En juin dernier, Interstellar Lab annonçait son rapprochement avec Soliquid, entreprise spécialisée dans l’impression 3D en suspension, pour développer ses BioPods. Neuf mois plus tard, le projet a bien avancé et même reçu le soutien financier d’Urania Ventures, Auxxo, 7percent Ventures, Seldor Capital, E2MC, Starburst, Kima Ventures et Bpifrance. Des fonds à la fois européens et américains, majoritairement spécialisés dans le spatial ou le climat, qui n’ont pas été choisis au hasard. Certains possèdent des liens étroits avec la NASA, d’autres avec SpaceX et aideront sans doute la startup, lancée en 2020, à nouer de nouveaux partenariats pour apporter sa solution et ses connaissances pointues sur des projets de la Terre à la Lune.
Cultiver de la vanille en Île-de-France
Au cours des neuf derniers mois, le projet de production en environnement contrôlé dans des BioPod a pris une nouvelle dimension. "Nous avons emménagé dans un local à Ivry-sur-Seine qui nous sert de base de prototypage” , débute Barbara Belvisi, fondatrice de la société. La startup y a également installé un laboratoire de culture. "Nous disposons de 4 phytotrons, des mini-serres dans lesquelles nous contrôlons l’environnement : température, humidité, air, niveau de CO2, luminosité" . Depuis le mois de septembre, plusieurs plantes sont ainsi cultivées en aéroponie (une culture hors-sol, avec apport en eau et en éléments nutritifs par des canules, ndlr) afin de vérifier la faisabilité du projet et constituer le catalogue que la startup pourra proposer à ses futurs clients.
"Certaines de ces plantes n’ont jamais été cultivées en aéroponie. Nous faisons vraiment avancer l’état de l’art de la recherche sur ces sujets. Le second objectif est de trouver la bonne recette pour les faire pousser : la qualité des solutions nutritives, les conditions de luminosité, d’humidité, de température qui vont favoriser leur croissance" , détaille la fondatrice. La vanille, le vétiver, le patchouli et les orchidées font partie des plantes testées et les résultats sont plus que prometteurs selon l’entreprise. Pour réussir cette mission, Interstellar Lab a agrandi son équipe d’agronomes et s’est entourée d’experts. À sa tête, on trouve Antoine Pineau, qui a passé plus de 5 ans chez Agricool où il a mis en place le système de test.
En parallèle, ces mini-serres servent aux équipes techniques afin de tester les logiciels, les algorithmes de contrôle et les capteurs permettant de suivre, sur le dashboard, les conditions de vie à l'intérieur des serres.
Industrialisation en vue
Interstellar Lab est actuellement en train de réaliser les dernières vérifications avant de construire ses premiers BioPod d’une surface de 55m2 et d’une hauteur maximum de 5 mètres. "Nous avons sécurisé tous nos manufacturiers et tous nos fournisseurs, toutes les commandes ont été passées” , confie Barbara Belvisi. La base en composite d’un premier BioPod est en production dans une usine française spécialisée dans la production aéronautique. La membrane gonflable est en production en Allemagne. Et ce, malgré des retards dans l’approvisionnement de certaines pièces.
Pour arriver si rapidement à cette phase de fabrication, la fondatrice explique avoir intégré très rapidement les manufacturiers dans le process. "Nous avons commencé à travailler sur le concept puis nous avons fait tourner des analyses structurelles et nous avons utilisé les logiciels de Dassault pour simuler ce qui se passait à l’intérieur” des dômes. Les équipes sont alors entrées dans une phase d’itération pour voir si le design conceptuel était facilement manufacturable ou non. "Nous voulions pouvoir fabriquer le BioPod très rapidement, pas seulement réaliser un démonstrateur" , confie Barbara Belvisi. Finalement, la membrane a été simplifiée au maximum et sa forme un peu modifiée pour répondre aux contraintes industrielles.
"Techniquement, nous pourrions financer un moule pour produire des BioPod à grande échelle. Mais avant de nous lancer sur cette voie, nous avons préféré créer un moule petite série pour voir ce que nous allions éventuellement devoir corriger derrière” .
À l’heure actuelle, 70 BioPod ont déjà été commandés, principalement par des entreprises cosmétiques, pharmaceutiques et des universités. "Ces dernières sont très intéressées car nous leur proposons un outil de recherche. C’est une serre très facile à déployer dans laquelle on peut réaliser des tests pour comprendre comment réagissent les plantes dans un climat extrême et comment les faire pousser dans ce type d’environnement car on peut jouer sur toutes les mesures : hygrométrie, température, etc”.
Objectif Lune
Interstellar n’a pas oublié pour autant sa volonté d’emmener sa technologie dans l’espace et plus particulièrement sur la Lune. "Nous avons intégré le programme SpaceFounders imaginé par l’ESA, le CNES et le DLR -l’agence spatiale allemande- qui nous a beaucoup aidé. Il nous a permis de renforcer nos liens avec le CNES et l’ESA" , se réjouit Barbara Belvisi. Qui ajoute s’être également rapprochée de l’équipe du vol habité à Toulouse. De ce côté de l’Atlantique, Interstellar Lab travaille sur le dimensionnement lunaire de sa solution avec une version proche du BioPod, gonflable elle aussi, mais adaptée à des missions.
Interstellar Lab collabore également avec la NASA sur la mission Artemis et d’autres projets. L’un d’eux consiste à créer "un système de production de nourriture pour le Deep Space et l’orbite basse" d’ici 2025. La solution - en phase de prototypage - prend la forme d’un cube ressemblant à celui actuellement en place dans les stations. "Notre version propose un système plus automatisé et contrôlé avec la possibilité de cultiver des plantes, des champignons et des insectes".
Interstellar Lab fait partie des rares entreprises à travailler avec le CNES et la NASA en même temps. Et l’arrivée de plusieurs fonds à son board devrait lui permettre encore d’élargir son réseau dans les mois à venir pour se développer et recruter de nouveaux profils. D’anciens salariés du CNES, de SpaceX ou encore de Blue Origin ont déjà ou s’apprêtent à rejoindre ses rangs.