Article initialement publié le 1er décembre 2021
Dans la vie comme dans le recrutement, les stéréotypes ont la vie dure. " Nous sommes tous pétris de biais inconscients par nos éducations, nos parcours, les gens qu’on rencontre, la culture d’entreprise dans laquelle on gravite…, a rappelé Laurence Monnier, responsable RH chez AstraZeneca, lors d’une table-ronde dédiée à ce sujet à l’occasion du 1er Sommet de l’inclusion économique, à Bercy. Le tout est de savoir comment s’en départir ".
Maddyness a récolté les bonnes pratiques de différents professionnels RH présents à cet événement et délivre 7 conseils pour prendre conscience de ses biais afin de mieux s’en extraire.
Accepter d'avoir des biais
Toute démarche inclusive commence par le fait d’accepter que, qui que l’on soit, nous avons tous des biais et stéréotypes. " La première des clés est de rester humble, insiste Delphine Hervé, experte recrutement inclusif au sein de la Fondation Mozaïk. Il faut bien comprendre que ce serait une hérésie de penser que l’on peut supprimer les biais d’un point de vue cognitif. Au contraire, il faut en prendre conscience et les accepter ". Passée cette première étape majeure, cette dernière prône la création d’une " forme de serment d’Hippocrate, dans lequel les recruteurs affirment prendre conscience de leur condition humaine et s’engagent à essayer d’évaluer les candidats sur des critères objectifs ".
S'entourer d’autres points de vue en interne
Pour être le plus objectif possible, rien de mieux que de s’entourer d’autres avis sur le choix d’un candidat. " On ne recrute pas pour soi, mais pour des managers, rappelle Géraldine Giraud, RH au sein du Groupe Henner. En tant que professionnel RH, il faut s’entourer d’autres experts du métier, d’associations publiques et privées qui accompagnent dans les démarches d’inclusion et sensibilisent les managers à ces sujets ".
Et, dans l’entreprise, cela se joue aussi en interne. " Dans un livre d’Olivier Sibony, expert de prise de décision stratégique, il y a rappelle l’importance d’intégrer l’intelligence collective pour dépasser ses biais, souligne Delphine Hervé. L’idée est d’aller chercher la contradiction auprès d’une assemblée la plus diverse possible pour faire ses choix et objectiver les process de recrutement ".
Gamifier le processus de recrutement
Pour certains professionnels, l’intégration d’outils totalement externes aux humains en charge du recrutement dans les différentes phases d'embauche peuvent être de vraies plus-values. " Des dispositifs existent pour permettre aux recruteurs de rester ouverts d’esprit et fixés sur ce qui est recherché, explique Anne Brochard, psychologue et CEO de l’Étincelle RH. La gamification peut par exemple permettre de révéler des potentiels au-delà des lignes de CV ". Dans son cabinet de recrutement, l’entrepreneuse a décidé d’adopter une technique ludique, par le jeu, en mettant les candidats en position d’enquêteurs. " Dans nos métiers, nous avons besoin de gens qui investiguent, sont technophiles et ont une vision 360, donc on a tout centralisé dans 'Sourcing Game' , qui nous permet d’identifier ces soft skills plutôt que d’analyser des CV ou des profils LinkedIn ".
Formaliser clairement les compétences recherchées
Pour appliquer des recettes de recrutement justes, une des clés est de formaliser précisément les compétences sur lesquelles sont attendus les candidats et candidates. " Il faut délimiter ces compétences de manière stricte, et sans chercher des indices de ces compétences, qui ne sont représentés que par les écoles effectuées ", précise Charles Chantala, directeur commercial chez Indeed. Benoît Landau, directeur de Plateforme i, structure du Groupe SOS, recommande lui d’utiliser des outils aussi simples que des tableurs Excel, " pour partager à trois ou quatre points de vue une grille des compétences recherchées et sortir de la subjectivité sur le choix des candidats ".
Dans ce cadre, une astuce peut consister à systématiser l’exercice des mises en situation professionnelles. " Cela fonctionne aussi bien pour un consultant RH que pour un préparateur de commande, affirme Benoît Landau. Rien de mieux pour objectiver les compétences et voir si la personne en face de nous correspond vraiment au besoin recherché ".
Éviter les jargons
Utiliser un certain vocabulaire, qui ne serait pas accessible à tous les candidats, relève déjà d’une pratique biaisée dans une phase de recrutement. Aussi, " le secteur de l’hôtellerie peut rayer de ses fiches de poste le terme " welcomers " par exemple, qui relève d’un jargon d’entreprise, ou d’autres termes anglais, qui éloignent des candidats qui pourraient pourtant correspondre aux besoins ", explique le directeur de Plateforme i.
Confronter ses pratiques de recrutement
Formaliser et confronter ses pratiques de recrutement à d’autres professionnels du secteurs pour le partage de bonnes pratiques est un atout pour s’extraire de ses stéréotypes en tant que personne. " Tout recruteur doit faire un travail sur soi, et le faire avec d’autres personnes peut permettre d’avancer plus rapidement, souligne Anne Brochard. Il est sain d’aller confronter sa pratique à celle des autres pour savoir si les questions posées en entretien conviennent, si elles ne sont pas orientées… Ça permet de se remettre solidement en question sur ses biais ".
S’affranchir de sa montre en entretien
Un autre enjeu repose sur la durée consacrée aux entretiens d’embauche. Souvent, en cinq minutes, un recruteur pense savoir si la personne correspond au poste ou pas. " Il ne faut surtout pas s’arrêter là, insiste Delphine Hervé. Se dire qu’on sait en si peu de temps si le candidat est compétent ou pas pour le poste est la démonstration qu’on fait fonctionner ses biais plutôt que des indicateurs objectifs ". Cette dernière recommande en entretien de s’affranchir au maximum de la notion de temps " pour aller chercher la surprise et extraire la substantifique moelle du candidat ".
Par ailleurs, l’experte conseille fortement aux recruteurs d’éviter de cumuler trop d’entretiens par jour ou en fin de semaine " quand on a juste envie de partir en week-end ", puisque la fatigue constitue selon elle " le meilleur moyen de laisser parler ses biais " plutôt que d’adopter un process objectif.