L'Accord de Paris sur le climat signé en 2015 par 195 parties, est un traité international qui vise un réchauffement global de la planète limité à "bien en-dessous de 2 degrés" . Alors qu'à longueur de communiqués de presse les investisseurs utilisent sans nuance les mots "impact" ou "développement durable", une récente étude constate que leur participation à la lutte contre le réchauffement climatique de ces argentiers est quasi-inexistante.
À peine 158 fonds sur les 16 500 analysés, soit un tiers de l'industrie mondiale des fonds ouverts au public, ont été évalués conformes à cet objectif par le CDP, association internationale spécialisée dans la collecte des données d'émissions de gaz à effet de serre des entreprises. Ces 158 fonds représentent 0,5% des 27 000 milliards de dollars placés étudiés. Pire serait-on tenté d'ajouter , plus de 8 000 fonds, représentant 62% des actifs, dérapent avec des investissements qui mènent vers une hausse des températures supérieure à 2,75 degrés, selon l'enquête du CDP,
Un constat qui fait écho aux propos d’Emmanuel Faber qui soulignait, lors d’un échange avec Maddyness, que “seuls 2% des fonds entrent dans les critères de la directive européenne” rendant obligatoire la prise en compte des externalités climatiques et le respect des Accords de Paris.
Il est temps d'agir
"Le message est clair: il faut accélérer" , a affirmé à l'AFP Laurent Babikian, directeur mondial des marchés de capitaux chez CDP. "On doit réduire l'écart entre le rêve" , les objectifs affichés, "et la réalité et se mettre au travail: les données sont là, elles se développent" et peuvent aiguiller les investisseurs institutionnels, poursuit-il. Mais pour les fonds d’investissement, le passage à l’acte est parfois plus complexe, en raison du temps de développement que représente ce type de projets mais aussi de leur caractère industriel qui refroidit certains VCs. "Aujourd’hui, le monde de la tech, au sens numérique du terme, est bien appréhendé par les investisseurs mais toutes les particularités de l’industrie ne le sont pas. Les startups industrielles rencontrent encore de grandes difficultés à se faire financer car vous devez passer par un prototypage, une pré-industrialisation et ensuite l’industrialisation " , regrette Stéphanie Goujon, DG de French Impact.
Ils sont par contre, très à l’aise à l’idée de financer le divertissement ou la livraison rapide comme en témoigne la récente levée de Sorare ou, Outre-Rhin, celle Gorillas dont le dernier tour de table s'élève à un milliard de dollars. De quoi douter de l'engagement prôné par certains fonds d’investissement qui se contentent, dans la réalité, de dresser les critères ESG en étendard, sans vraiment prendre en compte les externalités de leur portefeuille.
De la responsabilité des fonds
Pour arriver à ce résultat, l'organisation s'est fondée sur les émissions des entreprises incluses dans les fonds, passées et prévues. Ces prévisions sont comparées à ce qu'il faudrait faire pour tenir l'objectif de l'accord de Paris, selon l'approche scientifique de la Science-Based Targets initiative. Les fonds d'investissement "sont dépendants de l'économie réelle. Aujourd'hui, seule une entreprise cotée sur dix est alignée sur le 1,5 degré. Les investisseurs ont besoin d'augmenter sensiblement la pression sur les entreprises" , poursuit Laurent Babikian.
Parmi les vertueux, on retrouve un fonds spécialisé dans le secteur européen de la construction et des matériaux de Blackrock, un fonds spécialisé dans les actions européennes de la Financière de l'Echiquier, ou encore un fonds de Coninco. Les données ne concernent que les émissions dites de scope 1 et 2, c'est-à-dire les émissions de gaz à effet de serre directes et celles liées à l'énergie (par exemple, le gaz naturel qui alimente des usines ou l'électricité qui éclaire les bureaux d'une entreprise).
En revanche, en prenant en compte le Scope 3, qui regroupe toutes les autres émissions indirectes (celles générées par les fournisseurs de l'entreprise, et par l'utilisation des produits vendus), seuls 65 fonds sont alignés sur l'Accords de Paris, soit 0,2% des actifs sous gestion. En prenant en compte ces émissions indirectes, plus de 60% actifs étudiés amènent vers une hausse des températures supérieure à trois degrés.