6 mars 2022
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Temps de lecture : 6 minutes
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Ce que préparent les BioTech pour remplacer la chimiothérapie

[INNOVER CONTRE LE CANCER 2/5] Jugée largement insatisfaisante par la communauté médicale, la chimiothérapie ne peut pas s’adapter au cas de chaque malade du cancer. Ce qui en fait un traitement aux nombreux effets indésirables, qui soigne autant qu’il détruit. Les BioTech planchent sur des immunothérapies et divers médicaments aux mécanismes novateurs, afin d’améliorer la prise en charge de patients déjà en souffrance.
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Republication du 23 novembre 2021

En matière de lutte contre le cancer, une question taraude les scientifiques. Est-il possible de remplacer, à court terme, la chimiothérapie ? Ce traitement, exploité depuis depuis plus d’un siècle, est efficace contre la maladie mais provoque, en parallèle, de nombreux effets indésirables chez les patients. "C’est un peu comme l’aspirine, expose aussi à Maddyness Amaury Martin, docteur en virologie, directeur adjoint de l'Institut Curie et directeur du Carnot Curie Cancer (le département de développement et valorisation des partenariats industriels). Cela fonctionne, mais de façon très empirique." Dans les faits, la chimiothérapie ne permet pas de cibler précisément les cellules tumorales et s’attaque aussi aux cellules saines. Son caractère hautement toxique en fait un traitement imparfait, d’autant plus que les chercheurs ont récemment saisi de nouveaux mécanismes qui permettent de lutter plus efficacement contre cette pathologie.

Une personnalisation efficace, mais chère

L’immuno-oncologie est l’axe qui "rafle" tous les efforts de recherche, à en croire Amaury Martin : "On s’est d’abord rendu compte que quelque chose se passe chez les personnes greffées, placées sous immunosuppresseurs [qui permettent l’acceptation de la greffe par le corps du receveur, N.D.L.R.]. En comprenant les mécanismes d’action plus finement, on a pu plancher sur une médecine personnalisée." Objectif : ne plus se contenter de soigner avec un traitement aussi générique que la chimiothérapie, qui est utilisée parce qu’efficace sur une large portion de patients... sans pour autant apporter de garantie. Il convient donc d’adapter le traitement à chacun. Des cocktails d’anticorps, qui détectent et neutralisent les agents pathogènes, et d’interleukines, qui stimulent le système immunitaire, peuvent être prescrits au cas par cas pour adapter le traitement du patient. Point négatif : le coût de la personnalisation, une dose pouvant valoir "plusieurs centaines de milliers d’euros".

Les BioTech sont, par ailleurs, nombreuses à plancher sur la thérapie cellulaire. "Cela consiste à modifier génétiquement des cellules immunitaires hors du patient, puis à les lui réinjecter" , explique Amaury Martin, notant que ces dernières agissent alors comme des "têtes chercheuses". Une technique particulièrement efficace contre les cancers "liquides" – comprendre les leucémies et lymphomes. Alderaan Biotechnology et Egle Therapeutics planchent, toutes deux, sur ce type de technologie. S’inscrivant dans cette lignée, Mnemo Therapeutics et Cellectis reprogramment même l’ADN dans les cellules. "Le lymphocyte T est extraordinaire. C’est comme un petit soldat, capable de tuer de façon répétée et de se démultiplier pour donner des dizaines de milliers de cellules" , explique André Choulika qui, avec Cellectis, permet à ce dernier de "reconnaître et éliminer les cellules ennemies".

La biochimie n’a pas dit son dernier mot

Les lymphocytes T focalisant leur action sur certaines cellules cancéreuses, elles laissent les cellules saines intouchées. "Le taux de réponse sur les tumeurs réfractaires est de 67 %" , se félicite André Choulika, qui souligne le fait que seules les cellules prélevées sur le patient peuvent leur être réinjectées. La technologie de Cellectis reste en étude clinique, mais l’entreprise affirme qu’un partenariat a été signé avec un laboratoire pharmaceutique en vue de sa commercialisation dans les prochaines années. "C’est un produit maîtrisé, qui provoque peu d’effets secondaires. Il est, qui plus est, standard [il peut être administré à n'importe quel patient, sans personnalisation, N.D.L.R.] et donc compétitif en matière tarifaire" , vante le fondateur de la BioTech, qui pointe que le traitement fonctionne aussi sur les cancers "solides" – par opposition à ceux qualifiés de "liquides".

La biochimie complète l’arsenal thérapeutique contre les différentes formes de cancer. Si la chimiothérapie s’inscrit dans ce champ d’action, des médicaments moins nocifs voient le jour. SideROS mise sur le fait que le fer est essentiel au développement des protéines et cellules. "L’organisme n’en produit pas, nous le tirons des aliments que nous mangeons, indique Amaury Martin, relevant qu'il s'agit un élément clé dans le mécanisme biologique. Si l’on empêche l’alimentation des cellules cancéreuses, qui ont besoin de plus de fer que les autres, elles ne sont plus capables de se démultiplier." Ce qui limite fortement le risque de métastase – la propagation de la tumeur jusqu’à une autre partie du corps. Dans la même veine, Stimunity conçoit un bio-médicament qui rétablit les défenses du système immunitaire pour lui permettre de détecter et détruire à nouveau les cellules cancéreuses.

Combiner tous les mécanismes d’action

Immuno-oncologie, thérapie cellulaire, biochimie : c’est la conjugaison de ces mécanismes d’action qui devrait permettre, demain, de venir à bout des cancers. "N’oublions pas qu’en arriver à la thérapie est déjà un échec en soi. Cela signifie souvent que l’on a pas pris la maladie à temps, et qu’une chirurgie ne suffit pas" , pointe toutefois Amaury Martin, qui explique également que de multiples vaccins thérapeutiques sont en cours de développement – à l’image de celui de la BioTech Transgene contre le cancer de la gorge. "La chimiothérapie est une arme nucléaire sur le corps. On la qualifiera, quand elle sera remplacée dans des dizaines d’années, de traitement barbare. Il faut qu’on puisse s’en débarrasser d’ici à la fin du siècle" , appuie André Choulika, mettant en avant le "coût social" de "ce traitement qui casse le patient, comparativement aux nouveaux traitements qui permettent une meilleure récupération".

La France a une carte à jouer dans la course à ces thérapies innovantes. "Nous figurons parmi les premiers pays au monde en matière de recherche en oncologie, relève Amaury Martin, qui ne crie cependant pas victoire trop vite. C’est dans les étapes suivantes que cela se corse : en ce qui concerne la prise de brevets, on chute sérieusement en quittant le top 10 des nations. Pire encore, nous ne sommes même plus dans le panel mondial quand il s’agit de valorisation industrielle." Cela signifie que l’application de la recherche tricolore en biologie-santé se fait encore majoritairement à l’étranger. Pour autant, le spécialiste de l’Institut Curie entrevoit une embellie : "La crise du Covid-19 a mis en lumière la nécessité de soutenir financièrement ces projets. Aussi, un vivier de dirigeants qualifiés se développe pour porter ces derniers plus loin." Un constat que rejoint André Choulika de Cellectis qui, s’il note que "plein de progrès restent à faire" , se dit "très optimiste pour la décennie à venir".

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