“La chance sourit aux audacieux : le destin favorise ceux qui osent” . Pierre Léonardi et Nicolas Louis, ont pris ce proverbe latin au pied de la lettre. Amis d’enfance, ils s’étaient promis depuis longtemps de lancer une société ensemble. Le rachat de A Little Market, marketplace permettant à des créateurs indépendants de vendre en direct à des particuliers, par le géant américain Etsy, sonne pour eux comme une opportunité. Les créateurs de la plateforme française n'ont que deux choix : migrer sur le concurrent américain ou trouver un autre canal de vente. Pierre Léonardi et Nicolas Louis décident de reprendre le flambeau de A Little Market, à leur sauce, qui se nomme un Grand Marché.
“On s’est dit qu’on pourrait reconstruire une plateforme pour les créateurs français, qui serait aussi ouverte à la Suisse, à la Belgique et au Luxembourg, explique Pierre Léonardi. Nous avons testé notre idée en lançant un sondage sur les réseaux sociaux” . Le résultat est unanime : en une nuit, les deux associés reçoivent un millier de réponses, 95% approuvant la démarche.
Co-construire avec les créateurs
Le compte à rebours s’enclenche. “La fermeture de A Little Market était prévue pour fin septembre, nous avions trois mois pour développer une alternative” . Le timing est tenu. En quelques jours, une petite équipe de 8 personnes est montée. Nicolas Louis et Benjamin Legueux -associé au début du projet- s’occupent du développement technique de la plateforme. “Nous avons fait appel à notre réseau et à celui de nos écoles. Nous avons tous renoncé à nos vacances estivales pour lancer le projet” , confie Pierre Léonardi.
Pour coller aux besoins de leurs futurs utilisateurs, les associés décident de co-construire la solution avec des vendeurs. “On leur a permis, sous un délai de 15 jours, de pré-résever un nom de domaine sur la plateforme. Un mois et demi après le lancement du projet, ils étaient en capacité de nous dire comme ils aimeraient catégoriser la plateforme, quinze jours plus tard, ils pouvaient importer leurs premiers produits” , détaille Pierre Léonardi. Ils sont aussi interrogés sur les fournisseurs avec qui ils souhaitaient collaborer ou encore quelle interface ils imaginent.
Même le modèle de rémunération est étudié avec eux. “L’accès à notre plateforme est gratuit, ce qui permet aux entrepreneurs qui débutent de ne pas multiplier les frais. Nous prélevons seulement une commission sur les ventes effectuées” , développe Nicolas Louis. Un pied de nez à Etsy qui prend 18 centimes sur chaque fiche de vente, 5% de frais de transaction, 4% + 30 centimes de frais de paiement et 15% de publicité externe.
L'accélération
Un Grand marché est lancé le 2 octobre 2017, la première vente est réalisée en 2 minutes. Un beau storytelling qui s’est confirmé avec le temps.
D’un millier de vendeurs à son lancement, la plateforme en recense plus de 29 000, quatre ans plus tard. Pour réussir à atteindre un tel résultat, un Grand Marché a bénéficié du soutien de l’accélérateur du groupe Ouest France, OFF7. “Nous avons été retenus pour une année d’accélération en partenariat avec Startup Palace à Nantes. Cela nous a permis de faire belles rencontres, de croiser les équipes internes de Ouest France multimédia et d’optimiser notre plateforme. Ça a été un gros apport pour l’équipe, reconnaît Pierre Léonardi. L’accompagnement du Startup Palace était très intéressant. Nous avons participé à des modules sur le travail en équipe, le marketing, la communication, le volet technique...” . De leur côté, les équipes de OFF7 ont challengé l’équipe sur le référencement, la structuration des serveurs, le temps de chargement sur internet ou encore l’acquisition payante. À ces briques, Un Grand Marché a ajouté un gros travail de référencement pour offrir une grande visibilité aux créateurs.
Pour fidéliser ses vendeurs et les clients de la plateforme, les deux associés ont développé un chat géré “par des humains” et non des robots afin d'humaniser au maximum la relation.
Pic d'activité pendant la pandémie
En 2019, la société réalise sa première levée de fonds. “Nous avons choisi de faire appel à des business angels pour débuter et nous avons ainsi fait entrer quatre familles [toutes installées dans la région, ndlr] à notre board” , poursuit Pierre Léonardi. Cette première enveloppe de 500 000 euros sert à poursuivre le développement d'un Grand Marché, accroître sa notoriété et élargir son catalogue de produits.
Sans le savoir, la jeune pousse bénéficie d’un excellent timing. Quelques mois plus tard, la pandémie est annoncée. “Nous faisons partie des entreprises qui n’en ont pas souffert, bien au contraire, admet Pierre Léonardi. En deux mois, nous avons réalisé le même chiffre d’affaires que sur la totalité de l’année précédente” . La croissance d’un Grand Marché explose, passant de 30% en 2019 à 150% en 2020. “Ce sont surtout les merceries qui en ont bénéficié, les clients achetaient des masques déjà réalisés ou le matériel pour en concevoir eux-mêmes” . En réalité, “la pandémie a fait évoluer les comportements de consommation. Il y a un retour à la simplicité : le zéro déchet, le DIY intéressent beaucoup” , analyse t-il.
“En 2017, la moitié des visites provenaient du web et du mobile. Maintenant 70% proviennent du mobile” . Les quatre membres de la société travaillent donc depuis quelques temps sur ce sujet et son identité de marque pour continuer à s’adresser aux créateurs francophones et à ses clients, qui viennent aussi d’autres continents comme les Etats-Unis. Pour financer cette évolution, l'entreprise bénéficie d'un financement de 500 000 euros également intervenu à la fin de l'année dernière grâce au soutien de ses business angels.