Article initialement publié le 17 septembre 2021
À l'évidence, l'organisation du travail dans l'ère post-Covid ne ressemblera pas à celle du monde d'avant. La généralisation du télétravail a cassé le modèle dominant de la journée de travail au bureau avec son unité de lieu, de temps et d'action. À l'épreuve des faits, la pandémie a eu le mérite de démontrer qu'il existait des modes de travail alternatifs. Lors d’une table ronde organisée par Maddyness durant sa Maddy Keynote, Céline Leonardi, Bruno Marzloff et Clément Alteresco ont pu échanger sur la place du bureau à l’ère post-Covid.
Pour Clément Alteresco, PDG fondateur de Morning, expert des espaces de travail et du coworking, "le salarié a repris le pouvoir de l’espace et du temps alors qu'il était jusqu'alors payé pour rester physiquement au bureau" . "C'est la fin du modèle fordiste avec un lieu de travail unique et des horaires cadrés" , complète Bruno Marzloff, sociologue du travail et des mobilités et créateur du cabinet prospectif Chronos.
Les limites du 100 % télétravail
Dans le même temps, la crise sanitaire a démontré les limites du "full remote". Au-delà des contraintes logistiques - logement exigu, équipement inadapté, enfants en bas âge – les "néo-télétravailleurs" souffrent avant tout de l'isolement social. "En travaillant en permanence chez soi, on finit par associer le travail à la maison, ce qui est terrible" , poursuit Clément Alteresco.
Directrice de la commercialisation de Covivio, opérateur immobilier européen, Céline Leornardi abonde dans ce sens. "L’engagement collaborateur ne vient pas que de la seule relation managériale. Il faut aussi un lieu pour faire fructifier les relations interpersonnelles. Le collaborateur a besoin d’un lieu, d’un repère auquel se raccrocher" . À ses yeux, l’ancrage territorial est primordial. "Certains salariés ont pu se sentir déstabilisés par le flex office. Ils ont besoin de se sentir appartenir à un lieu et donc, par extension, à l’entreprise" .
Pour Clément Alteresco, le full remote serait aussi un frein à la productivité. "Les interactions physiques sont essentielles. Les réunions en visio provoquent moins d’étincelles pour faire émerger des idées" . Selon lui, la dynamique d’équipe s'en ressent également. "Quand tous les collaborateurs prennent un pot ensemble, les tabous tombent. Ils osent se dire les choses".
Et si certaines sociétés dans la tech ont fait le choix du 100 % télétravail comme Salesforce aux États-Unis ou AssessFirst en France, le futur du travail semble se dessiner en mode hybride, en associant le meilleur du distanciel et du présentiel.
Pour Bruno Marzloff, "la Covid nous fait reconsidérer le rapport au travail, au siège social, à la hiérarchie et aux relations sociales. La notion de bureau doit être revisitée à cette aune" . D'après le président de La Fabrique des mobilités, l’expérience collaborateur passera par une multiplicité d’"escales" entre le siège social – symbole de la culture d'entreprise -, le domicile et les tiers-lieux.
Au-delà de l'offre actuelle de coworking, Clément Alteresco estime que, dans les dix prochaines années, de nouveaux espaces de travail de proximité devraient émerger dans les gares, les cafés et même les hôtels. Le groupe AccorHotels a d’ailleurs déjà annoncé qu'il transformerait ses chambres en bureaux pour les télétravailleurs.
Bienvenue au "bureau-hôtel"
Encore faut-il donner envie au collaborateur de retourner physiquement au bureau. Ce dernier doit non seulement proposer davantage d'espaces collaboratifs mais aussi être un lieu multifonctionnel proposant des services de conciergerie, de multi-restauration ou de click & collect.
Pour Céline Leornardi, qui assure, depuis 2017, le développement et l’animation de Wellio, l’offre de bureaux flexibles de Covivio, chaque site doit être unique et pensé en fonction de l'ADN de l'entreprise qui va l'occuper et de ses habitudes. "Les collaborateurs ont besoin de se sentir chez eux et non écrasés par un environnement qui ne serait pas le leur" . Covivio a, par exemple, aménagé le nouveau siège social de la société Expertise France dans le quartier des Gobelins à Paris, en travaillant avec ce dernier pour concevoir un immeuble et surtout des usages sur-mesure. Plus généralement, il s'agit, selon elle, de créer des espaces "mémorables" qui s’inspirent des codes hôteliers en offrant, par exemple, bar lounge, terrasses, rooftop ou encore en proposant une expérience immersive, avec pourquoi pas une identité olfactive ou sonore.
De son côté, Morning propose deux offres. Une entreprise investit soit un espace partagé, soit un bâtiment indépendant où elle affirmera son identité. Une nouvelle société retiendra généralement la première option. Elle s’enrichit au contact d’autres jeunes pousses. Elle a son espace fermé, "sa chambre" et interagit avec leurs "colocs" dans les espaces communs. À partir d’une certaine taille, une entreprise retiendra la deuxième solution.
Quelle que soit la modalité retenue, "aller au bureau doit apporter une expérience collaborateur différente", estime Clément Alteresco, à l'image des différents slogans de Morning comme "Faites un break, venez travailler" ou "C’est du taf mais c’est du kif" . Le dirigeant défend ainsi le concept de “bureau apprenant” où il s'agit d'amener de l’expertise, créer du lien et provoquer des rencontres.
Maddyness, partenaire média de Covivio