Si, a priori, entrepreneuriat et service public ne font pas bon ménage, cela est en train de changer. Depuis 2015, la DiNum (direction interministérielle du numérique) s’active pour aider les administrations publiques à construire des services numériques pour répondre aux besoins des citoyens via l’intrapreneuriat. Ainsi, tout agent public qui a une idée pour améliorer un service peut pitcher sa solution au réseau d’incubateurs répandu dans les différents ministères français.
C’est ce que la DiNum appelle l’approche 'Startup d’État' . " Nous voulons faire en sorte que les produits et services développés via Beta.gouv soient construits avec la même logique et les mêmes méthodes agiles que dans les startups privées, explique Ishan Bhojwani, responsable des opérations de ce programme. Beta.gouv est une sorte de startup studio au sein de l’État. " Et qui de mieux que les acteurs de terrain - donc les agents publics - pour cibler les pistes d’amélioration des différents services ?
Des incubateurs dans les ministères
En deux ans d’existence, l’incubateur de la DiNum, qui centralisait toutes les startups d’État créées, à l’image de mesaides.gouv.fr - depuis devenu ‘Aides Jeunes’ - était victime de son succès. " En 2017, on a commencé à se dire que, si on continuait à ce rythme, nous allions devenir une grosse structure. Ce qui, par définition, suppose de créer des process et ralentit les rythmes d’avancement ", se souvient le responsable de Beta.gouv. Ni une, ni deux, le programme a donc décidé d’accompagner l'ensemble des ministères pour qu’ils créent leur propre incubateur, afin de répondre à leurs besoins respectifs. " Il ne manque plus qu’un incubateur à l’Éducation nationale et au ministère de l’Agriculture, même si des projets se développent déjà à la DiNum sur ces thèmes ", rappelle Ishan Bhojwani.
Et les chiffres divulgués dans le bilan 2021 de Beta.gouv semblent confirmer l’évolution croissante de ce programme au sein de l’État. Si la communauté de membres actifs et investis dans ce projet était de 30 personnes en 2016, il compte 777 membres en 2021 - soit 45 % de plus qu’en 2020 (417 personnes). Sur l’année passée, 180 nouveaux intrapreneurs ont été embarqués dans cette aventure.
Pour doper la progression du programme et faire émerger des projets prometteurs, la DiNum a engagé un budget de près de 7 millions d’euros pour Beta.gouv. La grande majorité de cette somme est allouée au Fast (Fonds d’accélération des Startups d’État) qui finance les pépites qu’il estime les plus prometteuses. " Lancé en 2019, ce fonds nous permet de faire levier pour aider les meilleures startups à passer à l’échelle, poursuit le responsable du programme. Nous avons, par exemple, aidé cette année Wikicarbone, une solution qui permet aux industriels de calculer l’estimation de l’impact carbone de leur production textile, ce qu'ils ont des difficultés à faire seuls. "
" Si, dans ce milieu public, il faut réussir à concilier contraintes administratives et innovation, notre but est de développer des services à impact national, qui puissent toucher des millions de personnes et répondent à des standards de qualité élevés ", insiste Ishan Bhojwani. Et ce, même dans l’urgence : l’année dernière, Beta.gouv a rapidement mis en place une équipe pour répondre à la demande pressante du gouvernement de création d’une plateforme pour mettre en place le ‘chèque psy étudiant’ , ce dispositif qui permet aux jeunes d’accéder gratuitement à des consultations avec des psychologues si besoin. " Ça a été un grand succès pour nous, parce qu’on a créé et pérennisé la plateforme en moins de trois semaines ", se réjouit-il.
50 startups d’État créées en 2021
Pour le responsable du programme, c’est mission accomplie pour le bilan de l’année 2021. " Nous avons réussi à diffuser notre approche au sein de nouveaux ministères, comme celui de la Justice ou des Affaires étrangères. Ce qui prouve qu’on arrive progressivement à mettre en place le réflexe de startup d’État au sein de l’administration publique ", avance-il. Beta.gouv a aussi lancé 50 startups d’État et investigué 115 problèmes à travers les propositions des intrapreneurs disséminés dans les différents territoires et services publics.
Mais quels objectifs pour 2022 ? " On veut poursuivre dans l’intégration de notre approche dans les ministères, que les startups d’État ne soient plus perçues comme des objets d’innovation, mais comme démarches naturelles pour répondre à des besoins ", répond Ishan Bhojwani. Autre challenge, et pas des moindres en vue de la guerre des talents qui se joue déjà dans les entreprises privées : arriver à convaincre des experts du numérique de venir travailler dans le service public. Ce programme va donc devoir trouver de solides arguments face aux salaires de plus en plus élevés proposés par les startups pour attirer les profils convoités.