Au grand salon de la logistique Solutrans, qui a ouvert mardi près de Lyon, les constructeurs Mercedes, Renault ou Volvo ont présenté une offre de véhicules à batteries de plus en plus complète. "On va passer d'un monde dominé par le diesel à un monde beaucoup plus fragmenté", souligne Béatrice Plat, du cabinet BIPE BDO. Si le gaz, les biocarburants ou l'hydrogène devraient aider à dépolluer le transport, "c'est sur la livraison urbaine que le déploiement électrique va se
faire le plus rapidement", selon une étude européenne présentée mardi à Solutrans par BIPE BDO.
Parmi les étapes du transport, la livraison du "dernier kilomètre", soit le trajet du dernier entrepôt jusqu'à la porte du client, est chère, polluante et complexe. Ces nouveaux véhicules électriques pesant jusqu'à 27 tonnes promettent des livraisons sans bruits de moteurs ni rejets de gaz, sur les Champs-Elysées comme sur le Kurfürstendamm à Berlin. "Tous les logisticiens du dernier kilomètre ont compris qu'il fallait passer à l'électrique. Dans cinq ans, on sera à 80% de véhicules à batterie"
pour les camionnettes, veut croire Jean-Yves Kerbrat, directeur général de MAN France, filiale de Volkswagen.
"Au fur et à mesure de l'évolution de l'autonomie", qui commence à toucher les 300 kilomètres, "ces véhicules grignoteront les centres-villes, puis les périphéries". Stellantis (Fiat, Peugeot) et Iveco misent aussi beaucoup sur l'électrification de leurs utilitaires légers. Les constructeurs comme leurs clients s'adaptent aux normes européennes sur les émissions de CO2, à la hausse du prix du diesel et du gaz, mais aussi à la multiplication en Europe des Zones à faibles émissions (ZFE), qui vont fermer les centres-villes aux vieux camions. Ils profitent aussi des aides gouvernementales, qui vont jusqu'à 100 000 euros en France pour l'achat d'un camion.
"Un moment charnière" pour les poids lourds
Dans l'Hexagone, La Poste fait déjà rouler 37 000 véhicules électriques et en a commandé 4 500 en 2021, visant 50% d'électriques d'ici 2023 pour ses trajets du dernier kilomètre. "Ça va très vite" sur les utilitaires légers, convient chez Renault Trucks Olivier Metzger, directeur France des énergies alternatives. Mais on est surtout à "un moment charnière" sur les poids lourds. La marque du groupe Volvo vise pour ses véhicules de plus de six tonnes 10% de ventes électriques en 2025 et 35% en 2030. Aux côtés de MAN et de Volvo, des poids lourds du secteur comme DAF, Ford, Iveco, et Daimler ont acté la fin des modèles diesel d'ici 2040. Trois d'entre eux se sont aussi alliés dans la développement de bornes de recharge.
Les grandes marques de véhicules industriels ont ainsi accéléré leur offre 100% électrique, après s'être fait bousculer par des startups. Le suédo-britannique Volta a annoncé mercredi à Solutrans que son camion électrique de 16 tonnes entamerait ses derniers tests avant de lancer sa production en 2022. Tesla pourrait dévoiler au même moment son camion électrique. La startup américaine Rivian a reçu une commande d'Amazon pour 100 000 camionnettes à batterie, tandis que la Britannique Arrival doit en livrer 10 000 à UPS. "Tout le monde parle de zéro émissions, mais personne ne veut payer le price premium" , soit la différence de prix à l'achat entre un électrique et son équivalent diesel, tempère Jean-Yves Kerbrat. "La bascule devrait se faire en 2024-25", souligne le dirigeant, quand le constructeur allemand lancera alors la production en série de ses poids lourds électriques.
Le coût mensuel d'un poids lourd électrique est encore supérieur de 25% au diesel, alors il faut pour l'instant "une vraie volonté de rouler propre", explique Yannig Renault chez le transporteur Delanchy, spécialisé dans les produits frais. Mais l'électrique "coche toutes les cases: faibles coûts d'entretien, fiabilité et confort. A court terme, la livraison urbaine sera 100% électrique", souligne-t-il.
Avec des retours moins fréquents au garage et des véhicules qui tiennent plus longtemps, les marges des constructeurs traditionnels risquent logiquement de souffrir, préviennent les professionnels. "Quand tout le monde roulera en électrique, il faudra que nos ateliers et garages aient trouvé un autre business model: on y travaille", souligne Olivier Metzger chez Renault Trucks.