux ou trois ans en fonction de l’ampleur de l’essor de l’e-commerce" , illustre Paul Courtaud. Afin d’inciter les salariés à travailler leur transversalité, Neobrain planchera sur une tendance de fond ayant déjà fait ses preuves aux États-Unis : les "gigs" . "Cela consiste à confier aux salariés 20 % de leur temps de travail pour mener des missions ne figurant pas dans leur fiche de poste" , expose le dirigeant. De quoi s’essayer à d’autres métiers ou favoriser le transfert de connaissances des profils senior vers les jeunes. Si aucun cadre légal n’a été défini en France à cette heure, Paul Courtaud se dit "convaincu" de l’intérêt de la pratique.
Ces piliers stratégiques devront ainsi permettre à la solution de Neobrain de s’imposer aux services RH "comme la direction assistée pour les pilotes d’avion" avant elle. En matière commerciale, peu de choses sont annoncées mis à part "6 à 10 recrutements" . Il y a une raison à cela : "On veut que nos réussites diffusent, au niveau des salariés comme des DRH" , indique l’entrepreneur, confiant "miser davantage sur le bouche-à-oreille que la prospection" . C’est également dans cette visée que Paul Courtaud a pris la présidence du Cercle Humania, un think tank qui organise des débats auxquels participent des centaines de DRH. De quoi "maintenir une proximité avec eux et rester à l’écoute des enjeux" , juge celui qui prend les paris quant au fait que l’avenir des RH "s’appuiera sur un portefeuille de compétences plutôt qu’une fonction figée" , comme cela a été le cas pendant longtemps.