En 2018, le gouvernement français avait annoncé un premier plan d’1,5 milliard d’euros pour soutenir le développement d'une filière française d'intelligence artificielle, que ces initiatives soient privées ou publiques. Trois ans plus tard, à l'occasion de l'évènement France is AI, la Ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, Frédérique Vidal, en a fait le bilan, mettant en avant la création de 4 nouveaux instituts interdisciplinaires, la création ou le renforcement de 3 autres instituts d’excellence ou encore la création du supercalculateur Jean Zay, inauguré en 2019. Cette stratégie a aussi permis de doper le nombre de doctorants, " 500 de plus ont été financés depuis 2018 " , a-t-elle précisé. Du côté des entreprises, les données disponibles font remonter une croissance du nombre de startups dans le secteur. Elles seraient près de 500 aujourd'hui.
À quelques mois de la fin du quinquennat d'Emmanuel Macron, l'Etat ouvre de nouveau les vannes, avec une nouvelle enveloppe de 2,2 milliards d'euros pour les 5 ans à venir, dont 1,5 milliards de financement public. L'occasion pour le Secrétaire d’Etat au numérique, Cédric O, de réaffirmer son ambition de " créer une marque France de l’intelligence artificielle " . Pour combler le retard accumulé par rapport à certains pays comme les Etats-Unis et les offensives agressives de la Chine en la matière, il faut (ré)agir.
Voici les deux grands axes de cette nouvelle phase de la stratégie nationale :
- La formation. " La bataille pour la technologie et l’intelligence artificielle est celle des talents. Pour innover, il faut des talents, du capital et un marché. Si on est capable d’avoir massivement plus de talents, nous gagnerons la bataille " , a souligné Cédric O.
- Investir dans l’IA embarquée et distribuée, l’IA frugale et l’IA de confiance. La 5G, la blockchain, la cybersécurité mettent en avant la nécessité d’avoir une architecture réseau solide.
Les financements de ce nouveau plan stratégique de 2,2 milliards d’euros se répartiront comme suit : 700 millions d’euros pour la formation (provenant du plan France 2030) et 800 millions d’euros pour l’innovation (provenant du PIA4 et d’autres crédits publics). Cet argent sera attribué en partie via le PIA (programme d'investissements d'avenir) et via des appels à projets.
" L’idée est également de former aussi dans les entreprises les collaborateurs qui devront utiliser cette intelligence artificielle dans leur métier dès demain " , a complété la ministre de Frédérique Vidal.
La réglementation de l’IA ne doit pas être une entrave
Autre sujet de crispation, considéré par certains comme un véritable frein à l‘innovation française : la réglementation. " Un pays qui régit ses stratégies par le risque est un pays qui va vers son déclin. Il faut trouver un juste milieu entre l’innovation et la régulation, poursuit Cédric O. La régulation appelle l’innovation. Ce sont les leaders qui fixent les standards donc si nous voulons que les standards français et européens s’imposent, il faut que la France et l'Europe s’imposent comme leader ".
Un partenariat pour l’IA, calqué sur le modèle du GIEC, est ainsi en train d’émerger au sein de l’OCDE. " Nous avons réussi à mettre autour de la table des démocraties qui se posent toutes la question de l’impact du progrès. Les Etats-Unis ont accepté d’y participer " , a fièrement souligné Cédric O. L’Union européenne a déjà commencé à s’attaquer à cet enjeu comme en témoigne la charte éthique d’utilisation de l’IA dans le cadre du système judiciaire. A l'instar de Cédric O, Frédérique Vidal insiste pour davantage de flexibilité, prenant en ce sens le cas d'Emmanuelle Charpentier, qui a obtenu le prix Nobel de chimie en 2020 pour ses ciseaux Crispr. Travaux qu'elle ne mène pas en France. "Cette technologie vient juste d'être autorisée en France", a t-elle souligné comme explication à son départ à l'étranger. Si régulation il y a, celle-ci ne doit pas empêcher les expérimentations. Une fois le potentiel de l’IA déterminé, il sera temps de réguler pour éviter les dérives mais pas avant, laissent entendre les deux ministres.