Faudrait-il, pour construire un monde plus durable, sortir des débats binaires et s’attaquer aux sujets qui fâchent ? C’est en tous cas ce que pense Marine Charrier, cofondatrice de Polytopoly, qui n’a pas peur d’appeler un chat un chat. "Avant d’être considéré comme un poison, le plastique était d’abord extrêmement pratique au quotidien. Interrogeons-nous d’abord sur notre consommation et sur la gestion de nos déchets ! " . C’est en 2018 que la jeune femme, chasseuse de tête, titulaire d’un double cursus en psychologie et en philosophie, rejoint Edouard Garreau, un spécialiste du commerce international de matières premières. Mue par son envie d’entreprendre, elle est séduite par le projet que le jeune homme mûrit depuis longtemps. Ce projet, c’est Polytopoly : une plateforme numérique recensant selon leurs performances, les différentes résines issues du recyclage de déchets utilisés, afin de les rendre disponibles à la vente aux industriels.
Trois obstacles à lever
"L’idée est née du constat qu’il existait beaucoup d’obstacles à l’intégration du plastique recyclé dans les procédés de fabrication industrielle" ,détaille l’entrepreneuse. Trois, surtout, freinent ce marché pourtant vertueux : la provenance, la qualité de recyclage et l’hétérogénéité des matières. "Il existe plus de 1000 fournisseurs de résines différentes en Europe, aux propriétés singulières" , indique Marine Charrier.
Chaque industriel appliquant sa propre organisation (tri, stockage, process de production), les produits sont de qualité variable selon les fournisseurs et même les lots. "On croit souvent que les industriels ne veulent pas aller vers l’écologie. C’est faux ! souligne l’entrepreneuse de 27 ans. Mais face à un marché qui peine à trouver son modèle, difficile d’investir dans un produit dont on ne peut s’assurer de la qualité" .
Parmi les autres obstacles majeurs, figure aussi la question de l’affichage et de la circulation transparente des informations de ce marché instable, dans lequel les prix varient régulièrement. En conséquence de ce brouillard, les industriels privilégient le plastique vierge. Pourtant, s'il plus facile à approvisionner et si sa qualité est davantage maitrisée, il demeure moins intéressant sur le plan environnemental !
Un laboratoire de recherche et une plateforme numérique
Pour soulever ces freins, Polytopoly a d’abord passé un an à construire un réseau solide. Une première levée de fonds de 2 millions d’euros en 2019, auprès d'un groupe industriel français de la plasturgie, d'un fonds d'investissement et d'un acteur privé de la finance internationale, a permis la création d’un laboratoire ayant pour mission de caractériser les plastiques. "À partir d’analyses d’échantillons, nous élaborons des cartes d’identité digitales de chaque résine, afin de répertorier ses caractéristiques et performances" , explique la jeune femme. La base de données de Polytopoly comptabilise aujourd’hui 400 références. En supplément de cette caractérisation, chaque lot vendu par la plateforme bénéficie d’un contrôle de qualité complet, avant d’être disponible à l’achat en ligne. "Les acheteurs (majoritairement issus du bâtiment, mais aussi de l’emballage et de l’automobile) peuvent recevoir une nouvelle matière en moins de trois semaines, contre 2 à 6 mois en moyenne via le circuit traditionnel" , indique Marine Charrier.
Et maintenant ?
En 6 mois de commercialisation, la jeune pousse a enregistré 1 million d'euros de chiffres d’affaires sur cette activité. "C’est la preuve que notre concept fonctionne" , se réjouit la cofondatrice, qui prévoit de multiplier ce chiffre par 5 en 2022. Un accès digital direct pour tous les utilisateurs est également en développement, afin "d’augmenter la vitesse d'achat et le panier moyen (aujourd’hui l'équivalent d'un camion de marchandises par mois) " . Et, depuis quelques mois, la startup orléanaise planche sur plusieurs projets de recherche visant à favoriser l’intégration du plastique recyclé dans les circuits industriels, tout en maîtrisant davantage les coûts. Surtout, l'entreprise prépare une seconde levée de fonds pour accélérer la commercialisation de son concept. Objectifs visés : doubler les équipes et investir dans des machines, du développement numérique, ainsi que dans la communication et le marketing.
Pour aller au bout de ses ambitions, Polytopoly a bénéficié de deux appuis majeurs. Le soutien du réseau FrenchTech Green 20, notamment pour rayonner en Europe et pour développer son réseau. Mais aussi l’aide de la Caisse d’Epargne Loire Centre, à travers son dispositif Neo Business, pour du financement avec un prêt Innovation, un prêt garanti par l’État (PGE) et une solution de Credoc sur ses activités internationales. "Bénéficier de fonds propres est essentiel pour aller vite et intégrer les bons collaborateurs, qui nous aident à faire grandir ce projet, indique Marine Charrier. Dans notre cas de figure où les opérations sont fortement consommatrices de cash flow, les produits bancaires sont intéressants pour garantir un fonds de roulement nécessaire à une vraie dynamique de développement" .
"Échanger avec d’autres entrepreneurs est une démarche essentielle, conclu la jeune femme, pour prendre de meilleures décisions stratégiques. Grâce au réseau de notre banque et à la French Tech, nous avons pu questionner notre modèle, notamment les ressources humaines et le financement, dans un contexte complexe où, précisément, il faut avancer très vite” , conclut la diriegante.
Maddyness, partenaire média du dispositif Néo Business à la Caisse d’Epargne