Depuis le début de la crise ukrainienne, les acteurs de la tech française se mobilisent pour apporter leur soutien aux populations réfugiées. La startup Each One n’a pas attendu cette guerre pour développer son initiative en faveur de l’accompagnement vers l’emploi pour les personnes réfugiées. Lancée en 2015, en plein conflit syrien, la startup créé des passerelles entre réfugiés et grandes entreprises. Pour ce faire, elle forme les premiers afin qu’ils puissent être ensuite employés par les secondes, dans une double logique d’inclusion et de performance économique. La jeune pousse vient d’annoncer une levée de fonds de 5 millions d’euros auprès de Ring Capital, Inco Ventures, 50 Partners et de business angels connus, comme Tatiana Jama (Sista), Pierre Dubuc (OpenClassrooms), Thierry Petit (Showroomprivé) et Alexandre Pachulski (Talentsoft).
" Mes grands parents italiens sont devenus réfugiés pendant la Seconde Guerre mondiale, et ils m’ont toujours dit qu’ils étaient passés à côté de leur potentiel, se souvient Théo Scubla, co-fondateur d’Each One. Souvent, on prend ce sujet soit par l’angle de la défiance, soit par celui de l’assistanat, pour ‘aider ces pauvres gens’, mais on oublie qu’une troisième voie est possible : les personnes réfugiées représentent un potentiel énorme et insoupçonné en matière d’emploi ". L’idée de l’entrepreneur est donc de permettre aux réfugiés de trouver un travail à la hauteur de leurs compétences tout en donnant aux entreprises l’occasion de recruter de nouveaux talents et de mettre en place une vraie politique d’inclusion dans leur entreprise.
Des formations à plus de 50 métiers
Depuis 2015, l’entreprise d’une cinquantaine de salariés affirme avoir déjà accompagné 2 000 personnes dans un chemin durable vers l’emploi. Une vingtaine de grands groupes, à l’image de L’Oréal, LVMH ou Leclerc, utilisent déjà le service d’Each One. Concrètement, la startup a développé un process, " holistique et scalable " précise son fondateur, pour former gratuitement des personnes réfugiées à plus de 50 métiers dans des secteurs divers, comme la banque, l’assurance, le luxe, la grande distribution, la logistique, le médico-social ou encore les métiers de bouche. " On forme aussi bien à des métiers qualifiés, comme la gestion du risque en banque chez BNP par exemple, qu’à des emplois moins qualifiés, comme manutentionnaire chez IKEA ", ajoute Théo Scubla. Ce dernier ajoute que le process étant installé et réalisé en partenariat avec des acteurs divers pour chaque métier, la liste de professions enseignées sera progressivement allongée.
Parallèlement, Each One accompagne ses clients, les grands groupes, pour gérer le projet, du recrutement à l’inclusion des nouveaux salariés, en passant par leur montée en compétence, de bout en bout. " La plupart des sociétés témoignent d’une envie d’agir pour l’inclusion, mais se demandent comment le faire, explique l’entrepreneur. Notre solution leur permet de faire passer l’inclusion d’un sujet marginal à un impératif au coeur du business model de l’entreprise, puisque le recrutement constitue un véritable levier de performance ". Théo Scubla en est sûr, un tel acte de la part des entreprises permet aussi de doper l’engagement des salariés déjà présents, dont la demande est aujourd’hui à la quête de sens.
" Avoir un impact systémique "
Aujourd’hui la startup lève des fonds pour accélérer son activité. " Nous voulons nous assurer d’avoir un impact systémique, et cherchons donc à atteindre une taille critique pour se mettre à l’échelle de toute l’économie du pays ", ambitionne Théo Scubla. Pour ce faire, les cinq millions récoltés seront utilisés pour renforcer et industraliser la solution technologique d’Each One mais aussi préparer son internationalisation, " puisque cette question n’est pas seulement française, mais européenne, voire globale ", insiste l'entrepreneur. Pour soutenir ces ambitions, la jeune entreprise compte recruter une quarantaine de collaborateurs supplémentaires.
" Si le sujet existait bien avant, la crise ukrainienne le remet au premier plan, et contribue à faire comprendre que l’inclusion des réfugiés restera un défi majeur et structurant dans les prochaines années, à plus forte raison encore avec les réfugiés climatiques qui arriveront demain, conclut Théo Scubla. Le bel élan actuel de soutien dans l’urgence humanitaire est primordial, mais il faut aussi anticiper avec des solutions durables d’inclusion pour tenir compte de cette nouvelle donne ". La startup compte accompagner 10 000 personnes réfugiées par an vers un emploi durable d’ici 2025, et 100 000 en tout d’ici 2030.