"Il y a quelques années, je pensais partir aux États-Unis pour réaliser mon projet. Maintenant je pense que la France est l’un des meilleurs pays pour se lancer" . Lauréat du programme French Tech Tremplin, Titouan Parand, 27 ans, a transformé sa passion du sport en innovation technologique. Il y a deux ans, il a créé X-tract, une solution numérique simplifiant la vie des organisateurs d'événements sportifs. Avec French Tech Tremplin, il a pu passer de l’idéation à la création d’entreprise, pour aller draguer le marché français.
Consciente du manque de diversité en son sein, La Mission French Tech, l'administration en charge de soutenir le développement de l'écosystème des startups françaises a lancé, en 2019, un programme baptisé French Tech Tremplin, "visant à augmenter les chances de populations jusqu'ici sous-représentées dans le milieu entrepreneurial, explique Charlotte Jestin, directrice générale de la French Tech Grand Paris. Pour cela, notre objectif est notamment de pallier un manque d’information, de capital et de formation pour tous ces talents qui ont des parcours différents".
Et Clara Chappaz, directrice de la Mission French Tech, d'ajouter : ‘'French Tech Tremplin est essentiel au développement de notre écosystème. Accélérer la mixité et la diversité, permettre à des profils moins représentés de déployer leur projet, d’être accompagnés, leur donner accès au réseau French Tech est un axe fort de notre feuille de route." Preuve que les choses bougent, la promotion 2022 de French Tech Tremplin compte, à l’échelle nationale, 34% de femmes, alors que, selon l'association Femmes@Numériques, en 2020, les femmes représentaient toujours moins d'un quart des effectifs dans les métiers du numérique (23%).
Financé par le Programme d’investissements d’avenir (PIA), piloté par l’État, à hauteur de dix millions d’euros sur trois ans, le programme se déroule en deux étapes : la " Prépa ", à destination des projets émergents, pour tous les étudiants ou anciens étudiants boursiers sur critères sociaux, les réfugiés reconnus par l’OFPRA, mais aussi les talents issus de zones de revitalisation rurale (ZRR), pupilles de la nation, bénéficiaires de minimas sociaux et résidents de quartiers prioritaires de la ville (QPV). Deuxième étape, sur ces mêmes critères : l’" Incubation ", offrant aux entreprises lauréates une bourse de 30 000 euros et un coaching haut-de-gamme auprès de l’un des 149 incubateurs partenaires de la French Tech, dans l’Hexagone et en Outre-mer.
"On ne veut pas d’un écosystème qui serait fermé sur lui-même"
La finalité est triple pour la French Tech : faire émerger des rôles modèles pour montrer à tous les profils qu’ils peuvent réussir dans l’entrepreneuriat. Mais aussi enrichir le monde des startups de projets plus diversifiés, qui identifient d’autres problématiques méconnues ou trop peu explorées. "On ne veut pas d’un écosystème qui serait fermé sur lui-même" , insiste Charlotte Jestin. "Or, on se rend compte que beaucoup des talents du programme French Tech Tremplin portent des projets à impact très fort, notamment social, mais aussi très ancrés dans les territoires, ce que nous voulons absolument soutenir pour ce qu’ils peuvent apporter de positif à la société" . Et enfin, faire connaître les métiers attractifs de la French Tech, "accessibles à tous, pour peu qu’on fasse preuve d’agilité, de créativité, de résilience" .
La cuvée 2022 mettra encore davantage l’accent sur les bonnes pratiques des incubateurs en faveur de l'inclusion, souligne Charlotte Jestin : "Par exemple, nous avons organisé l’onboarding de la saison 2 chez Willa, qui milite pour la mixité dans l'entrepreneuriat, et nous avons accompagné les incubateurs avec Mozaik RH, un cabinet de recrutement et de conseil spécialisé dans l’inclusion des talents issus de la diversité".
Le but n’est donc pas tant de faire émerger des innovations que de donner toutes les clefs et tous les codes pour entreprendre : transformer son rapport à l’échec ; oser ; pitcher son projet ; se débarrasser du syndrome de l’imposteur ; savoir s’entourer ; monter une équipe ; communiquer ; essayer ; puis réessayer, encore. Et finalement, d’intégrer durablement ces profils dans l’écosystème.
C’est bien ce que souhaite aussi Yao Fanny Baelongandi, interprète et traductrice, fondatrice d’English for Real, une méthode innovante de formation en langues, lauréate du French tech Tremplin 2021 : “Je compte poursuivre cette relation avec la French Tech, qui m’a permis de donner une envergure à quelque chose qui n’était qu’en gestation dans mon esprit” . Le programme Tremplin lui a aussi et surtout permis de rêver encore plus grand. "Je suis très ambitieuse. Dans quelques années, je me vois concurrencer les plus grands sur le marché".
La rencontre des paradoxes
Selon la thèse menée en 2019 par la sociologue et chercheuse Marion Flécher, " Des inégalités d’accès aux inégalités de succès : enquête sur les fondateurs et fondatrices de startup " , les trois quarts des fondateurs de startups françaises sont issus d’une grande école. Et seules 10 % de ces entreprises comptent une femme dans l’équipe qui les dirige. Quant à l’emploi, le numérique dispose d’un gisement important de postes à pourvoir, certains acteurs du secteur se livrant même à une véritable chasse aux talents. Alors même que les quartiers prioritaires (les fameux QPV) souffrent d’un “surchômage” : 23,4 %, soit trois fois plus que dans les quartiers environnants, selon l’analyse 2018 de l'Observatoire national de la politique de la ville (ONPV). Il serait peut-être temps que ces paradoxes se rencontrent.