Pénurie de semi-conducteurs, dépendance aux métaux rares, difficultés d’approvisionnement en masques durant la pandémie... Les exemples caractérisant la dépendance industrielle de la France à d’autres pays se multiplient. Pour tenter de regagner en “autonomie” et en “résilience”, le premier ministre annonçait en août 2020 la création d’un plan de relance baptisé (Re)localisation. Un objectif réitéré récemment par Emmanuel Macron dans le cadre du plan France 2030.
Doté d’un budget initial de 850 millions d’euros, son soutien s’oriente vers des secteurs jugés critiques par le gouvernement : santé, agroalimentaire, électronique, intrants essentiels à l’industrie, télécommunication. “Les secteurs suivants ont fait l’objet d’analyses préalables avec des économistes, des cabinets spécialisés et des académiciens pour être certain de cibler les secteurs opportuns et essentiels à relocaliser” , tient à préciser le cabinet de la ministre chargée de l'Industrie, Agnès Pannier-Runacher. “On a besoin de grands donneurs d’ordre pour s’assurer que ces projets ont des débouchés locaux mais aussi à l’export. Ce sont des projets qui n’ont pas uniquement une vocation française mais possèdent aussi une force de frappe à l’international” .
En parallèle de ce premier dispositif, un second vient renforcer le potentiel industriel en régions. Co-piloté de concert par les régions et l’État, le fonds d’accélération des investissements industriels dans les territoires (de 850 millions d’euros également) a pour ambition de financer des projets industriels structurants pour les territoires. Pas besoin donc d’être positionné sur un des cinq sujets d’avenir pour bénéficier de ce soutien.
Grâce à ces deux dispositifs, 624 projets ont bénéficié d’un soutien du gouvernement :
- 407 dans le cadre du plan (Re)localisation pour 2,7 milliards d’euros d’investissements industriels dont 726 millions d’euros de soutien de l’État.
- 217 dans le cadre du plan territorial pour 1 milliard d’euros d’investissements industriels dont 104 millions d’euros d’aides de l’État.
Les 58 nouveaux projets lauréats présentés ce jour totalisent plus de 300 millions d’euros d’investissements industriels, soutenus à hauteur de 98 millions d’euros par l’État. Au total, plus de 830 millions d'euros ont été dépensés dans le cadre de ces deux dispositifs, environ la moitié des deux fonds alloués.
Le cabinet de la ministre chargée de l’industrie souligne également que ces projets ont permis de “conforter ou créer 77 000 emplois sur tout le territoire” . Sans expliciter combien ont été perdus par les entreprises qui, au contraire, ont choisi de quitter l’Hexagone au cours des dernières années.
Cette question de la relocalisation ne se borne pas aux frontières françaises. "Il faut penser les choses à l'échelle nationale mais aussi à l'échelle européenne, les deux vont ensemble, précise encore le cabinet de la ministre. La santé n'est pas le seul secteur qui fait l'objet d'une approche commune, il y a aussi des travaux sur les semi-conducteurs comme grand axe de relocalisation avec un objectif de 20% de production au niveau européen." Rien d'étonnant en réalité. Comme l'explique Catherine Mercier Suissa, Maître de Conférence HDR, IAE Lyon School of Management et spécialiste des enjeux industriels de relocalisation, tout dépend de la taille du marché. Or, celui de la France est bien trop faible comparé à celui de la Chine, par exemple. Pour tenter de reprendre la main sur certains secteurs tombés dans l'escarcelle de l'Asie ou de l'Amérique, la France devra donc miser sur le marché européen et les savoir-faire déjà à disposition pour soutenir son propre plan de relocalisation nationale avec toutes les limites qu'il peut comprendre.