Face aux mastodontes américains et chinois, les entreprises européennes peinent parfois à obtenir des contrats majeurs touchant à des informations, secteurs et enjeux d'ampleur. C'est ce concept de souveraineté numérique - qui désigne la capacité des pays européens à garder la maîtrise de leur destin en matière de numérique, sans se retrouver pieds et poings liés face aux géants étrangers - que la France souhaite mettre en avant ces lundi 7 et mardi 8 février 2022, au cours d'une conférence organisée à Bercy.
Polémique dans le choix des intervenants
La première journée sera consacrée aux débats de fond sur la souveraineté ("cloud" et stockage de données, cybersécurité, régulation des plateformes, etc.). La seconde tournera davantage autour de l'accompagnement des anciennes startups en pleine croissance et susceptibles de devenir des championnes européennes et mondiales - les "scaleups" , dans le jargon de la "startup nation".
Plusieurs commissaires et ministres européens doivent intervenir, directement ou à distance, au cours de cette conférence. Côté secteur privé, l'un des dirigeants de Microsoft, Brad Smith, s'exprimera, tout comme le directeur général de Back Market - championne française des "licornes" par sa valorisation - Thibaud Hug de Larauze, ou la fédération française des startups, France Digitale. La conférence écoutera aussi des grandes voix dans les débats sur l'impact sociétal du numérique, comme l'Américaine Shoshana Zuboff, professeure à l'université de Harvard (États-Unis) et grande dénonciatrice du "capitalisme de surveillance".
L'organisation de cette conférence a déjà donné lieu à quelques polémiques sur les réseaux sociaux, certains observateurs s'agaçant de la présence de géants du numérique américains dans des versions préliminaires du programme de l'évènement. "L'enjeu est d'avoir un débat exigeant. La souveraineté ne se fait pas en se repliant en autarcie ou en imposant nos règles" , a rétorqué le cabinet du secrétaire d'État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques Cédric O.
La course aux décacornes
"C'est un objectif qui nous anime depuis plusieurs années" et qui est de plus en plus partagé au niveau européen, indique-t-on au cabinet de Cédric O. "La Commission européenne, les États membres, le Parlement européen, commencent à soutenir ces sujets-là, on le constate sur des sujets stratégiques" comme la discussion en cours de deux lois européennes sur la régulation de l'Internet, le DSA (Digital Services Act) et le DMA (Digital Markets Act), ajoute-t-on de même source. La France, qui a toujours poussé le vote de ces deux textes, veut aller encore plus loin.
Le pays propose aux autres États européens de créer un nouveau fonds public européen, qui irait alimenter, conjointement avec des investisseurs institutionnels privés, des fonds d'investissement spécialisés dans les scaleups. Emmanuel Macron prône un objectif de 10 géants de la tech européens en 2030, des entreprises dont la valorisation se compteraient en dizaines de milliards d'euros, ces fameuses décacornes. Un objectif qui fait écho aux volontés affichées de l'actuel président, au début de son mandat, d'obtenir 25 licornes françaises d'ici à 2025. Un résultat obtenu avec quelques années d'avance, début 2022, grâce au développement de nombreux outils de soutien à l'échelle nationale.
Une ambition qui rejoint celle de la Commission européenne. Dans un récent entretien à Maddyness, la commissaire européenne à l’Innovation et à la Jeunesse, Mariya Gabriel, décrivant "le Conseil européen de l’innovation comme la plus grande nouveauté" du programme-cadre Horizon Europe - qui définit la politique de l’UE en matière de recherche et d'innovation pour la période 2021-2027. Ajoutant, dans la foulée, que "notre ambition est d’avoir notre propre fabrique européenne de licornes".